Revue

Roland

Barthes





n°1 - Jeunes chercheurs > juin 2014




Ester Pino Estivill

« L’écriture barthésienne contre l’oubli (vue depuis l’Espagne) »


Devant le désir de dire, et de se dire, la langue semble nous assister très pauvrement. Comme l’explique Barthes dans son prologue aux Essais critiques, seules quelques fonctions – « je désire, je souffre, je m’indigne, je conteste, j’aime, je veux être aimé, j’ai peur de mourir[1] » – et quelques techniques – comme la rhétorique et l’ironie – constituent le matériel avec lequel on doit se battre afin que le message que l’on destine à l’autre lui parvienne, comme par enchantement, aussi adapté que possible à la vérité de nos affects. Pour Barthes, cette exigence propre à la communication affective n’est pas loin des enjeux de l’écriture[2]. Le but de l’écrivain, dit Barthes, ne serait pas d’« exprimer l’inexprimable » mais d’« inexprimer l’exprimable[3] ». C’est de la pauvreté de « la langue du monde », d’une première parole « trop nommée », que l’écrivain pourra extraire « une parole autre, une parole exacte », en enlevant de la platitude du quotidien les quatre gouttes du sublime capables d’introduire dans son œuvre un peu de cette littératurité que les formalistes russes ont essayé de délimiter.

Ce désir de nommer ce qui fait la puissance de l’innommable apparaît plusieurs fois dans l’œuvre de Barthes sous l'allégorie qui rassemble l'écrivain et Orphée. L’écrivain comme Orphée, dans ce désir de (se) dire, rencontrent la même impossibilité constitutive : « l’interdiction de se retourner sur ce qu’ils aiment[4] ». Regarder Eurydice – la source d’inspiration d'Orphée – entraîne l’évanouissement de son visage dans le désert du réel. Il reste seulement à l’écrivain la possibilité de sauver la dryade – elle, l’innommable – en variant – ou en détruisant, comme dans la poésie mallarméenne – la langue. C’est dans cette recherche de l’impossible que Barthes place la dimension tragique de l’écrivain. Comme il le dit dans Le Degré zéro de l’écriture, l’écrivain ne peut créer « sans perdre, tel Orphée se retournant, la stable signification de sa démarche et le geste essentiel de sa sociabilité[5] ». L’unique pacte qui lie l’écrivain à la société est, justement, la destruction de ce pacte : la responsabilité morale, à travers l’écriture, de créer une déchirure dans la langue que le monde lui offre à sa naissance.

L’utopie du langage que Barthes entrevoit dans l’écriture moderne, en investissant la blessure qui dissocie la relation des mots et des choses, semble éloignée de la responsabilité que la critique espagnole assignait à la littérature pendant la fin du franquisme et le début de la transition démocratique. Alors que Barthes se confronte au discours réaliste pour affirmer a contrario la prévalence de la forme comme morale, la critique littéraire espagnole oppose un furieux désir de réalité. Déjà l’écrivain Juan Goytisolo, résidant à Paris pendant les années soixante et lecteur de la théorie littéraire française de l’époque – Barthes inclus –, avait essayé d’éclaircir les causes de cet abîme entre la critique française et la critique espagnole. Dans l’article « Los escritores españoles frente al toro de la censura » (1967), Goytisolo expliquait :

Pendant que les romanciers français […] écrivent leurs livres indépendamment du paysage social dans lequel ils ont dû vivre […], les romanciers espagnols […] répondent au manque de leurs lecteurs en traçant le tableau le plus juste et équitable possible de la réalité qu’ils considèrent. C’est ainsi qu'en Espagne, le roman accomplit une fonction de témoignage alors qu’en France et dans le reste des pays de l’Europe cette fonction relève de la presse, et le futur historien de la société espagnole devra y faire appel s’il veut reconstruire la vie quotidienne du pays à travers l’épais rideau de fumée et de silence de nos journaux[6].

Il fallait en effet chercher le motif du désaccord entre les deux critiques dans la distance infranchissable qui sépare les contextes politiques des deux pays. Pendant qu’en France la littérature pouvait se déprendre de la dénonciation sociale de l’actualité, dans le contexte de la dictature et dans les années immédiatement postérieures l’engagement de la littérature espagnole consistait à détailler le contenu de la réalité, afin de témoigner du quotidien que le franquisme et la presse cachaient. Toutefois, après avoir expliqué les différences contextuelles des deux littératures et avoir affirmé que l’engagement français ne peut s’établir pour le moment en Espagne, Goytisolo annonce un temps futur où la littérature espagnole aurait comme horizon l’utopie barthésienne du langage. C’est dans ce désir d’intégrer la révolution de l’écriture au devenir de la littérature espagnole que Goytisolo fait référence à Barthes et, dans une curieuse note de bas de page, cite « La littérature, aujourd’hui » (1961), en affirmant :

Pourtant, comme le dit avec justesse Roland Barthes, « l’œuvre la plus “réaliste” ne sera pas celle qui “peint” la réalité, mais qui, se servant du monde comme contenu […], explorera le plus profondément possible la réalité irréelle du langage ». En oubliant cela, […] un grand secteur du roman espagnol d’aujourd’hui, indépendamment de sa stricte valeur de témoignage, se trouve dans une impasse : celle du réalisme “photographique”[7].

Sciemment, Goytisolo a souligné l’« oubli » qui entretient la littérature espagnole dans une sorte de temps mort et a inscrit l’exploration barthésienne de la « réalité irréelle du langage » dans l'avenir. Pour Goytisolo, un jour ou l’autre, cet « oubli » devra être réparé. Néanmoins, le refus de la critique espagnole de faire face au problème du langage posé par Barthes allait prendre des dimensions encore plus grandes, qui, d’une certaine manière, ont empêché la réception de son œuvre jusqu’à aujourd’hui. Il s’agit ici, en considérant les décalages entre les champs littéraires français et espagnols, de comprendre les causes de « l'oubli » de Barthes et d'envisager ce que son retour pourrait signifier pour la littérature espagnole. Si le combat de Barthes contre le discours réaliste et historique ou contre le biographisme des études littéraires, dans ses premières œuvres, a pu travailler à une réception négative de son œuvre en Espagne, une reconsidération de l’écriture de l’intime du dernier Barthes pourrait au contraire révéler des affinités avec les besoins littéraires de la mémoire historique espagnole qui sont encore en train de se réaliser aujourd’hui[8]. Afin de combler cette faille, je vais essayer d’esquisser ce qu’a été la réception de Barthes dans la critique littéraire espagnole pendant le post-franquisme ; puis, je proposerai une lecture du regard de Barthes sur le discours historique et sur le récit réaliste. Enfin, j'essaierai de retracer l’incursion de Barthes entre 1977 et 1980 dans le domaine littéraire du privé, lieu où l’écriture du présent plus intime déborde de souvenirs historiques. Un projet d’écriture, en définitive, qui pourrait offrir à la littérature espagnole une voie novatrice et résolument ancrée dans l’histoire.



BARTHES OUBLIÉ : CAUSES ET CONSÉQUENCES


L’engagement réaliste espagnol face la problématique du langage chez Barthes (années soixante)


Dans Le Degré zéro de l’écriture, Barthes dit que « l’écriture est précisément ce compromis entre une liberté et un souvenir »[9] ; c’est-à-dire, que la responsabilité morale de l’écrivain est d’insérer dans la tradition à laquelle il appartient le travail formel d’un langage qui se déprend des normes. Cette conception de l’engagement de l’écrivain finit par arriver en Espagne vingt ans plus tard et de façon très instable. Malgré le manque de traductions espagnoles[10], l'œuvre de Barthes était lue partiellement, en français. Mais, à cause de la différence conjoncturelle, comme le souligne Luis G. Soto, l’œuvre de Barthes n’a pas fait scandale (Soto, 180). La réaction à la théorie barthésienne, plutôt que scandaleuse, a été sceptique. De fait, dans le contexte espagnol, le nouvel engagement proposé par Barthes dans Le Degré zéro de l’écriture a pu représenter le cœur du désaccord avec l’art engagé que l’on souhaitait réaliser en Espagne. L’affirmation de Barthes selon laquelle la convention de l’« écriture petite-bourgeoise » – celle de signaler la réalité sans la mettre en question – avait été « reprise par les écrivains communistes[11] » a notamment été rejetée par la critique espagnole, qui suivait alors un tout autre chemin d’engagement. En 1959, comme l’explique Goytisolo, dans les entretiens internationaux sur le roman qui ont eu lieu à Formentor (Mallorca), les écrivains espagnols ont défendu férocement l’art réaliste, face au formalisme des romanciers étrangers qui étaient invités. D’une façon similaire, en 1962, au cours de la réunion des écrivains espagnols et soviétiques qui eut lieu lors du Congrès de la Communauté Européenne d’Écrivains à Florence, tandis que les Russes parlaient d’art abstrait et de poésie lyrique, les Espagnols voulaient se défaire du formalisme, en faisant référence à Brecht et à Lukács. Défenseurs de la dénonciation sociale la plus acharnée, les écrivains espagnols avaient comme horizon la construction d’un roman sur les bases du réalisme traditionnel, impliquant de passer par le travail d’une langue claire et directe, qui ne pouvait être remise en question. L’engagement formel dont parle Barthes, qui fait tomber toute idée référentielle et amène l’écrivain au sentiment du tragique devant le monde, ne pouvait pas se traduire dans le contexte littéraire espagnol de ces années-là, parce que la « tragédie » était précisément vécue au quotidien par les citoyens. « Pour les écrivains espagnols la réalité est notre seule évasion[12] », telle était la conclusion de Goytisolo. On peut alors comprendre que devant l'absence de liberté d’expression et devant l’irréalité que les Espagnols vivaient tous les jours sous le franquisme, l’affrontement à la sincérité du projet autobiographique de Leiris – auquel Goytisolo rend hommage dans son titre – ou à la destruction de la langue chez Mallarmé, que Barthes reprend, ont été considérés comme des sujets secondaires ou simplement ignorés. Si Barthes considérait l’histoire « comme l'avènement d'une option nécessaire entre plusieurs morales du langage[13] », en Espagne les écrivains anti-franquistes comprenaient l’histoire comme une arme à double tranchant : on pouvait être avec elle ou contre elle ; avec Franco ou contre Franco.

