Revue

Roland

Barthes





n°1 - Jeunes chercheurs > juin 2014




Francesca Mambelli

Roland Barthes et l’autorité


Dans sa leçon inaugurale au Collège de France, Barthes annonce d’emblée, après la captatio benevolentiae de rigueur, les deux notions autour desquelles il va articuler son enseignement : le pouvoir, qu’il présente comme « le profond de l’enseignement qui est aujourd’hui inauguré[1] » et le discours, qu’il qualifie d’« objet » de ses prochains cours et séminaires. Plus exactement, il sera question, dit-il, du « pouvoir […] tapi dans tout discours que l’on tient[2] », ou, si l’on renverse la perspective, du « discours pris dans la fatalité de son pouvoir[3] ». Le choix d’un tel sujet a de quoi surprendre : jusque là Barthes avait montré peu d’appétence pour le concept de « pouvoir » qu'il employait d'ailleurs avec parcimonie. Quant au « discours », s’il est vrai qu’il s’y était intéressé dans le cadre de son séminaire sur l’ancienne rhétorique, puis au moment de la découverte des travaux de Benveniste et de la mise en place du projet de Kristeva de fonder une translinguistique, Barthes n'en avait pas jusque là investi tous les enjeux, car la définition la plus complète qu'il proposait du discours se résumait alors à une : « étendue finie de parole […] culturalisée par des facteurs autre que ceux de la langue[4] ».

La décision d’illustrer son parcours intellectuel par les notions de pouvoir et de discours répond certainement à la volonté d’inscrire son enseignement dans la continuité des recherches menées au même moment par Foucault, à qui Barthes devait la proposition d’une chaire de Sémiologie littéraire au Collège de France. Mais cette décision naît aussi d’une inquiétude, tout à fait personnelle, provoquée par l’inauguration d’une nouvelle expérience d’enseignement, lui annonçant des libertés inouïes (notamment celle d’enseigner « hors de toute sanction institutionnelle[5] »), mais également des contraintes inusitées (ne serait-ce que la forme du cours magistral[6]). Ce qui préoccupe Barthes, et qui fait de sa parole au Collège de France « une parole inquiète », en reprenant la belle formule de Guillaume Bellon[7], est la conscience que le rôle du professeur correspond au « rôle ingrat qui fait de tout parleur une manière de policier[8] ». La recherche des moyens propres à « déjouer, déprendre, ou tout au moins à alléger[9] » le pouvoir de la parole professorale, dans laquelle Barthes s’engage au moment d’entrer au Collège de France, est en réalité une démarche qu’il avait entreprise dès le début de sa carrière enseignante, qui se dédouble très vite d’une réflexion sur l’enseignement et sur les formes discursives à travers lesquelles on propose un savoir.

On remarque cependant que dans les articles qu’il consacre à l’enseignement avant son entrée au Collège (notamment, « Ecrivains, intellectuels, professeurs » paru dans Tel Quel en 1971 et « Au séminaire », publié en 1974 dans L’Arc), ce n’est pas la notion de pouvoir qui désigne le vice de toute parole professorale, c’est le concept d’autorité. Barthes en explore le versant juridique (« le professeur n’échappe ni au théâtre de la parole ni à la Loi qui s’y représente[10] »), le versant psychanalytique (« le Père, c’est le Parleur[11] ») et surtout le versant relationnel (« De toute manière, l’occasion de supériorité tourne en relation d’autorité[12] »). Si l’on se souvient de ces textes, la décision de consacrer son enseignement au Collège de France aux différentes méthodes pour « "tenir" un discours sans l’imposer[13] » cesse de paraître surprenante et se révèle comme la dernière (ou l'une des dernières) tentative de se confronter à une question qui a été pour Barthes « une énigme permanente[14] » : la puissance d’intimidation du langage. Dans la séance du 12 janvier 1977 qui ouvre son premier séminaire au Collège de France, Barthes présente d’ailleurs l’intimidation du langage comme le « fantasme » qui relie les recherches qu’il entend mener au Collège de France aux enseignements qu’il avait dispensés l’année précédente à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes[15].

Je me propose ici d'étudier la genèse de la problématique de l’intimidation du langage dans l’œuvre de Barthes et d’analyser la manière dont ses interrogations précédentes sur la nature de la relation d’autorité, sur l’assujettissement durable qu’elle impose, mais aussi sur les bénéfices que le sujet peut espérer en tirer, informent son enseignement au Collège de France, et notamment le séminaire de 1977-1978 intitulé « Qu’est-ce que tenir un discours ? ». Retracer le parcours de la réflexion barthésienne sur l’autorité dans ses rapports avec l’intimidation du langage me paraît nécessaire ne serait-ce que pour comprendre le rapport entre les trois définitions de « discours de pouvoir » que Barthes avance dans sa leçon inaugurale, et qui convoquent trois conceptions très différentes à la fois de l’autorité et du discours.

La première apparaît juste après l’introduction, dans le paragraphe qui s’ouvre par la déclaration : « c’est en effet du pouvoir qu’il s’agira ici, indirectement mais obstinément[16] ». Après avoir avancé l’idée que le pouvoir est présent même aux niveaux les plus infimes de la vie sociale, Barthes fait intervenir la notion d’arrogance pour définir le discours de pouvoir : « partout des voix "autorisées", qui s’autorisent à faire entendre le discours de tout pouvoir : le discours de l’arrogance[17] ». Malgré sa formulation très elliptique, on peut essayer de tirer de cette phrase une première définition : tout discours prononcé par une personne qui détient de l’autorité (une voix "autorisée") et qui vise à se légitimer en prenant la parole (une voix qui s’autorise) relève de l’arrogance, donc du pouvoir. Le discours serait une procédure par laquelle le locuteur arrive à légitimer et à naturaliser son propre prestige.

Quand l’expression « discours de pouvoir » est reprise à la fin du même paragraphe, elle n’est plus envisagée comme un processus circulaire d’autorisations reçues et auto-accordées ; de manière assez surprenante, Barthes fait intervenir maintenant deux notions d’ordre moral : « j’appelle discours de pouvoir tout discours qui engendre la faute, et partant la culpabilité, de celui qui le reçoit[18] ». Le rapport entre pouvoir et faute, puis entre faute et culpabilité, qui n’est pas ici précisé, renvoie évidemment à la tradition de l’Ancien et du Nouveau Testament.

Après le modèle juridique (« la voix autorisée qui s’autorise ») et le vocabulaire éthico-religieux (« la faute et partant la culpabilité »), Barthes propose une troisième et dernière définition du discours de pouvoir, où il fait intervenir l’image – esthétique et politique – du triomphe. Il vient de constater que, suite à Mai 68, les appareils de contestation se sont multipliés et que cette multiplication a produit une division et une diffusion du pouvoir, car chaque « groupe d’opposition » a fini par se convertir en « groupe de pression[19] ». La responsabilité de cette transformation repose pour Barthes sur la forme discursive que la contestation a choisi d’adopter : « on se glorifiait de faire apparaître ce qui avait été écrasé [20] ». Le choix du verbe « se glorifier » – qui chez Barthes évoque toujours la dimension esthétique de l’éclat, du rayonnement – fait allusion à une scène de triomphe : le locuteur du discours de contestation se complait à montrer, comme dans les cérémonies militaires du triomphe, l’adversaire vaincu. En exposant triomphalement les effets de sa force, le libérateur se convertit en policier : il cesse d’être une puissance d’opposition pour devenir un pouvoir punitif.

On voit bien quel problème posent ces trois définitions du discours du pouvoir : comment une notion juridique, une métaphore esthétique et deux concepts éthico-religieux peuvent-ils désigner tout à la fois le même objet ? Qu’est-ce qui permet de faire le lien entre une stratégie de légitimation, le sentiment de culpabilité et l’imaginaire du triomphe ? Et surtout pourquoi cela devrait nous éclairer sur la relation enseignante et favoriser la mise en place des stratégies permettant de déjouer la relation d’autorité ?

Une métaphore qui revient, obstinée, à chaque fois que Barthes s’efforce de penser le rapport entre autorité et discours, aide à y voir plus clair : c’est la métaphore du vêtement de parole, du langage comme vêtement. En suivant le chemin que cette métaphore trace dans l’œuvre de Barthes, des premiers textes jusqu’à son entrée au Collège de France, je vais isoler trois moments correspondant à trois étapes de la réflexion barthésienne sur l’intimidation du langage : l’étape mythologique, pendant laquelle l’intimidation est pensée en opposition avec la communication et où elle est considérée comme le résultat d’un usage cosmétique du discours (1957), la publication de Sur Racine où Barthes s’efforce de saisir la nature de la relation d’autorité et avance l’idée que le discours est à la fois une substance protectrice et un moyen d’agression (1963) et enfin la période ouverte par le séminaire de 1974-1975 sur le discours amoureux et prolongée par la publication en 1977 de Fragments d’un discours amoureux, moment où Barthes envisage le discours comme un vêtement remis lors d’une cérémonie d’investiture qui fixe l’amoureux dans une structure. Ma communication sera donc structurée en trois parties, consacrée respectivement à l’un de ces textes où l’image du langage comme vêtement entre en tension, et parfois même en contradiction, avec une autre image censée décrire le pouvoir d’intimidation de la parole : la métaphore du code.



Un vêtement qui à la fois cache et expose


Le premier texte où Barthes s’intéresse à la force d’intimidation du langage est la mythologie « Grammaire africaine », qui reprend deux articles publiés en novembre 1955 dans la revue Les Lettres nouvelles. On trouve déjà dans ce texte les deux métaphores qui aideront Barthes à conceptualiser les liens entre autorité et discours : l’image du code et celle du vêtement. Ces deux métaphores structurent le premier paragraphe et précisent la déclaration péremptoire qui l’ouvre : « le vocabulaire officiel des affaires africaines […] n’a aucune valeur de communication, mais seulement d’intimidation[21] ».