Durant les années soixante, le changement épistémologique qui a eu lieu en France à partir de la conception lacanienne de l’inconscient structuré comme un langage ou de la conception foucaldienne du sujet comme effet d’énonciation – qu’on peut lire dans l’intertexte barthésien – restait loin de l’optique critique en Espagne. Pourtant, une fois la théorie française reçue par une partie des écrivains espagnols, surtout après la mort de Franco, la réaction du champ littéraire fut encore plus négative. Même si Barthes a été lu pendant les années soixante, c’est au milieu des années soixante-dix que quelques écrivains commencent à appliquer les théories barthésiennes sur le texte et la responsabilité de la forme[14]. Cependant, cette mise en pratique littéraire n’a été pas valorisée par la critique de ces années.

Une mort de l’auteur désenchantée (années soixante-dix)


En Catalogne, un groupe d’écrivains et de critiques, inspirés par l’impact des théories de Tel Quel, a commencé à expérimenter le textualisme. Comme l’explique Margalida Pons, pendant les années soixante-dix la réception de Barthes et de Kristeva en Catalogne est importante : « on s'intéresse notamment à l’aspect poststructuraliste de l’œuvre de Barthes, représenté par son essai Le plaisir du texte ; on s'intéresse à la théorie de l’intertextualité de Julia Kristeva…[15] ». Si dans l’université espagnole les éléments de sémiologie et l’analyse du récit avaient été les aspects les plus considérés de Barthes, car le vocabulaire technique échappait à la censure, en revanche « les jeunes narrateurs ne trouvaient pas chez Barthes l’analyste structurel de la littérature, mais le théoricien du langage comme lieu de désir, de jouissance et de différance[16] ». L’influence du Plaisir du Texte, l’article sur la mort de l’auteur et le concept d’intertexte, qui engagent une critique au discours du vrai et qui revendiquent le texte comme une instance allant au-delà de la littérature, font fureur parmi des écrivains comme Biel Mesquida, Antoni Munné Jordà ou Joaquim Sala-Sanahuja. Biel Mesquida – dans ses poèmes comme dans cet hommage à la théorie française qui a pour titre L’Adolescent de sal (1975), sorte d’autobiographie homoérotique saturée de citations de Barthes et de Kristeva – et d’autres écrivains de langue espagnole, comme Juan Goytisolo ou Enrique Tierno Galván, ont introduit le désir et la sexualité comme sujets littéraires pendant ces années. La théorie kristévienne du génotexte et les concepts de plaisir et de jouissance chez Barthes sont ainsi intégrés dans une écriture du corps qui est devenue le moyen d’affronter la morale répressive de l’époque. Le texte, comme ils le comprenaient, est ainsi défini par Mesquida comme « le fait de se situer sur l'exacte frontière entre le symbolique et le pulsionnel[17] » ; ou dit d’une autre manière, comme libération du je et comme transgression du discours du pouvoir.

Cette influence du textualisme s’accompagne d'une lecture tardive de la première œuvre de Barthes. Certains critiques réagissent en accord avec l’idée de Barthes signalée dans Critique et vérité, selon laquelle toute critique est idéologique, ou avec la proposition déjà annoncée dans Le Degré zéro de l’écriture, selon laquelle toute prise de parole a une responsabilité morale. La réception des idées barthésiennes est au cœur de la table ronde sur le textualisme (« El text(isme) : una literatura diferent »), organisée en 1977 et dirigée par le critique Àlex Broch, à laquelle participent les écrivains catalans les plus innovants de l’époque. Un an plus tard, dans le premier numéro de la revue Diwan, Biel Mesquida écrit :

Dans l’écriture il n’y pas de hasard. Si l’écrivain ne fait pas un choix – toujours lié à une théorie – quand il écrit ses lignes, l’inconscient va choisir pour lui : la théorie des systèmes de représentation qui dominent l’Occident depuis deux siècles et qu’on nomme idéologie bourgeoise[18].

Dans cette citation on peut facilement reconnaître la « responsabilité » barthésienne du choix de la langue de l’écrivain face au leurre de l’objectivisme. Cette nécessité du choix linguistique donne lieu à divers textes très expérimentaux, pleins de jeux conceptuels qui cassent la syntaxe et couronnent le règne du signifiant. Mais, malheureusement, le travail de ces jeunes écrivains n’est pas bien reçu par les critiques et les lecteurs. En premier lieu, la critique considère ces expérimentations textuelles comme dérisoires, jusqu’au point d’en faire un objet de parodie[19] ; d’un autre côté, le secteur le plus traditionnel de la critique littéraire considère que ces expérimentations sont de simples exercices sans incidence sociale et qui, en plus, ne participent pas à la tâche commune que la littérature catalane s'est proposée : rétablir le catalan littéraire après quarante ans de censure. En 1977, afin de défendre les jeunes écrivains de cette école critique, le professeur Jordi Llovet, l’un des introducteurs de la théorie littéraire française dans l’université espagnole, réfléchit sur la difficulté de réception de l’avant-garde théorique et, dans le compte-rendu d'une anthologie de récits expérimentaux qui a pour titre Self-service, affirme ceci :

Qui sait si l’avant-garde catalane a eu de la chance d’être en avance sur son temps […]. En Catalogne attenter aux Belles Lettres […] est synonyme d’antipatriotisme. Une grossière erreur ou une vérité douloureuse pour le fils enchanté[20].

En effet, les nouveaux fils de la littérature catalane trouvent difficile de conjuguer avant-garde et patriotisme et de subvertir la tradition. Mais, en dehors du problème de l’identité nationale, la réflexion de Llovet met en évidence le fait que l’année 1977 semble être prématurée pour les adeptes du textualisme et de la mort de l’auteur. À côté de cette critique parodique de l’expérimentation et de la critique du problème de la langue, une troisième critique est née, plus déchaînée virulente, qui s’est étendue à toute l'Espagne dans tout l’état espagnol et qui est devenue le plus grand obstacle à la réception de Barthes. Ce n’est pas qu'en Catalogne, comme l’explique Pons, qu’est apparu un secteur traditionnel qui montrait « une résistance au fait que la dénonciation de la réalité […] passât seulement à travers le langage[21] ». Ces nouveaux exercices textuels ont aussi été perçus comme des produits éloignés des besoins sociaux d'un pays en reconstruction post-franquiste, tandis que la conception de la littérature comme texte et la disparition progressive de l’auteur ont été lues par la critique espagnole comme un manque d’engagement et un antihistoricisme. La production littéraire de ces auteurs fut critiquée pour son élitisme et son obscurantisme, pour sa problématisation statutaire de la relation entre auteur et lecteur et, enfin, pour avoir dissocié la littérature de sa tâche sociale. Cette position fut défendue, par exemple, par le collectif d’écrivains Trencavel, qui désignait les adeptes de Tel Quel comme « les Christian Dior de la littérature catalane[22] ». D’autres écrivains réputés regardaient aussi avec scepticisme l’écriture antiréférentielle, en la considérant comme la fin du roman. Maria Aurèlia Capmany, l’une des romancières les plus réalistes de l’époque, a brandit :

Si vous allez en France, à Paris, ville spécialement sensible à la mode et créatrice des modes, vous découvrirez que ce qu'on appelle roman est déjà démodé et qu’aujourd’hui l’écrivain qui veut être à la mode écrit un texte. […] Il est clair que c'est un texte qu'on vous offre, c’est-à-dire, le produit d’une nouvelle technique qu’on ne peut plus désigner comme un « récit » parce que sa finalité n’est pas de raconter[23] .

Capmany, comme la plupart des écrivains de gauche – de tendance marxiste – considère les expérimentations textuelles comme des produits banals, aristocratiques et dépourvus d’engagement. Selon cette perspective, l’idée de la mort de l’auteur et la conception mortifère de la littérature ne peuvent donc pas trouver un champ de réception favorable. Les « morts » de l’auteur proclamées par Barthes et Foucault, l’idée selon laquelle l’auteur est une construction du texte où possède une fonction de classement, tout cela a influencé une partie des écrivains espagnols désireux de comprendre le texte comme un phénomène qui dépasse les limites de la littérature et qui échappe à l’arrogance de la signification. Cependant, la mort de l’auteur, au lieu de se réaliser dans le domaine textuel, a pris, dans l’Espagne de la transition, un autre chemin artistique, dissociant encore davantage la critique de la pratique littéraire de l'époque. Des poètes qui pleurent à fendre l’âme le jour « où les vers feront un diner froid avec [leurs] mon corps[24] », comme Gabriel Ferrater, ou qui, comme Jaime Gil de Biedma, intitulent leurs mémoires Diario de un artista seriamente enfermo (1974) – « journal d’un écrivain sérieusement malade » – ou encore des romans dans lesquels les auteurs meurent, comme Contraataquen (1977) de Carles Reig ou Esquinçalls d’una bandera (1977), d’Oriol Pi de Cabanyes, ou même des films comme Arrebato (1979) d’Iván Zulueta, où le réalisateur finit par être dévoré par son œuvre artistique, sont quelques exemples de la mort de l’auteur appliquée à la littérature de la Transition. Néanmoins, cette mort de l’auteur, au lieu d’être comprise comme le refus du biographisme qui anime une partie des études littéraires, est apparue dans la littérature espagnole comme un exemple de l’attitude de pessimisme et de désillusion qui caractérise le quotidien des jeunes espagnols durant la transition démocratique. C’est dans cette période, connue comme celle du désenchantement, que la mort de l’auteur a pu être considérée comme un symptôme de la fin des illusions, qu’une bonne partie des artistes et des intellectuels espagnols ont vécu après la mort de Franco.