Pour décrire le langage utilisé par les autorités françaises à propos des revendications indépendantistes au Maroc et en Algérie, Barthes mobilise d’abord un vocabulaire juridique. Il insiste sur la fonction – ou du moins sur l’aspiration – normative de ce langage, « chargé d’opérer une coïncidence entre les normes et les faits, et de donner à un réel cynique la caution d’une morale noble[22] ». Appeler « présence française » la colonisation, utiliser l’expression « populations musulmanes » toujours au pluriel, faire appel à la « mission de la France » sont autant de procédés qui visent pour Barthes à faire passer un interventionnisme dicté par l’intérêt pour une action presque charitable. Contrairement à ce que Barthes dira plus tard de la connotation, ici la capacité propre à la langue de « codifier, au gré de son histoire, ses informations secondes[23] » est envisagée de manière exclusivement négative ; un langage qui fonctionne « comme un code », c’est tout simplement un langage où « les mots y ont un rapport nul ou contraire à leur contenu[24] ».

Après avoir mobilisé le vocabulaire juridique, Barthes qualifie le langage officiel de « cosmétique » car il vise à « recouvrir les faits d’un bruit de langage[25] ». L’image est celle du fard qui appose sur le visage des choses – visage dur, marqué par les rides que l’histoire y a tracées – une poudre de paroles lui donnant une apparence lisse, propre, éternelle et rassurante. Cet acte de recouvrement est allégorisé, vers la fin de l’article, par une figure qui ajoute à l’idée d’embellissement, celle de dissimulation : la rhétorique officielle est présentée comme une activité compulsive qui consiste à « entasser les couvertures de la réalité[26] ». Si les discours sur les affaires africaines ont une force d’intimidation, c’est donc parce qu’ils ajoutent sur les faits un tas de vêtements langagiers qui les enjolivent et, par le même mouvement, les cachent à la vue.

Dans les Mythologies cependant, la métaphore du langage-vêtement n’évoque pas seulement une opération de dissimulation et d’embellissement du réel, elle fait allusion aussi à la forme alléchante du mythe et à son efficacité spécifique. Tout comme un vêtement, le langage mythique donne à l’objet auquel il se greffe une force d’évidence, au sens à la fois logique et esthétique du terme. Cette imbrication des dimensions logique et esthétique de l’évidence est manifeste dans la définition que Barthes propose du mythe dans l’Avant-propos : le mythe, c’est « l’exposition décorative de ce-qui-va-de-soi[27] ». À ce qui paraît évident (« ce-qui-va-de-soi »), le mythe ajoute un plus de visibilité (c’est une « exposition ») et transforme ainsi une fausse évidence en apparente vérité. Si la procédure est « décorative », c’est parce qu’elle convertit un monde à trois dimensions, l’histoire, en un monde à deux dimensions, la nature :

En passant de l’histoire à la nature, le mythe fait une économie : il abolit […] toute remontée au-delà du visible immédiat, il organise un monde sans contradictions parce que sans profondeur, un monde étalé dans l’évidence[28].

Par la métaphore du langage comme vêtement Barthes rend compte de l’ambivalence du mythe, qui est une opération à la fois de dissimulation et d’exposition des choses.

Si le mythe intervient en masquant et en affichant en même temps les objets auxquels il se greffe, la démarche du mythologue devra, elle aussi, se dédoubler. Le mythologue devra, d’une part, enlever le voile, dé-couvrir la signification mythique, libérer les choses du vêtement qui leur a été ajouté facticement et, d’autre part, il devra se méfier de la brillance des choses, s’efforcer de ne pas céder à leur clarté apparente, travailler pour la réduire. C’est sur ce point que Barthes oppose la démarche du mythologue à celle du poète : pour retrouver le monde à trois dimensions, le mythologue doit percer la surface claire et étincelante des choses, pénétrer leur mystère, les priver de leur puissance. Alors que la métaphore du code assigne au mythologue la posture simple et heureuse du décodeur, l’image de la parole mythique comme vêtement lui attribue, on le voit, une mission plus troublante : le mythologue n’est pas seulement celui qui ôte aux choses le voile qui leur a été apposé, c’est aussi celui qui perce la peau des choses pour éviter de se laisser séduire.

Ôter le voile et percer la peau sont les deux injonctions qui rendent la position du mythologue proprement intenable, il ne peut pas la maintenir longtemps. Ce repos impossible est allégorisé par l’image du rameur qui s’efforce d’atteindre alternativement deux destinations qui, s’il les rejoignait, seraient toutes les deux néfastes :

Nous voguons sans cesse entre l’objet et sa démystification, impuissants à rendre sa totalité : car si nous pénétrons l’objet, nous le libérons mais nous le détruisons ; et si nous lui laissons son poids, nous le respectons, mais nous le restituons encore mystifié[29].

Le « nous » désigne ici tous ceux qui écrivent pour dénoncer un abus et Barthes tient à préciser que ce « nous » a pris la voie de la dénonciation non sans regret : le mythologue ne peut pas s’empêcher de se retourner, comme Orphée, pour regarder ce qu’il aime et qu’il sait être à jamais perdu. Si le mythologue triomphe sur le mythe, sa victoire a toujours le goût de la perte.