C’est ainsi qu'aux jeux textuels, au brouillage des codes de la langue nationale et à la mort de l’auteur prise comme métaphore du désœuvrement des écrivains, une bonne partie de la critique espagnole, à droite comme à gauche, a répondu avec virulence en dénonçant le textualisme comme un mouvement apolitique, voire conservateur. L’engagement d’intellectuels comme Barthes ou Foucault, dont les œuvres avaient pour but la description des processus de formation des signifiés et le démantèlement des processus de naturalisation des discours, a été perçu comme une activité théorique élitiste et désengagée. L’écrivain Félix de Azúa, pendant ces années, en arriva même à dire que les nouveaux critiques et écrivains espagnols avaient seulement en commun leur académisme et qu’ils ne faisaient que répéter les mêmes schémas datant des années soixante et soixante-dix : « Pour nous, Tel Quel et ses dérivés, Lacan et ses dérivés, sont du pur académisme, ce n’est pas de l'avant-garde, mais au contraire, du conservatisme extrême [25]».

Barthes anti-historique ?


Le décalage entre les objectifs du « telquelisme » dans son champ de production et sa réception espagnole a pris avec le temps une nature plus violente, au point de déboucher sur une conception falsificatrice de l’avant-garde théorique française. À la fin des années soixante-dix, il s'est même forgé l'idée selon laquelle la perte des valeurs du champ intellectuel espagnol trouvait son origine dans l’influence des théories de Barthes, Derrida et Foucault. Par méprise, on confondit leurs théories avec un relativisme historique qui conduirait à l’absence de toute vérité, y compris celle des victimes de l'histoire. Lacan et Foucault avaient tué le sujet, Franco était mort au lit et l’intellectuel marxiste espagnol se trouvait sans voix en raison du vide laissé par la désertion du « sujet ». Comme l’explique Eugenia Afinoguénova dans El idiota superviviente. Artes y lettras españolas frente a la muerte del hombre, 1969-1990, entre la fin des années soixante et le milieu des années soixante-dix, il y a eu « un consensus commun, qui accusait d’opportunistes les idées de Foucault, qui avaient relégué la pensée de Marx aux archives des philosophes du XXe siècle[26] ». Au regard des Espagnols, la mort de l’homme avait laissé une « bête survivante » et avait fait tomber toutes les valeurs marxistes. A titre d'exemple, il faut s'arrêter sur la question que nous pose l’écrivain Manuel Vázquez Montalbán dans son Manifiesto subnormal, publié en 1970 : « Quel homme est mort ? ». Derrière la référence à Foucault, sa réponse se veut très critique : l’homme qui est mort en 1970 est la victime de l’Histoire, « à cause de la victoire facile du cynisme relativiste, paradoxalement dogmatique[27] » de l’intelligentsia européenne, conclut Montalbán, qui pense que cette intelligentsia a collaboré à laisser un homme déshumanisé, prédisposé à la consommation et en accord avec le système néolibéral. La lecture que Montalbán fait de Foucault se déplace quinze ans plus tard sur Barthes. Dans sa Crónica sentimental de la Transición española (1985), Montalbán fait référence à la mort de Barthes, une mort qui lui paraît symptomatique de l’état dans lequel il a laissé l’Histoire :

Barthes se laisse renverser par une automobile, fatigué peut-être que ses théories sur la Littérature n'aient pas rendue ni meilleure ni pire la Littérature. Peut-être Barthes voulait-il simplement pénétrer dans la force vitale de l’oubli à travers la structure de la mort : « Si donc je veux vivre, je dois oublier que mon corps est historique, je dois me jeter dans l’illusion que je suis contemporain des jeunes corps présents, et non de mon propre corps, passé. Bref, périodiquement, je dois renaître, me faire plus jeune que je ne suis […]. J’entreprends donc de me laisser porter par la force de toute vie vivante : l’oubli. » […] Barthes a légué à la postmodernité sa dénonciation morbide de l’historicité, mais la mort lui a fait rejoindre une destinée commune auprès d’historicistes comme Erich Fromm ou Sartre[28].

Dans cette citation, au delà de l’ironie touchant à l’échec critique et à la mort physique de Barthes, il est important de voir comment Montalbán désacralise la théorie barthésienne à partir de jeux métaphoriques entre le présent et la mort de l’auteur. Le désir de contemporanéité de Barthes – lié à son projet de vita nuova, dont la citation est justement extraite[29] – est transféré par Montalbán à l’oubli non des significations, comme Barthes tend à l'expliquer, mais à l’oubli du passé. De la même façon, la référence à la mort de l’auteur est déplacée du côté de la mort de l’histoire – « dénonciation morbide de l’histoire ». En outre, ce portrait nécrologique, par opposition à la figure de Sartre, place la figure de Barthes dans l’antihistoricisme. Bref, Montalbán, l'un des écrivains et journalistes les plus engagés dans la reviviscence de la mémoire historique pendant la transition démocratique, et dont les chroniques étaient lues chaque semaine par les lecteurs du journal El País, laisse Barthes de l’autre côté de l’histoire et du devoir de témoignage que l'Espagne doit réaliser.

Mais pour qualifier Barthes d’antihistorique il fallait l’avoir lu très mal ou très peu. Dans Le Degré zéro de l'écriture, ainsi que dans des articles postérieurs comme « Le discours de l’histoire » (1967) et « L’effet de réel » (1968), l’analyse de Barthes sur le discours historique et le récit réaliste montre que son propos n'est pas de s’éloigner de la réalité sociale, mais de signaler les mécanismes à travers lesquels la science et l’histoire instituent un rapport univoque et naturalisé à la vérité, pris en charge par la langue et le pouvoir. Chez Barthes, l’historiographie positiviste, de même que le roman réaliste ou la photographie qui lui sont contemporains, ont comme trait principal de proposer un « effet de réel », de construire le référent comme un effet de langage. Si dans le discours historique cet effet de réel instaure la description de l'historien comme autorité absolue, dans le récit réaliste, par la description des petits détails innocemment insignifiants, l’écrivain « évite de se laisser entraîner dans une activité fantasmatique[30] ». Autrement dit, autant l’historien que l’écrivain réaliste, en comprenant le référent à l’extérieur du langage – et non comme effet du langage – ne couraient pas le risque de se perdre dans un langage qui renvoie seulement à lui-même. À partir d’une problématique du discours, Barthes, tout simplement, dénonce la confusion opérée par l’historicisme et le réalisme entre signifié et référent, confusion conduisant à arrêter le sens, à lui donner un dernier mot. Barthes, dans son combat contre l’arrogance du sens asserté (dont témoignent exemplairement les discours réalistes et historiques), n’adopte donc pas une position antihistorique, mais plutôt antigénétique. À travers sa critique, Barthes invite l’écrivain à s’inscrire dans l’histoire en s’efforçant de mettre en œuvre un langage qui bouleverse des anciens prédicats. Enfin, avec la rupture opérée entre signifié et référent, Barthes réinvesti l’histoire en la soustrayant à son héritage positiviste.

Il se confirme donc que la filiation barthésienne dans le champ intellectuel espagnol a donné lieu à une lecture injustifiée de la théorie de Barthes : soit à cause des besoins critiques variant selon la conjoncture, soit du fait de la lecture biaisée de son œuvre ainsi que de celle de ses contemporains. De l’autre côté des Pyrénées, la charge de Barthes contre le réalisme ou encore ses thèses sur la mort de l’auteur ont ainsi été déplacées de leur contexte et se sont trouvé dénoncées comme autant de causes du silence de l’intellectuel et du fondu au noir de la mémoire historique pendant la transition démocratique. Mais si Barthes a placé la mort de l’auteur au centre des études littéraires, il a aussi promu, à partir la publication de Sade, Fourier, Loyola en 1971, un « retour amical » de l’auteur, retour dont ses trois derniers ouvrages sont le théâtre. Dans les derniers temps de cette singulière autobiographie qui se développe alors, la question du témoignage, significativement pour nous, émerge comme un enjeu majeur.



DE LA MORT DE L’AUTEUR AU TÉMOIN DE VIE


L’abritement du je


Dans le fragment « Nouveau sujet, nouvelle science » de Roland Barthes par Roland Barthes, l’auteur s’adresse la question suivante : « Ne sais-je pas que, dans le champ du sujet, il n’y a pas de référent ? », question à laquelle il répond ainsi : « Le fait (biographique, textuel) s’abolit dans le signifiant, parce qu’il coïncide immédiatement avec lui[31] ». Barthes, donc, dans un premier temps, prend au sérieux l’analyse foucauldienne de l’énoncé « je parle » et rejette le discours comme communication d’une vérité de la part d’un sujet qui en serait le titulaire et le garant. Ainsi Barthes affirme-t-il que « le sujet n’est qu’un effet de langage ».

Mais alors, à prendre au sérieux ce postulat, cette mort de l’auteur condamne-t-elle ce dernier à s’évanouir intégralement? Ou encore, pour le dire avec Montalbán : comment témoigner de l’existence, si l’homme est mort ?

Chez Barthes, c’est à travers la vie nouvelle d’un auteur qui a traversé le désert de la mort, celle de sa mère en octobre 1977, qu’un témoignage est susceptible de prendre forme et de se transmettre. Par là, Barthes en vient à mettre en doute la prétendue antiréférentialité que son autoportrait de 1975 revendiquait encore haut et fort. L’auteur, une fois qu’il a été renié comme figure souveraine, va réapparaître dans le texte comme personnage de fiction à travers la voix moyenne, procédure constitutive de l’écriture moderne, comme Barthes a annoncé dans son article « Écrire, verbe intransitif ? » (1966). Dans son autoportrait, si Barthes s’abîme sur le vide du sujet – écrire est simple « comme une idée de suicide » –, il se récrée lui-même à travers la figuration[32] du langage. Quand il se désigne par le pronom ‘je’, l’auteur ne cesse de faire état de l’inconsistance de son moi et des mirages de son imaginaire. Pourtant, en éprouvant l’impossibilité de se dire, Barthes va prendre un nouveau chemin et, à partir de 1975, offre à l’auteur une voix renouvelée qui, loin d’être assignable à une identité stable et rassurante, disperse l’existence à travers l’écriture. Si la révolution de l’antiréférentialisme en Espagne semble donner lieu au silence de la « bête survivante », chez Barthes, l’auto-immolation de l’auteur devient finalement le mobile de son écriture, capable d’ôter à la littérature biographique son sens parasite pour y retourner d’une autre manière.

Dans la préface aux Essais critiques Barthes affirme que la problématique qui lie l’écrivain au monde n’a pas pour but « d’exprimer ni de masquer son je […] mais de l’abriter[33] ». Entre 1977 et 1980 l’auteur assume le rôle de l’écrivain et porte ses recherches concernant la problématique du langage vers l’abritement de son je. C’est dans l’épineux terrain de la subjectivité que Barthes va s’immiscer afin d’y mettre au jour ce qu’il appelle l’intraitable réalité. L’indicibilité du moi devient désormais la véritable arme contre les processus de naturalisation du sens. Dans un commentaire parenthétique de La chambre claire, Barthes affirme ainsi : « (La ‘vie privée’ n’est rien d’autre que cette zone d’espace, de temps, où je ne suis pas une image, un objet. C’est mon droit politique d’être un sujet qu’il me faut défendre)[34] ». En alléguant le mystère de l’intime, Barthes va se constituer comme sujet à travers l’écriture, afin de se préserver une place soustraite à la violence du langage. C’est par un tel geste orphéen, qui porte le désir sur l’irréductibilité, l’intraitable du sujet, que Barthes va convoquer dans son écriture, comme l’a écrit Éric Marty, « des expériences profanes, quotidiennes, communes des hommes[35] ». Barthes en vient ainsi à définir un terrain où la singularité de l’individu défendue face à la généralité finit par invoquer et rendre possible, à son tour, l’inscription de l’autre dans le texte.

Barthes, témoin de l’existence




Dans la dernière étape de l’œuvre barthésienne, les diverses tentatives visant à mettre en scène l’« intraitable » des affects – l’amour et le deuil, essentiellement – donnent lieu à un corpus autobiographique où Barthes opte pour une écriture du témoignage. On peut distinguer trois styles différents chez le Barthes témoin : en premier lieu, l’écriture du journal intime, qui comprend les journaux posthumes Incidents et Soirées de Paris ainsi que l’article « Délibération » ; en deuxième lieu, l’écriture romanesque, entendue comme projet de vita nuova dans le cours au Collège de France sur La préparation du roman et dans des articles comme « Longtemps, je me suis couché de bonne heure » et, enfin, l’écriture confessionnelle, que l’on trouve annoncée dans Journal de deuil et aboutie dans La Chambre claire.

Dans « Délibération », Barthes considère d’abord le journal intime comme participant de l’écriture de l’imaginaire, pour enfin admettre que son statut lui échappe : toute rencontre avec la vérité s’y manifeste comme impossible. Le journal intime vient signaler l’inconsistance de l’effet de réel, en devenant ainsi un terrain privilégié pour exprimer « le monde comme inessentiel[36] ». Dans les fragments de journal rédigés à Urt en juillet 1977 – qui sont rassemblés dans « Délibération » – comme dans ceux qu’il a écrits au Maroc dans Incidents, ou encore dans ceux des Soirées de Paris, Barthes semble soumis à l’arrêt du temps pendant ses séjours de vacances, ou emprisonné par la mélancolie lors de ses promenades. Barthes y vit des moments de suspension, où la relation entre langage et monde semble se rompre. Devant le poids de l’existence, Barthes adopte alors une pose de flâneur, en collectant simplement les petites anecdotes de la campagne provinciale et de ses habitants, des conversations captées au vol ou, enfin, la banalité du temps météorologique et la vacuité des instants. Dans un des fragments de « Délibération » Barthes dit : « Sombres pensées, peurs, angoisses : je vois la mort de l’être cher[37] ». En effet, le regard du flâneur comporte une réflexion existentielle, mais la présence du monde reste suspendue – en suivant le désir du « neutre » – à travers l’écriture du fragment. De la même façon, les instants que Barthes prélève du quotidien de sa mère et de ses amis, ainsi que les expériences quotidiennes des gens qu’il rencontre, sont inscrits dans le texte grâce à une notation très subtile, sorte de tremblement du sens sur le point de s’évanouir. Rappelons un des fragments d’Incidents : « L’enfant découvert dans le couloir dormait dans un carton, sa tête émergeait comme coupée[38] ». Cette notation, si proche au haïku, qui échappe à la clôture du récit, laisse aussi une trace ouverte, en dispersant la vie des autres – dans ce cas, l’enfant marocain – dans le texte. À travers la collection de ces petites histoires, Barthes réalise une tâche de témoignage, qui en même temps dissipe la signification et rend compte de l’existence de ses contemporains. Dans l’écriture barthésienne de l’anamnèse – marquée par la « ténuité du souvenir[39] » – on rencontre ainsi le souvenir capté « tel qu’il surgit à l’instant du danger[40] », suivant une manière comparable à celle que Benjamin assignait à la tâche du matérialiste historique. « La mort, la vraie mort, c’est quand meurt le témoin lui-même[41] », dit Barthes. Depuis l’intime de l’errance, et conscient du temps qui passe, Barthes met en scène une histoire diversifiée et fragile du quotidien, par l’entremise astucieuse d’un journal qui évacue la distance du récit traditionnel.

En accord avec la recherche de l’ « intraitable réalité » inaugurée dans l’écriture du journal intime, la conférence « Longtemps, je me suis couché de bonne heure » de 1978, affirme le désir de se réapproprier les pouvoirs du Roman proustien afin de rompre avec la méthode essayistique passée et d’initier une nouvelle forme d’écriture. Le Roman, en plus de permettre la représentation d’un ordre affectif (le pathos) et de livrer l’occasion de ne pas faire pression sur l’autre, est aussi pour Barthes le moyen de :

dire ceux que j’aime (Sade, oui, Sade disait que le roman consiste à peindre ceux qu’on aime), et non pas de leur dire que je les aime (ce qui serait un projet proprement lyrique); j’espère du Roman une sorte de transcendance de l’égotisme, dans la mesure où dire ceux qu’on aime, c’est témoigner qu’ils n’ont pas vécu (et bien souvent souffert) ‘pour rien’[42].

Barthes se présente ici clairement comme un témoin de l’autre, avec quelques particularités qu’il nous faut souligner : en premier lieu, Barthes témoigne à partir de l’amour, et c’est ainsi qu’il introduit l’affect dans l’objectivité du discours biographique. En deuxième lieu, Barthes se propose d'arracher ces vies qu’il aime au silence du temps, afin qu’elles ne tombent pas dans l’ombre de l’histoire. De la même façon que Proust, Tolstoï ou Gide ont parlé de leur famille au sein de leurs romans – « dites, à travers l’écriture souveraine, la maladie de la mère de Proust, la mort du vieux prince Bolkonski, la douleur de sa fille Marie (personnes de la famille même de Tolstoï)… » – , en troisième lieu Barthes veut témoigner de l’existence des siens à partir d’« un “moi” d’écriture » irréductible au moi de l’auteur civil. Enfin, ce dont Barthes veut aussi témoigner, c’est des sentiments de ceux qu’il aime – « ces souffrances sont recueillies, justifiées » – à travers la fiction. En d’autres termes, Barthes se propose de mettre en scène des affects indicibles qu’aucun discours ne saurait autrement saisir. Et le Roman, à son tour, devient le moyen de les tracer, car le récit attribué aux personnages donne à Barthes la distance suffisante pour ne pas tomber dans la voix assertive et arrogante de l’essayiste. Si pour Barthes « toute mémoire est déjà sens[43] », la fiction romanesque qu’il réaliserait pourrait lui permettre une « déformation » de la mémoire ; pour le dire d’une autre manière, le roman semble lui donner l’occasion, à travers l’écriture au temps présent, d’inexprimer l’exprimable de la langue pour arriver à communiquer ses affects.

Mais à défaut d’avoir réalisé son projet de roman, c’est dans La Chambre claire que Barthes aura développé le désir de parler de ceux qu’il aime. En se constituant en spectateur de la photographie, avec une voix qui a diminué la distance entre le temps du récit et le temps d’énonciation, Barthes peut écrire de façon plus directe, dit-il, « la vérité des affects, non celle des idées[44] », et suivre la pente manifestée dans son projet de roman : « Je me mets en effet dans la position de celui qui fait quelque chose, et non plus de celui qui parle sur quelque chose ». Le fait que, pour la première fois, Barthes ne puisse pas nier le référent que lui montre la photographie, qui implique l’existence de quelque chose ou de quelqu’un qui a été derrière l’objectif – « telle photo, en effet, ne se distingue jamais de son référent[45] » – , suscite une mise en discours de ses humeurs, cette fois-ci sous son aspect le plus déchirant.