Mais, abstraction faite des aspirations et des inquiétudes du mythologue, quels sont les effets que sa parole produit sur les objets auxquels elle ôte le vêtement mythique ? Déshabillés, les objets retrouvent-ils leur état naturel, que le mythe dissimulait ? Ou en perdant ce qui les rendait efficaces, perdent-ils aussi ce qui les rendait désirables ? Dans une note en bas de page, Barthes avoue que le discours mythologique a été parfois, pour lui, une ruse :

Parfois, ici même, dans ces mythologies, j’ai rusé : souffrant de travailler sans cesse sur l’évaporation du réel, je me suis mis à l’épaissir excessivement, à lui trouver une compacité surprenante, savoureuse à moi-même[30].

Au lieu de réduire l’éclat et l’attrait de choses, la parole mythologique aurait fini par en augmenter la puissance et l’intensité, elle aurait été, tout comme le mythe, une forme ajoutée aux choses pour les exalter, les augmenter, les rendre plus séduisantes. Le discours de dénonciation est alors lui aussi une écriture « cosmétique », qui donne aux choses un surplus de présence, de beauté et d’éclat. C’est tout le paradoxe que Barthes identifie dans la démarche démystificatrice de La Rochefoucauld : même si elle s’efforce de révéler l’être sous l’apparence du paraître, la maxime finit par fixer et même consacrer le paraître qu’elle voulait dénoncer : « ce qui est projet authentique de vérité reste pour ainsi dire immobilisé, enchanté dans la forme de la maxime[31] ». La surface qu’on voulait percer sort finalement épaissie de l’analyse, et encore plus alléchante qu’avant. Il n’est pas étonnant d’ailleurs que la maxime soit décrite précisément comme une parole habillée : « la structure de la maxime, pour formelle qu’elle soit, est elle-même habillée d’une forme subtile et étincelante, qui en fait l’éclat et le plaisir […] ; ce vêtement brillant et dur, c’est la pointe[32] ».

Sur un point cependant, la parole mythologique se distingue radicalement de la parole mythique : elle ne vise pas à rendre les choses plus désirables aux yeux des autres (aux yeux de ceux qui vont assister à un spectacle de catch, acheter une Citroën, ou manger un bifteck), mais à ses propres yeux (la « compacité » du réel est « savoureuse à moi-même »). Si le mythologue produit à son tour des mythes, ces mythes sont des mythes « pour soi », au sens de Nietzsche. C’est ici que le mythologue réjoint le poète, c’est-à-dire Orphée : il institue un monde où « les masques occupent toute la scène » et « on s’épuise à les percer sans cependant jamais les quitter tout à fait[33] ».



Un voile qui tombe, un voile qui regarde


La métaphore du langage comme vêtement réapparaît dans un article publié trois ans après les Mythologies comme préface aux Œuvres de Racine éditées au Club français du livre. Barthes y propose une étude structurale de l’univers racinien qu’il reconstitue à partir d’une lecture transversale des onze tragédies de Racine. Nous retrouvons dans ce texte la même articulation entre autorité, intimidation et séduction qui caractérisait la parole mythique, mais ici ces notions ne sont pas attribuées à une forme discursive, mais à un mode d’apparition du corps.

L’univers racinien est pour Barthes avant tout un espace clos où « tout tire son être de sa place dans la constellation générale des forces et des faiblesses[34] ». Ce qui partage les hommes entre forts et faibles est la position qu’ils occupent dans la relation d’autorité : le fils, l’esclave, la victime et la créature sont faibles dans la mesure où ils subissent l’autorité ; le Père, le maître, le tyran et la divinité sont du côté de la force car ce sont eux qui l’exercent. Même si le lien qui attache les deux figures du couple varie à chaque fois, la structure de la relation reste la même et elle est potentiellement « indissoluble » car sortir de la relation, implique, aussi bien pour le fort que pour le faible, cesser d’être.

Une des raisons de l’étrangeté (et même d’une certaine incohérence) de ce texte, tient au fait que la relation d’autorité est pensée à partir de deux modèles difficiles à combiner : le modèle du Père, qui représente un pouvoir que nous subissons avant même notre naissance, et le modèle de l’amour-passion, qui présuppose que nous devenons assujettis à l’autre suite à une vision qui nous capture et nous captive à jamais.

L’autorité du Père, comme celle de la Loi, est à la fois « un lien et une légalité[35] » : le Père est lien dans la mesure où il rattache le fils au passé et lui impose d’hériter, mais il est aussi légalité parce qu’il lui offre une protection en échange de sa fidélité. Le propre de l’autorité paternelle est pour Barthes de « tenir », au sens aussi bien spatial du terme (garder, enfermer, bloquer) que temporel (retenir, conserver). Pour illustrer le pouvoir de maintien que l’autorité exerce sur le sujet, Barthes choisit l’image du sang : « le Sang est un Etre trans-temporel qui tient, à la façon d’un arbre : il tient, c’est-à-dire qu’il dure d’un seul bloc et qu’il possède, retient, englue[36] ». L’autorité serait une puissance qui attache l’individu à un passé dont il n’est pas responsable et qu’il est contraint de reproduire.