La fascination devant la particularité de la photographie, mais aussi la blessure qu’elle provoque en lui, vient du fait que l’image lui montre un réel vivant qui est déjà mort, qu’ « elle répète mécaniquement ce qui ne pourra jamais plus se répéter existentiellement ». Le Tel de la photographie – le Réel – est sa capacité de saisir une réalité soumise au danger imminent de disparaître, de sorte que, pour une fois, Barthes se retrouve face à la singularité extraordinaire de ce qui a été, du ça-a-été, écrit-il, « absolument, irrécusablement présent, et cependant déjà différé[46] ». Mais cette même fascination devant le Tel de la photographie mène le spectateur à se confronter à l’incapacité de saisir le Réel photographié. Le référent, contrairement à son statut rassurant dans le discours historique et dans le récit réaliste, devient un paradoxe ; il ne suit pas la logique univoque du signe, mais il est per se signifiance, mouvance, et, comme le texte – le Tel de la photographie serait le même que le Tel du texte, explique Barthes – il renvoie en même temps à une présence et à une absence, à un sens et à un non-sens, bref, à un délai.

Comme Orphée devant l’innommable, Barthes, confronté à l’intraitable de la réalité, éprouve alors un manque qui réclame, dans sa négativité, une conversion de la conscience, qu’il appelle le punctum : lieu de deuil et survivance à laquelle l’écriture répond en en recueillant et inscrivant l’affect. Le punctum, aussi appelé « flèche », « blessure » ou « piqûre », vient secouer Barthes, qui s’effondre et tombe dans le fading. L’expérience du deuil amène Barthes à témoigner de l’existence de celle qu’il aime, mais, de la même façon qu’il l’expérimente dans le Journal de deuil, le punctum qui lui advient de la fracture entre vie et mort ne peut ouvrir que le seul monologue du pathos. La conscience de l’impossibilité de raconter l’existence de l’autre – « aucune anamnèse ne pourra jamais me faire entrevoir ce temps à partir de moi-même[47] » – , à cause du caractère intraitable du référent, conduit finalement Barthes jusqu’à l’expérience de la folie, se perdant dans la contemplation et l’impossible étreinte de ce qui va mourir, de ce qui est mort, à la manière de Nietzsche sombrant dans la folie face au spectacle d’un cheval à l’agonie. Néanmoins, en parlant pour la dernière fois de celle qu’il aime, la confession de Barthes, ébranlée par la singularité du référent et traversée par l’expérience de la mort, donne lieu à un récit singulier, qui est aussi une indubitable contribution à l’écriture de l’histoire des autres. C’est parce que vivant et mort ne coïncident pas, c’est parce qu’il y a entre eux un écart irréductible qui empêche la symbolisation, qu’il peut y avoir témoignage. Comme le dit Agamben, le témoignage « est une impuissance qui accède à la réalité à travers une impuissance de dire[48] ». Devant l’échec de rendre compte de l’être aimé, Barthes arrive pourtant à se présenter comme le dernier témoin de sa singularité :

Devant la seule Photo où je vois mon père et ma mère ensemble, eux dont je sais qu’ils s’aimaient, je pense : c’est l’amour comme trésor qui va disparaître à jamais ; car lorsque je ne serai plus là, personne ne pourra plus en témoigner : il ne restera plus que l’indifférente Nature[49].

En effet, personne ne pourra plus témoigner de l’amour de ses parents, parce que leur existence, ainsi que le regard que Barthes porte sur elle, sont épreuves de la singularité de l’intraitable réalité de chacun. Attestant la « science impossible de l’être unique », cette existence paradoxale constitue cela même que l’on ne peut pas réduire à la logique du signe ni à la discontinuité du discours historique. Dans la note du 12 avril 1978 de son Journal de deuil, Barthes s’interroge : « Écrire pour se souvenir ? Non pour me souvenir, mais pour combattre le déchirement de l’oubli en tant qu’il s’annonce absolu[50] ». C’est justement la possibilité d’avoir toujours un sens ouvert au devenir – la mémoire en déformation – qui peut nous permettre de ne pas tomber dans l’oubli. Dans la distance entre vivant et mort, la reconnaissance de Barthes sur l’impossibilité de saisir le référent vient ainsi donner force de preuve à celle qui par soi-seule manque de voix, la mère. L’écriture barthésienne devant le Tel de l’existence donne vie, enfin, aux victimes de l’histoire que Montalbán voulait récupérer.

Dans cette persistance à signaler l’indicible, Barthes ne retrouve-t-il pas la responsabilité formelle annoncée dans Le degré zéro de l’écriture, selon laquelle l’écrivain s’inscrit et s’implique dans les différents langages de son présent historique ? Loin du passé simple et de la troisième personne du discours historique et du récit réaliste, à partir du présent et de la première personne, Barthes suit finalement le chemin vers l’utopie du langage. L’écriture déchirante de La Chambre claire trace une voie pour parler des autres sans vouloir les saisir. Ainsi, la Littérature, dit Barthes, « devient dépositaire de l'épaisseur de l'existence, et non de sa signification[51] ». Dans cette écriture de l’indicible, véritable chute des signifiés, l’existence des vies passées et présentes cesse d’appartenir à telle personne pour réapparaître de façon renouvelée dans l’au-delà de chaque lecture.

Si Goytisolo voulait sortir du réalisme photographique, si Montalbán répétait, à cause du désenchantement accompagnant la transition démocratique, que « contre Franco, on vivait mieux », s’ils ont pleuré le manque de mémoire historique, peut-être un retour à l’œuvre plus intime de Barthes pourrait nous offrir une nouvelle manière de comprendre l’histoire. Loin de la « dénonciation morbide de l’historicité » dont parlait Montalbán, Barthes, à partir de son écriture de l’intime, a contribué à fonder une histoire de l’indicible, mettant au jour la fuite du sens, la singularité de chaque existence. Au cours de son évolution théorique, il a découvert un modèle d’écriture de témoignage dépouillé des fardeaux du discours historique traditionnel, où l’existence de ceux qui ont été serait comme la Littérature, qui à son tour est « comme le phosphore, [qui] brille le plus au moment où elle tente de mourir[52] ». C’est à nous, maintenant, d’éclairer le passé, afin de changer notre regard sur le présent.

Plan



Résumé

Cette contribution vise à éclaircir les malentendus de la réception de Barthes dans le champ littéraire et intellectuel espagnol durant la fin du franquisme et la transition démocratique. Nous expliquerons pourquoi les thèses barthésiennes sur la problématique du langage et la « mort de l’auteur »ont été perçues comme une activité théorique anti-historiciste et désengagée en Espagne. La seconde partie de cette étude se livrera à une analyse de l’écriture du témoignage chez Barthes, qui, en fin de compte, pourrait révéler des affinités avec les besoins littéraires de la mémoire historique espagnole qui sont encore en train de se réaliser aujourd’hui.


Notes

[1] Roland Barthes, « Prologue », Essais critiques [1964], OC II, Paris, Seuil, 2002, p. 278.

[2] À propos des usages de la rhétorique dans la communication des affects, voir l’article d’Adrien Chassain livré dans ce même numéro : « La rhétorique est la dimension amoureuse de l’écriture : communication ordinaire et conversion théorique chez Roland Barthes ».

[3] Roland Barthes, « Prologue », Essais critiques [1964], OC II, Paris, Seuil, 2002, p. 279.

[4] Roland Barthes, « Prologue », Essais critiques [1964], OC II, Paris, Seuil, 2002, p. 280.

[5] Roland Barthes, Le Dégré zéro de l’écriture [1953], OC I, Paris, Seuil, 2002, p. 177.

[6] Juan Goytisolo, « Los escritores españoles frente al toro de la censura » [1967], dans Ensayos literarios (1967-1999), Barcelona, Galaxia Gutenberg, 2010, p. 64 : « Mientras los novelistas franceses […] escriben sus libros independientemente de la panorámica social en que les ha tocado vivir […], los novelistas españoles […] responden a esta carencia de sus lectores trazando un cuadro lo más justo y equitativo posible de la realidad que contemplan. De este modo la novela cumple en España una función testimonial que en Francia y los demás países de Europa corresponde a la prensa, y el futuro historiador de la sociedad española deberá apelar a ella si quiere reconstituir la vida cotidiana del país a través de la espesa cortina de humo y silencio de nuestros diarios. » [La traduction de toutes les citations espagnoles et catalanes en français est de l’auteur de l’article]

[7] Juan Goytisolo, « Los escritores españoles frente al toro de la censura », p. 64 : « Aunque, como dice acertadamente Roland Barthes, ‘la obra más realista no será aquella que pinta la realidad, sino aquella que sirviéndose del mundo como contenido […] explorará lo más profundamente posible la realidad irreal del lenguaje’. Olvido que […] determina que, independientemente de su estricto valor testimonial, un gran sector de la novela española de hoy se halle en un callejón sin salida : el del realismo ‘fotográfico’. »

[8] Le travail de mémoire historique en Espagne sur les événements de la guerre civile et de la dictature a toujours été le fruit de polémiques et surtout de silences. Dans les Pactos de la Moncloa, signés en 1977, quand les principaux partis politiques espagnols établissaient les bases constitutives du futur État démocratique, un consensus s’est établi interdisant les confrontations et la nécessaire prise en compte nécessaire. L’écrivain et journaliste Manuel Vázquez Montalbán a répété plusieurs fois qu’aussi bien la droite que la gauche avaient décidé, pendant la transition démocratique, d’oublier la mémoire historique. Malheureusement, les crimes commis pendant le franquisme font encore aujourd’hui l’objet de nombreuses interrogations.

[9] Roland Barthes, Le Degré zéro de l’écriture [1953], OC I, Paris, Seuil, 2002, p. 181.

[10] Les premières œuvres de Barthes publiées en Espagne sont une traduction en espagnol des Essais critiques, qui paraît en 1967, publiée chez Seix Barral, une traduction en catalan de Critique et vérité, qui paraît en 1969, publiée chez Llibres de Sinera, et une autre traduction en catalan de Le degré zéro de l’écriture, suivi des Nouveaux essais critiques, en 1973, chez Edicions 62. Pendant les années soixante-dix, les traductions de Barthes en espagnol se réduisent à : Elementos de semiología en 1971, chez Alberto Corazón ; Sistema de la moda en 1978, chez Gustavo Gili, et Roland Barthes por Roland Barthes en 1978, chez Kairós. Le reste des traductions en espagnol pendant ces années arrivent de l’Amérique latine. Les publications de l’œuvre de Barthes en Espagne ne se réalisent qu’à partir l’année 1982, année de l’arrivée du parti socialiste au pouvoir et de la fin de la transition démocratique. Pour connaître un programme détaillé de la traduction de l’œuvre de Barthes en espagnol, voir l’article de Luis G. Soto, « Barthes en Espagne » [2002], dans Sur Barthes, textes réunies par Claude Coste, Revue des Sciences Humaines 268 4/2002, publié par l’Université Charles de Gaulle – Lille 3, p. 176-188.

[11] Roland Barthes, Le Degré zéro de l’écriture [1953], OC I, Paris, Seuil, 2002, p. 213.

[12] Juan Goytisolo, « Los escritores españoles frente al toro de la censura », p. 64 : « Para los escritores españoles, la realidad es nuestra única evasión. »

[13] Roland Barthes, Le Degré zéro de l’écriture [1953], OC I, Paris, Seuil, 2002, p. 171.

[14] Ce travail littéraire a justement coïncidé avec la première traduction à l’espagnol de Le Degré zéro de l’écriture, qui est arrivé en Espagne en 1973, grâce à la traduction faite par Nicolás Rosa en Argentine.

[15] Margalida Pons, « Formes i condicions de la narrativa experimental catalana » [2007], Textualisme i subversió. Formes i condicions de la narrativa experimental catalana, Barcelona, Publicacions de l’Abadia de Montserrat, p. 37 : « Interessa especialment el vessant postestructuralista de l’obra de Barthes, representat en el seu assaig Le plaisir du texte ; interessa la teoria de la intertextualitat de Julia Kristeva… ».

[16] Margalida Pons, « Formes i condicions de la narrativa experimental catalana » [2007], p. 38 : « Els joves narradors veuen en Barthes no l’analista estructural de la literatura, sino el teòric del llenguatge com a lloc de desig, jouissance i diferància. »

[17] Biel Mesquida, « Cuando los mandarines de la cultura y sus compinches disparan a silenciar » [1977], El Viejo topo 5, février 1977, Barcelona, p. 48 : « Un situarse en la frontera misma entre lo simbólico y lo pulsional. »

[18] Biel Mesquida, « Babel catalana : on ets ? » [1978], Diwan 1, janvier 1978, Saragosse, p. 44 : « En l’escriptura no hi ha atzar. Si l’escriptor no fa una tria –lligada sempre a una teoria– en fer les seves línies, l’inconscient triarà per ell : la teoria dels sistemes de representació que a Occident dominen des de fa 2 segles i que anomenen ideologia burgesa. »

[19] Comme l’explique Pons, « la réception de ces idées diffère en fonction des écrivains qui en font l’écho ; si quelques-uns montrent leur fascination envers l’écriture antiréférentielle, d’autres la regardent avec un specticisme moqueur », Margalida Pons, « Formes i condicions de la narrativa experimental catalana » [2007], p.42 : « la recepció d’aquestes idées és diferent en funció dels escriptors que se’n fan ressò ; si uns mostren la seva fascinació envers l’escriptura antireferencial, d’altres la veuen amb escepticisme rialler. »

[20] Jordi Llovet, « El Self-service sin clientes » [1977], El Viejo topo 10, juillet 1977, p. 48 : « Quién sabe si al vanguardismo catalán le ha tocado en suerte avanzar al tiempo […]. Atentar contra las Bellas Letras […] es, en Cataluña, sinónimo de antipatriotismo. Craso error o verdad dolorosa para el hijo encantado. »


[21] Margalida Pons, « Formes i condicions de la narrativa experimental catalana » [2007], p. 22 : « Una resistència a acceptar que la denúncia de la realitat […] es vehiculi purament a través del llenguatge. »


[22] TRENCAVEL, « Els Christian Dior de la literatura catalana » [1975], Canigó 401, Barcelona, 14 juin, p. 23.


[23] M. Aurèlia Capmany, « Ferran Cremades. ‘Coll de serps’, text o discurs textual » [1978], Avui, 23 juillet, Barcelona, p. 22 : « Si us n’aneu a París de la França, ciutat especialment sensible a la moda i creadora de modes, descobrireu que això de la novel·la ja no es porta i que avui l’escriptor que es vol al dia escriu un text. […] Queda ben clar que allò que li ofereixen és un text, és a dir, és el producte d’una nova tècnica que no ens podem atrevir a anomenar narrativa perquè la seva finalitat no és narrar res. »


[24] Gabriel Ferrater, « Posseït » [1968], Les dones i els dies, Barcelona, Edicions 62, p. 62 : « Quan els cucs faran un sopar fred amb el meu cos. »


[25] Félix de Azúa, « Entre lo solemne y lo irónico. Entrevista con Félix de Azúa » [1978], par J.E. Ayala-Dip, J.E. et Joan Estruch, El Viejo Topo 26, novembre 1978, Barcelona, p. 45 : « Para nosotros, Tel Quel y derivados, Lacan y derivados son pura academia, no es vanguardia, sino todo lo contrario, conservadurismo extremo ». Encore aujourd’hui, Azúa continue à résister à la théorie française de ces années. En 2005, il a publié un article au journal El País, intitulé «Borrón y cuenta nueva », où il arrive à fonder l’irresponsabilité politique de l’Espagne actuelle sur l’influence de Barthes et Le plaisir du texte. Azúa dit : « Barthes, et la plupart de ses amis ou ses disciples de ce moment-là, Althusser, Deleuze, Kristeva, Sollers, Pleynet, Sarduy, et encore beaucoup d’autres déjà disparus !, ont influencé de manière décisive ma génération et ont accentué la tendance à l’irresponsabilité de la fin du siècle dans notre pays. Aujourd’hui, une fois au pouvoir (…), l’ancienne génération se trouve désarmée face à la critique. Ils n’ont jamais été critiqués sérieusement, et si quelqu’un a essayé de les critiquer, il a été lapidé. […] À n’importe quelle réserve ou désaccord exprimé vis-à-vis de leur travail, ils répondent avec cette bêtise formulée comme un gros mot : Facho ! » [regardez l’édition en ligne du journal http://elpais.com/diario/2005/02/10/opinion/1107990010_850215.html]


[26] Eugenia Afinoguenova, El idiota superviviente. Artes y lettras españolas frente a la muerte del hombre, 1969-1990, Madrid, Libertarias Prodhufi, 2003, p. 38 : « A finales de los 60 y mediados de los 70 había « un consenso común, que tachaba de oportunistas las ideas de Foucault, el cual había dipositado el pensamiento de Marx en el archivo de los filósofos del siglo XIX. »


[27] Manuel Vázquez Montalbán, Manifiesto subnormal [1970], dans Escritos subnormales, Barcelona, Seix Barral, 1989, p. 25 : « Ha sido una burda trampa hacia la propia conciencia realista, la que se ha hecho la inteligencia europea. Vencida en la II Guerra Mundial, aterrada por el mánager y el burócrata, ha recurrido a la fácil victoria del cinismo relativizador, paradójicamente dogmático y apostólico. »


[28] Manuel Vázquez Montalbán, Crónica sentimental de la Transición, Barcelona, Random House Mondadori, 2010, p. 221-222 : « Se deja atropellar por un automóvil Roland Barthes, cansado quizá de que sus teorías sobre la Literatura no hubieran hecho ni peor ni mejor la Literatura. Tal vez Barthes quisiera simplemente penetrar en la fuerza vital del olvido mediante la estructura de la muerte : ‘Si quiero vivir debo olvidar que mi cuerpo es histórico, debo lanzarme hacia la ilusión de que soy un contemporáneo de los jóvenes cuerpos presentes y no de mi propio cuerpo pasado. O sea, periódicamente debo renacer, hacerme más joven de lo que soy…’, y concluía líneas después : ‘Voy a intentar dejarme llevar por la fuerza de toda vida viviente : el olvido’. Legaba Barthes a la posmodernidad su morbosa denuncia de la historicidad, pero la muerte le unió en un destino común con historicistas a la manera de Erich Fromm o Sartre. »


[29] La citation complète de Barthes, extraite de la Leçon, est la suivante : « A cinquante et un ans, Michelet commençait sa vita nuova : nouvelle œuvre, nouvel amour. Plus âgé que lui (on comprend que ce parallèle est d’affection), j’entre moi aussi dans une vita nuova, marquée aujourd’hui par ce lieu nouveau, cette hospitalité nouvelle […]. Vient peut-être maintenant l’âge d’une autre expérience : celle de désapprendre, de laisser travailler le remaniement imprévisible que l’oubli impose à la sédimentation des savoirs, des cultures, des croyances que l’on a traversés… » (Roland Barthes, Leçon [1977], OC V, Paris, Seuil, 2002, p. 446)


[30] Roland Barthes, « L'effet de réel » [1968], OC III, Paris, Seuil, 2002, p. 87.