Le modèle de l’amour-passion propose une toute autre conception de l’autorité, qui remplace le vocabulaire juridique (« loi », « légalité », « code », « caution ») par le vocabulaire esthétique (« vision », « rapt », « fascination »). Le lien d’autorité s’instaure à partir d’un rapt, d’une capture des sens : l’amour (comme la haine d’ailleurs) est « un sentiment aigu de l’autre corps[37] » dont la vue nous a blessé une fois et nous blessera désormais éternellement. Ce qui assure la durée de l’assujettissement, c’est la transformation du corps de l’autre en image que l’amoureux garde toujours sous ses yeux, même quand l’autre n’est pas présent : « l’éros racinien […] sorti tout armé, tout fini, d’une pure vision, il s’immobilise dans la fascination perpétuelle du corps adverse[38] ». Tomber amoureux, c’est devenir un sujet, un être assujetti à l’image de l’autre.

Entre ces deux modèles, Barthes semble considérer que chez Racine le deuxième est plus puissant que le premier : il arrive qu’un personnage supérieur par la Loi occupe la place du faible quand il est confronté à la présence de l’être aimé ou haï et il arrive aussi qu’un sujet soit élevé au statut de maître à partir du moment où un autre tombe amoureux de lui. Affronter le corps adverse ou trembler devant lui, ce sont les gestes qui décident de la place du personnage racinien dans la relation d’autorité : ce sera celle du fort, s’il intimide, celle du faible, s’il se laisse intimider. Mardochée arrive à s’imposer sur Aman parce qu’il affronte sa vue, au sens littéral du terme : il l’humilie en gardant son front bien haut lors que le vizir passe (« Tous les jours un homme… un vil esclave/d’un front audacieux me dédaigne et me brave[39] »). Inversement, Néron perd tous ses moyens lorsqu’il est confronté au regard d’Agrippine (« mes efforts ne me servent de rien ; / mon génie étonné tremble devant le sien[40] ». La question, purement oratoire, posée par Narcisse « N’êtes-vous pas, Seigneur, votre maître et le sien ? » reçoit, de manière complètement inattendue, une réponse négative : quand Agrippine est là, elle est le maître et Néron est l’esclave.

La relation d’autorité est donc avant tout un rapport entre deux corps : l’un intimidé, l’autre triomphant. Le couplet où Phèdre décrit à Œnone les effets provoqués par la vue d’Hippolyte est celui qui décrit mieux ce qui arrive au corps lorsqu’il est intimidé : « Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais plus parler / Je sentis tout mon corps, et transir et brûler [41] ». Le corps intimidé est un corps qui ne « tient » plus, qui perd sa compacité, son unité, sa structure : il se défait comme une roue percée. En face de lui, le corps triomphant reste compact, solide, d’un seul bloc. C’est ce corps-là que Roxane aspire à incarner dès qu'elle découvre que Bajazet aime Atalide : quand elle déclare vouloir « voir son désordre, et jouir de sa honte[42] », elle est en train de fantasmer une scène de triomphe, où elle pourra enfin « contempler son partenaire défait, réduit à l’état d’objet, de chose dépliée devant la vue[43] ».

Même si le mot « honte » n’apparaît pas dans la préface de Barthes, la réflexion qu’il développe autour du triomphe et de l’intimidation chez Racine reprend l’analyse que Sartre propose de l’expérience de la honte dans L’Être et le Néant. On se souvient que pour Sartre la honte est une expérience d’aliénation :

La honte pure n’est pas le sentiment d’être tel ou tel objet répréhensible ; mais d’être un objet, c’est-à-dire de me reconnaître dans cet être dégradé, dépendant et figé que je suis pour autrui. […] La honte est appréhension unitaire de trois dimensions : "J’ai honte de moi devant autrui"[44].

Plusieurs éléments encouragent à rapprocher l’intimidation subie par les personnages raciniens de l’expérience de la honte décrite par Sartre. Les deux expériences se réalisent « sous le regard de l’autre », regard qui est, dans les deux cas, une véritable arme. Barthes le précise dans une phrase où l’influence de Sartre est manifeste :

L’arme commune de toutes ces annulations, c’est le Regard : regarder l’autre, c’est le désorganiser, puis le fixer dans son désordre, c’est-à-dire le maintenir dans l’être même de sa nullité[45].

L’annulation de l’héros racinien sous le regard de l’autre est, comme la honte chez Sartre, une transformation de l’être en chose : dans le triomphe, la victime est, comme le dit Sartre, « éclairé[e] par la lumière absolue qui émane d’un pur sujet » et, comme le dit Barthes, « réduit[e] à l’état d’objet, de chose dépliée devant la vue ». Malgré ces reprises évidentes, il est intéressant de constater que Barthes ne mobilise ni la notion de reconnaissance ni celle de responsabilité, si centrales dans la réflexion de Sartre sur la honte. C’est que l’univers racinien est un univers proprement tragique, dans lequel aucune issue dialectique n’est possible ; la victime ne peut pas sortir de la honte parce qu’elle ne peut pas transformer à son tour l’autre en objet. Les deux seules armes dont elle pourrait disposer pour le faire, le regard et la parole, sont précisément celles que la présence de l’autre lui enlève (on se rappelle de Phèdre : « mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler »).