[31] Roland Barthes, Roland Barthes par Roland Barthes [1975], OC IV, Paris, Seuil, 2002, p. 637


[32] Comme Paul de Man l’explique dans l’article « Autobiography as De-facement » [1979], l’autobiographie est une figure rhétorique du langage – prosopon poien (masque et personne) – à travers laquelle, dans la tragédie classique, on donnait voix aux morts et aux absents. Dans l’autobiographie, cette figure nous confère un langage qui nous permet de nous figurer à nous-mêmes, en même temps qu’il nous dépossède de toute identité assignable.


[33] Roland Barthes, « Prologue », Essais critiques [1964], OC II, Paris, Seuil, 2002, p. 280.


[34] Roland Barthes, La Chambre claire [1980], OC V, Paris, Seuil, 2002, p. 800.


[35] Éric Marty, « Présentation », dans Barthes, Roland, Œuvres complètes, t. V, Paris, Seuil, 2002, p. 18.


[36] Roland Barthes, « Déliberation» [1979], OC V, Paris, Seuil, 2002, p. 679.


[37] Roland Barthes, « Déliberation» [1979], OC V, Paris, Seuil, 2002, p. 671.


[38] Roland Barthes, Incidents [1980], OC V, Paris, Seuil, 2002, p.956.


[39] Roland Barthes, Roland Barthes par Roland Barthes [1975], OC IV, Paris, Seuil, 2002, p.685.


[40] Walter Benjamin, « Sur le concept d’histoire », dans Œuvres III, traduit de l’allemand par Maurice de Gandillac, Rainer Rochlitz et Pierre Rusch, Paris, Gallimard, p. 431.


[41] Roland Barthes, « Déliberation» [1979], OC V, Paris, Seuil, 2002, p. 671.


[42] Roland Barthes, « Longtemps, je me suis couché de bonne heure » [1978], OCV, Paris, Seuil, 2002, p. 469.


[43] Roland Barthes, La préparation du roman, notes de cours et de séminaires au Collège de France 1978-1980, édition établie sous la direction d’Éric Marty par Nathalie Léger, Paris, Seuil/IMEC, 2003, p. 42.


[44] Roland Barthes, « Longtemps, je me suis couché de bonne heure » [1978], OCV, Paris, Seuil, 2002, p. 469.


[45] Roland Barthes, La Chambre claire [1980], OC V, Paris, Seuil, 2002, p. 792.


[46] Roland Barthes, La Chambre claire [1980], OC V, Paris, Seuil, 2002, p. 851.


[47] Roland Barthes, La Chambre claire [1980], OC V, Paris, Seuil, 2002, p. 842.


[48] Giorgio Agamben, Ce qui reste d’Auschwitz. L’archive et le témoin. Homo sacer III [1998], traduit de l’italien par Pierre Alferi, Paris, Payot & Rivages, 2003, p. 159.


[49] Roland Barthes, La Chambre claire [1980], OCV, Paris, Seuil, 2002, p. 865.


[50] Roland Barthes, Journal de deuil, Paris, Seuil, 2009, p. 125.


[51] Roland Barthes, Le Dégré zéro de l’écriture [1953], OC I, Paris, Seuil, 2002, p. 191.


[52]Roland Barthes, Le Dégré zéro de l’écriture [1953], OC I, Paris, Seuil, 2002, p. 193-194.


Ester Pino Estivill

Ester Pino Estivill est lectrice de catalan à l’École Normale Supérieure de Lyon. Elle appartient aussi au laboratoire de recherche Littérature comparée dans l’espace intellectuel européen de l’Université de Barcelone. Elle prépare actuellement une thèse de doctorat sous la direction d’Antoni Martí Monterde qui a pour titre « Mort et résurrection de l’auteur. La reconstruction d’un espace subjectif dans l’œuvre de Roland Barthes et Michel Foucault ».

Pour citer cet article

Ester Pino Estivill, « L'écriture barthésienne contre l'oubli (vue depuis l'Espagne) », Revue Roland Barthes, nº 1, juin 2014 [en ligne]. URL : http://www.roland-barthes.org/article_messager.html [Site consulté le DATE].


1Roland Barthes, « Prologue », Essais critiques [1964], OC II, Paris, Seuil, p. 278.

2À propos des usages de la rhétorique dans la communication des affects, voir l’article d’Adrien Chassain livré dans ce même numéro : « La rhétorique est la dimension amoureuse de l’écriture : communication ordinaire et conversion théorique chez Roland Barthes ».

3Roland Barthes, « Prologue », Essais critiques [1964], OC II, Paris, Seuil, 2002, p. 279.

4Roland Barthes, « Prologue », Essais critiques [1964], OC II, Paris, Seuil, 2002, p. 280.

5Roland Barthes, Le Degré zéro de l’écriture [1953], OC I, Paris, Seuil, 2002, p. 177.

6Juan Goytisolo, « Los escritores españoles frente al toro de la censura » [1967], dans Ensayos literarios (1967-1999), Barcelona, Galaxia Gutenberg, 2010, p. 64 : « Mientras los novelistas franceses […] escriben sus libros independientemente de la panorámica social en que les ha tocado vivir […], los novelistas españoles […] responden a esta carencia de sus lectores trazando un cuadro lo más justo y equitativo posible de la realidad que contemplan. De este modo la novela cumple en España una función testimonial que en Francia y los demás países de Europa corresponde a la prensa, y el futuro historiador de la sociedad española deberá apelar a ella si quiere reconstituir la vida cotidiana del país a través de la espesa cortina de humo y silencio de nuestros diarios. » [La traduction de toutes les citations espagnoles et catalanes en français est de l’auteur de l’article]

7Juan Goytisolo, « Los escritores españoles frente al toro de la censura », p. 64 : « Aunque, como dice acertadamente Roland Barthes, ‘la obra más realista no será aquella que pinta la realidad, sino aquella que sirviéndose del mundo como contenido […] explorará lo más profundamente posible la realidad irreal del lenguaje’. Olvido que […] determina que, independientemente de su estricto valor testimonial, un gran sector de la novela española de hoy se halle en un callejón sin salida : el del realismo ‘fotográfico’. »

8Le travail de mémoire historique en Espagne sur les événements de la guerre civile et de la dictature a toujours été le fruit de polémiques et surtout de silences. Dans les Pactos de la Moncloa, signés en 1977, quand les principaux partis politiques espagnols établissaient les bases constitutives du futur État démocratique, un consensus s’est établi interdisant les confrontations et la nécessaire prise en compte nécessaire. L’écrivain et journaliste Manuel Vázquez Montalbán a répété plusieurs fois qu’aussi bien la droite que la gauche avaient décidé, pendant la transition démocratique, d’oublier la mémoire historique. Malheureusement, les crimes commis pendant le franquisme font encore aujourd’hui l’objet de nombreuses interrogations.

9Roland Barthes, Le Degré zéro de l’écriture [1953], OC I, Paris, Seuil, 2002, p. 181

10Les premières œuvres de Barthes publiées en Espagne sont une traduction en espagnol des Essais critiques, qui paraît en 1967, publiée chez Seix Barral, une traduction en catalan de Critique et vérité, qui paraît en 1969, publiée chez Llibres de Sinera, et une autre traduction en catalan de Le degré zéro de l’écriture, suivi des Nouveaux essais critiques, en 1973, chez Edicions 62. Pendant les années soixante-dix, les traductions de Barthes en espagnol se réduisent à : Elementos de semiología en 1971, chez Alberto Corazón ; Sistema de la moda en 1978, chez Gustavo Gili, et Roland Barthes por Roland Barthes en 1978, chez Kairós. Le reste des traductions en espagnol pendant ces années arrivent de l’Amérique latine. Les publications de l’œuvre de Barthes en Espagne ne se réalisent qu’à partir l’année 1982, année de l’arrivée du parti socialiste au pouvoir et de la fin de la transition démocratique. Pour connaître un programme détaillé de la traduction de l’œuvre de Barthes en espagnol, voir l’article de Luis G. Soto, « Barthes en Espagne » [2002], dans Sur Barthes, textes réunies par Claude Coste, Revue des Sciences Humaines 268 4/2002, publié par l’Université Charles de Gaulle – Lille 3, p. 176-188.

11Roland Barthes, Le Degré zéro de l’écriture [1953], OC I, Paris, Seuil, 2002, p. 213

12Juan Goytisolo, « Los escritores españoles frente al toro de la censura », p. 64 : « Para los escritores españoles, la realidad es nuestra única evasión. »

13Roland Barthes, Le Degré zéro de l’écriture [1953], OC I, Paris, Seuil, 2002, p. 171.

14Ce travail littéraire a justement coïncidé avec la première traduction à l’espagnol de Le Degré zéro de l’écriture, qui est arrivé en Espagne en 1973, grâce à la traduction faite par Nicolás Rosa en Argentine

15Margalida Pons, « Formes i condicions de la narrativa experimental catalana » [2007], Textualisme i subversió. Formes i condicions de la narrativa experimental catalana, Barcelona, Publicacions de l’Abadia de Montserrat, p. 37 : « Interessa especialment el vessant postestructuralista de l’obra de Barthes, representat en el seu assaig Le plaisir du texte ; interessa la teoria de la intertextualitat de Julia Kristeva… ».