C’est que le langage est avant tout, chez Racine, un vêtement : « il est une substance, il protège (être confondu, c’est cesser de parler, c’est être découvert)[46] ». La présence du corps qui intimide n’a pas simplement comme conséquence que le sujet reste silencieux, qu’il ne parle pas, mais que le sujet cesse de parler et reste alors découvert, nu, ouvert à toute agression. Vêtement qui tombe face au corps qui intimide, le langage est en revanche pour le corps triomphant un moyen de voir sans être vu. Sur ce point aussi le dialogue avec Sartre mérite d’être révélé : dans L’Être et le Néant, le geste de s’habiller est décrit comme une réaction à la honte : en s’habillant le sujet fait plus qu’arrêter le regard de l’autre et protéger l’intimité de son corps, il se transforme d’être regardé en être qui regarde : « se vêtir c’est dissimuler son objectivité, c’est réclamer le droit de voir sans être vu[47] ». Barthes a sans doute en tête ce passage lorsqu’il décrit ainsi la fonction du voile dans les tragédies de Racine : « le Voile n’est pas une matière inerte destinée à cacher, il est paupière, symbole du regard masqué[48] ». Néron est pris dans une « sujétion spectaculaire » parce qu’Agrippine l’observe « derrière un voile, invisible et présente[49] ». Voir sans être vu est pour Barthes une prérogative exclusive de l’autorité.

Faut-il conclure que le vêtement de langage peut avoir deux fonctions distinctes, dissimuler le corps à la vue ou regarder sans être vu, et que ces deux fonctions sont assignées respectivement à la personne qui subit et à celle qui exerce l’autorité ? En réalité, ce n’est pas aussi simple. S’il est vrai que le sujet racinien ne peut pas sortir de la relation d’autorité – qui est, par définition, indissoluble –  il est vrai aussi que la victime peut toujours ruser, se donner à soi-même « l’illusion […] d’une dialectique[51] ». Certes, il ne s’agit que d’une illusion – « c’est la forme de l’issue, mais ce n’en est que la forme[52] » – et pourtant c’est une illusion efficace. En discourant avec Œnone, par exemple, Phèdre arrive à médiatiser sa blessure, non pas à en parler, mais en quelque sorte à la parler. Elle ne cherche pas à se faire comprendre, mais simplement à « durer », à « retarder le temps atroce du silence », qui serait « effondrement de tout l’appareil tragique[53] ». Le langage-vêtement lui donne compacité, solidité, forme : littéralement, c’est lui qui la maintient en vie. Il arrive aussi que le discours intervienne sur le corps de celui qui le parle de manière plus ambivalente, comme c’est le cas de la plainte d’Andromaque. Le langage est pour elle une arme, à la fois de défense et d’attaque, car elle protège l’intimité de son corps et en même temps l’expose de manière spectaculaire. Comme Sartre le disait de l’évanouissement ou des larmes dans son Esquisse pour une théorie des émotions, le discours peut être une conduite profitable, car il peut être en même temps une fuite et un chantage : par le discours, le sujet s’habille de langage, il cache son émotion et en même temps l’expose. Loin d’être deux attitudes inconciliables, la dissimulation et l’exhibition vont de paire ; Sartre ne disait-il pas du dandysme de Baudelaire qu’il était « la défense de sa timidité[54] » ?



L’espace de la dépendance : un gant très doux


Dans Sur Racine, Barthes identifie deux sortes de violence que la personne qui détient l’autorité (A) exerce sur celui qui la subit (B). La première consiste à ne pas se montrer : « A se cache derrière un voile » et la deuxième à ne pas respecter la sphère d’intimité de l’autre : « A brise l’enveloppe de B[55] ». Agrippine est la figure qui cumule ces deux techniques d’agression car elle donne à Néron « la vie d’un pur reflet », le voile étant finalement rien d’autre qu’un miroir, et en même temps elle veut « posséder le secret de son fils », le lui tirer comme le fait un policier dans un interrogatoire, c’est-à-dire « comme on fait sauter une carapace[56] ». Le discours amoureux, un objet auquel Barthes travaille depuis le séminaire de 1974-1975 à l’École Pratique des Hautes Etudes, semble combiner les deux sortes de violence qu’Agrippine exerce sur Néron : il est un vêtement qui cache l’amoureux derrière un voile, en lui donnant le pouvoir de transformer l’être aimé en image, et il est aussi l’enveloppe qui se brise quand l’amoureux s’efforce de comprendre le secret qu’est pour lui l’être aimé.

Pour décrire la manière dont le discours amoureux intervient sur l’autre, Barthes utilise l’image du « cocon », de l’« enveloppe », du « gant », des métaphores qui évoquent à la fois un encerclement, une protection et un embellissement. Il existe un verbe qui rend compte de toutes ces significations : c’est le verbe investir. Dans le séminaire « Qu’est-ce que tenir un discours ? » qui a eu lieu au Collège de France au printemps 1977, au même moment donc où est publié Fragments d’un discours amoureux, Barthes retrace le parcours lexicographique du verbe investir afin de définir la notion d’ « investissement de la parole [57]». Après avoir précisé que, dans le vocabulaire psychanalytique français, le mot investissement combine un sens militaire et un sens économique, il rappelle l’étymologie du verbe :

Investir = revêtir d’un vêtement, c’est-à-dire "mettre en possession d’un pouvoir, d’une autorité, avec certaines cérémonies, dont l’une était la remise de quelque pièce de vêtement"[58].