16Margalida Pons, « Formes i condicions de la narrativa experimental catalana » [2007], p. 38 : « Els joves narradors veuen en Barthes no l’analista estructural de la literatura, sino el teòric del llenguatge com a lloc de desig, jouissance i diferància. »

17Biel Mesquida, « Cuando los mandarines de la cultura y sus compinches disparan a silenciar » [1977], El Viejo topo 5, février 1977, Barcelona, p. 48 : « Un situarse en la frontera misma entre lo simbólico y lo pulsional. »

18Biel Mesquida, « Babel catalana : on ets ? » [1978], Diwan 1, janvier 1978, Saragosse, p. 44 : « En l’escriptura no hi ha atzar. Si l’escriptor no fa una tria –lligada sempre a una teoria– en fer les seves línies, l’inconscient triarà per ell : la teoria dels sistemes de representació que a Occident dominen des de fa 2 segles i que anomenen ideologia burgesa. »

19Comme l’explique Pons, « la réception de ces idées diffère en fonction des écrivains qui en font l’écho ; si quelques-uns montrent leur fascination envers l’écriture antiréférentielle, d’autres la regardent avec un specticisme moqueur », Margalida Pons, « Formes i condicions de la narrativa experimental catalana » [2007], p.42 : « la recepció d’aquestes idées és diferent en funció dels escriptors que se’n fan ressò ; si uns mostren la seva fascinació envers l’escriptura antireferencial, d’altres la veuen amb escepticisme rialler. »

20Jordi Llovet, « El Self-service sin clientes » [1977], El Viejo topo 10, juillet 1977, p. 48 : « Quién sabe si al vanguardismo catalán le ha tocado en suerte avanzar al tiempo […]. Atentar contra las Bellas Letras […] es, en Cataluña, sinónimo de antipatriotismo. Craso error o verdad dolorosa para el hijo encantado. »

21Margalida Pons, « Formes i condicions de la narrativa experimental catalana » [2007], p. 22 : « Una resistència a acceptar que la denúncia de la realitat […] es vehiculi purament a través del llenguatge. »

22TRENCAVEL, « Els Christian Dior de la literatura catalana » [1975], Canigó 401, Barcelona, 14 juin, p. 23.

23M. Aurèlia Capmany, « Ferran Cremades. ‘Coll de serps’, text o discurs textual » [1978], Avui, 23 juillet, Barcelona, p. 22 : « Si us n’aneu a París de la França, ciutat especialment sensible a la moda i creadora de modes, descobrireu que això de la novel·la ja no es porta i que avui l’escriptor que es vol al dia escriu un text. […] Queda ben clar que allò que li ofereixen és un text, és a dir, és el producte d’una nova tècnica que no ens podem atrevir a anomenar narrativa perquè la seva finalitat no és narrar res. »

24Gabriel Ferrater, « Posseït » [1968], Les dones i els dies, Barcelona, Edicions 62, p. 62 : « Quan els cucs faran un sopar fred amb el meu cos. »

25Félix de Azúa, « Entre lo solemne y lo irónico. Entrevista con Félix de Azúa » [1978], par J.E. Ayala-Dip, J.E. et Joan Estruch, El Viejo Topo 26, novembre 1978, Barcelona, p. 45 : « Para nosotros, Tel Quel y derivados, Lacan y derivados son pura academia, no es vanguardia, sino todo lo contrario, conservadurismo extremo ». Encore aujourd’hui, Azúa continue à résister à la théorie française de ces années. En 2005, il a publié un article au journal El País, intitulé «Borrón y cuenta nueva », où il arrive à fonder l’irresponsabilité politique de l’Espagne actuelle sur l’influence de Barthes et Le plaisir du texte. Azúa dit : « Barthes, et la plupart de ses amis ou ses disciples de ce moment-là, Althusser, Deleuze, Kristeva, Sollers, Pleynet, Sarduy, et encore beaucoup d’autres déjà disparus !, ont influencé de manière décisive ma génération et ont accentué la tendance à l’irresponsabilité de la fin du siècle dans notre pays. Aujourd’hui, une fois au pouvoir (…), l’ancienne génération se trouve désarmée face à la critique. Ils n’ont jamais été critiqués sérieusement, et si quelqu’un a essayé de les critiquer, il a été lapidé. […] À n’importe quelle réserve ou désaccord exprimé vis-à-vis de leur travail, ils répondent avec cette bêtise formulée comme un gros mot : Facho ! » [regardez l’édition en ligne du journal http://elpais.com/diario/2005/02/10/opinion/1107990010_850215.html]

26Eugenia Afinoguenova, El idiota superviviente. Artes y lettras españolas frente a la muerte del hombre, 1969-1990, Madrid, Libertarias Prodhufi, 2003, p. 38 : « A finales de los 60 y mediados de los 70 había « un consenso común, que tachaba de oportunistas las ideas de Foucault, el cual había dipositado el pensamiento de Marx en el archivo de los filósofos del siglo XIX. »

27Manuel Vázquez Montalbán, Manifiesto subnormal [1970], dans Escritos subnormales, Barcelona, Seix Barral, 1989, p. 25 : « Ha sido una burda trampa hacia la propia conciencia realista, la que se ha hecho la inteligencia europea. Vencida en la II Guerra Mundial, aterrada por el mánager y el burócrata, ha recurrido a la fácil victoria del cinismo relativizador, paradójicamente dogmático y apostólico. »

28Manuel Vázquez Montalbán, Crónica sentimental de la Transición, Barcelona, Random House Mondadori, 2010, p. 221-222 : « Se deja atropellar por un automóvil Roland Barthes, cansado quizá de que sus teorías sobre la Literatura no hubieran hecho ni peor ni mejor la Literatura. Tal vez Barthes quisiera simplemente penetrar en la fuerza vital del olvido mediante la estructura de la muerte : ‘Si quiero vivir debo olvidar que mi cuerpo es histórico, debo lanzarme hacia la ilusión de que soy un contemporáneo de los jóvenes cuerpos presentes y no de mi propio cuerpo pasado. O sea, periódicamente debo renacer, hacerme más joven de lo que soy…’, y concluía líneas después : ‘Voy a intentar dejarme llevar por la fuerza de toda vida viviente : el olvido’. Legaba Barthes a la posmodernidad su morbosa denuncia de la historicidad, pero la muerte le unió en un destino común con historicistas a la manera de Erich Fromm o Sartre. »

29La citation complète de Barthes, extraite de la Leçon, est la suivante : « A cinquante et un ans, Michelet commençait sa vita nuova : nouvelle œuvre, nouvel amour. Plus âgé que lui (on comprend que ce parallèle est d’affection), j’entre moi aussi dans une vita nuova, marquée aujourd’hui par ce lieu nouveau, cette hospitalité nouvelle […]. Vient peut-être maintenant l’âge d’une autre expérience : celle de désapprendre, de laisser travailler le remaniement imprévisible que l’oubli impose à la sédimentation des savoirs, des cultures, des croyances que l’on a traversés… » (Roland Barthes, Leçon [1977], OC V, Paris, Seuil, p. 446)

30Roland Barthes, « L'effet de réel » [1968], OC III, Paris, Seuil, 2002, p. 87.

31Roland Barthes, Roland Barthes par Roland Barthes [1975], OC IV, Paris, Seuil, 2002, p. 637.

32Comme Paul de Man l’explique dans l’article « Autobiography as De-facement » [1979], l’autobiographie est une figure rhétorique du langage – prosopon poien (masque et personne) – à travers laquelle, dans la tragédie classique, on donnait voix aux morts et aux absents. Dans l’autobiographie, cette figure nous confère un langage qui nous permet de nous figurer à nous-mêmes, en même temps qu’il nous dépossède de toute identité assignable.

33Roland Barthes, « Prologue », Essais critiques [1964], OC II, Paris, Seuil, 2002, p. 280

34Roland Barthes, La Chambre claire [1980], OC V, Paris, Seuil, 2002, p. 800

35Éric Marty, « Présentation », dans Barthes, Roland, Œuvres complètes, t. V, Paris, Seuil, 2002, p. 18.

36Roland Barthes, « Déliberation» [1979], OC V, Paris, Seuil, 2002, p. 679.

37Roland Barthes, « Déliberation» [1979], OC V, Paris, Seuil, 2002, p. 671.

38Roland Barthes, Incidents [1980], OC V, Paris, Seuil, 2002, p.956.

39Roland Barthes, Roland Barthes par Roland Barthes [1975], OC IV, Paris, Seuil, 2002, p.685.

40Walter Benjamin, « Sur le concept d’histoire », dans Œuvres III, traduit de l’allemand par Maurice de Gandillac, Rainer Rochlitz et Pierre Rusch, Paris, Gallimard, p. 431.

41Roland Barthes, « Déliberation» [1979], OC V, Paris, Seuil, 2002, p. 671.

42Roland Barthes, « Longtemps, je me suis couché de bonne heure » [1978], OC V, Paris, Seuil, 2002, p. 469.

43Roland Barthes, La préparation du roman, notes de cours et de séminaires au Collège de France 1978-1980, édition établie sous la direction d’Éric Marty par Nathalie Léger, Paris, Seuil/IMEC, 2003, p. 42.

44Roland Barthes, « Longtemps, je me suis couché de bonne heure » [1978], OC V, Paris, Seuil, 2002, p. 469.

45Roland Barthes, La Chambre claire [1980], OC V, Paris, Seuil, 2002, p. 792.

46Roland Barthes, La Chambre claire [1980], OC V, Paris, Seuil, 2002, p. 851.

47Roland Barthes, La Chambre claire [1980], OC V, Paris, Seuil, 2002, p. 842.

48Giorgio Agamben, Ce qui reste d’Auschwitz. L’archive et le témoin. Homo sacer III [1998], traduit de l’italien par Pierre Alferi, Paris, Payot & Rivages, 2003, p. 159.

49Roland Barthes, La Chambre claire [1980], OC V, Paris, Seuil, 2002, p. 865.

50Roland Barthes, Journal de deuil, Paris, Seuil, 2009, p. 125.

51Roland Barthes, Le Dégré zéro de l’écriture [1953], OC I, Paris, Seuil, 2002, p. 191.

52Roland Barthes, Le Dégré zéro de l’écriture [1953], OC I, Paris, Seuil, 2002, p. 193-194.