Or, dans les Fragments, le discours est précisément cette « pièce de vêtement » qui atteste et qui fait durer la relation d’autorité : en parlant l’amoureux s’engage à être fidèle et à préserver l’image contre toute agression ou altération, et il obtient en échange protection, car en s’adressant à quelqu’un qui ne parle pas, il se procure « à vie une écoute docile[59] » qui l’inscrit dans une structure, c’est-à-dire dans un monde « habitable » (qui, attention, n’est pas forcément un monde où l’on est heureux). Le thème du vasselage amoureux renvoie à la poétique du Dolce Stil Novo, selon laquelle la poésie engage le poète dans une relation de type féodal avec la femme aimée, thème qui est évoqué explicitement par la figure intitulée « Domnei », mot-pivot de l’idéal courtois de l’amour comme asservissement à l’autre. Par sa parole, l’amoureux atteste son amour et « entretient » sa dépendance : « j’agis énergiquement pour préserver l’espace même de la dépendance, et permettre à cette dépendance de s’exercer[60] ». On remarque cependant que le modèle de l’amour courtois revient ici en farce, car ce qui rend efficace et fait durer la sujétion n’est pas la poésie, mais un verbiage désordonné et compulsif.

Il faut s’arrêter un instant sur la pièce de vêtement que Barthes a choisi pour figurer l’investissement amoureux : le discours serait « un gant très doux autour de l’être aimé[61] ». L’image du gant évoque tout d’abord le caractère « collant » du discours amoureux, le gant étant l’habillement qui adhère de plus près au corps humain, comme en témoigne l’expression "aller comme un gant". Par son discours, l’amoureux colle à l’image comme l’enfant au miroir ; c’est ce que Barthes appelle, suite aux travaux de Lacan, « la coalescence[62] ». La métaphore du gant précise aussi la nature de l’encerclement auquel le discours soumet le corps de l’autre : il s’agit d’un geste protecteur, par lequel l’amoureux défend l’image des agressions qui pourraient l’abîmer. Le gant enfin, en tant qu’accessoire sophistiqué et aristocratique, ajoute aux thèmes de la coalescence et de l’encerclement, celui de l’ornement. Le discours amoureux entoure le corps de l’autre comme un vêtement doux et lisse qui met en valeur ses qualités. La parole de l’aimant "va comme un gant" à l’être aimé : elle en serre les formes de manière bienveillante. L’amoureux, en effet, adresse continuellement à l’objet aimé des épithètes élogieuses : l’autre est « adoré, encensé, […] couvert de discours, d’oraison[63] ». Dans la séance du 12 février 1976 de son séminaire sur le discours amoureux, Barthes met en relation l’embellissement de l’objet aimé avec la dévotion : « discours de la dévotion, discours bénisseur, discours "bienpensant", discours lisse, sans aspérité, discours conforme[64] ».

Malgré tous les efforts de l’amoureux pour que le discours fasse disparaître les défauts de l’autre (un peu comme le fard langagier que la rhétorique officielle apposait sur les révoltes africaines pour entretenir la colonisation dans « Grammaire africaine »), il arrive que l’enveloppe de la dévotion se déchire et que le réel transperce l’image. La déchirure est toujours produite par un renversement des places : ou bien l’être aimé apparaît brusquement comme assujetti (c’est la figure intitulée « Altération »), ou alors l’amoureux se surprend à esquisser un geste de maîtrise (c’est la figure « Faute »).

L’altération est déclenchée par une vision brusque : soudainement un détail (un geste, un mot, un regard) fait apparaître sur le corps de l’autre quelque chose d’insolite et de déplaisant qui devient un « point de corruption[65] » et abîme l’image. Ce moment est présenté comme une mise à nu : l’image « se dévoile, se déchire, se révèle[66] » et laisse voir une surface nouvelle. Sur cette surface qui se révèle comme une photographie, l’amoureux voit l’Autre en train de se soucier de l’image qu’il donne à autrui, ce qui est la condition même de la dépendance : « je le vois […] s’affairant, s’affolant, ou simplement s’entêtant à complaire, à respecter, à se plier à des rites mondains grâce à quoi il espère se faire reconnaître[67] ». Si une telle vision corrompt l’image, c’est parce qu’elle banalise la valeur même de la dépendance : l’autre qui cherche à plaire et à se faire remarquer, renvoie à l’amoureux une image de la dépendance comme le résultat du plus universel et du plus banal des désirs : le désir de reconnaissance.

C’est d’une faute pareille que se tache l’amoureux lorsqu’il accomplit un geste de maîtrise. Il suffit qu’il esquisse « un simple geste d’indépendance » (par exemple qu’il quitte le quai avant que le train où voyage l’être aimé ne soit parti) pour qu’il se produise une « fissure dans la Dévotion[68] ». Dans la séance du séminaire sur le discours amoureux consacrée à cette figure, Barthes identifie « deux culpabilités » qui « guettent sans cesse l’amoureux : altérer l’image de Petit-autre […], altérer sa propre image[69] ». Si l’on comprend facilement en quoi un comportement qui l’affiche comme indépendant serait vécu par l’amoureux comme une faute, on comprend plus difficilement pourquoi l’amoureux serait coupable d’une mauvaise image que l’autre renverrait de lui-même. Un passage de Sur Racine aide à comprendre que l’amoureux se sent coupable non seulement lors qu’il commet lui-même une faute, mais aussi que l’autre est surpris « en flagrant délit d’inflation de lui-même[70] » :

On voit maintenant la nature exacte du rapport d’autorité. A n’est pas seulement puissant et B faible. A est coupable, B est innocent. Mais comme il est intolérable que la puissance soit injuste, B prend sur lui la faute de A : le rapport oppressif se retourne en rapport punitif, sans que pourtant cesse jamais entre les deux partenaires tout un jeu personnel de blasphèmes, de feintes, de ruptures et de réconciliation. Car l’aveu de B n’est pas une oblation généreuse : il est la terreur d’ouvrir les yeux sur le Père coupable[71].

L’oblation dans laquelle verse l’amoureux est comparable au geste des fils de Noé qui, lors qu’ils surprennent la nudité du père « détournent les yeux et la recouvrent[72] ». C’est là une autre fonction du discours amoureux : recouvrir la nudité de l’autre, pour se protéger soi-même. Que ce soit l’image de l’autre qui s’altère, ou sa propre image, la « fissure dans la dévotion […] se retourne en blessure de culpabilité[73] ».

Jusqu’à là nous avons montré que l’investissement que le discours amoureux opère sur l’autre a toutes les caractéristiques d’une consécration : l’autre est isolé (« cocon »), protégé par une membrane qui l’encercle (« enveloppe »), puis orné et embelli par des paroles d’éloge (« le gant »). La délicatesse de la métaphore du gant risque de nous faire oublier que, dans les cérémonies de consécration, la toilette est souvent préparatoire à la destruction de l’objet consacré. Comme l’ont montré Mauss et Hubert, l’isolement et l’ornement de la victime sont les deux premières étapes de la consécration sacrificielle, suivies par la mise à mort. L’amoureux est parfaitement conscient de la dimension sacrificielle de la toilette, comme le montre une remarque contenue dans la figure intitulée « Habit » : « C’est comme si, au bout de toute toilette, inscrit dans l’excitation qu’elle suscite, il y avait toujours le corps tué, embaumé, vernissé, enjolivé à la façon d’une victime[74] ». Bien qu’ici il soit question du corps de l’amoureux, ce passage jette une ombre sur le geste par lequel le discours amoureux investit l’objet aimé. En habillant le corps de l’autre, le discours ne chercherait-il pas à le mettre à mort ?

Le discours amoureux rapporte au moins deux situations où l’amoureux se rend responsable d’une mise à mort : dans la figure « Annulation », l’image se défait parce que l’amoureux adopte un regard extérieur sur la relation, dans la figure « Corps », le corps de l’autre est fantasmé comme cadavre. Ce qui est intéressant c'est que les deux figures se présentent comme une scène de triomphe, la première qui implique l’écrasement de l’autre, la seconde la disparition du sentiment d’intimidation que provoque normalement sa présence.

Dans la figure intitulée « Annulation », l’amoureux s’éloigne de l’Image au point qu’il observe les corps de l’être aimé et le sien d’un point de vue extérieur et surplombant à la scène : « on dirait une grosse pigeonne, immobile, tassée dans ses plumes, autour de laquelle tourne un mâle un peu fou[75] ». L’amoureux s’exalte à contempler l’éclat de sa propre force et à voir l’autre réduit à l’état « d’objet inerte[76] », comme dans les scènes de triomphe réalisées ou fantasmées par les héros raciniens. Le chemin sacrificiel est ici parfaitement respecté : la victime est d’abord isolée (« un objet falot est placé au centre de la scène »), puis ornée (« et là adoré, encensé, pris à partie, couvert de discours, d’oraison ») et enfin mise à mort : « je sacrifie l’image à l’Imaginaire[77] ». De « gant très doux », le discours s’est converti en substance visqueuse et collante qui embaume le corps d’un animal mort. Ce triomphe passe par l’adoption d’une posture de metteur en scène (« une mise en scène forte, tourmentée, flamboyante ») qui élève l’amoureux, tout en écrasant l’être aimé (le sujet se dit « heureux de m[s]’élever en rabaissant l’autre[78] »).

La figure appelée « Corps » propose une autre scénographie du triomphe, où ce qui tue l’autre n’est pas l’orgueil narcissique, mais la volonté de savoir. L’image du départ est celle du narrateur devant le sommeil de Albertine : l’amoureux observe « d’une façon froide et étonnée » le corps aimé dans le but de percer son mystère, de comprendre la raison de son amour : « je feuille le corps de l’autre, comme si je voulais voir ce qu’il y a dedans, comme si la cause mécanique de mon désir était dans le corps adverse[79] ». On pourrait croire que l’amoureux atteint ici le sommet de la dévotion, la forme ultime de la consécration ; or, pour Barthes, c’est tout le contraire. Si l’amoureux pose sur le corps de l’autre un tel regard – un regard long, « calme, attentif » – c’est qu’il n’est plus intimidé par lui : l’autre est devenu « un insecte étrange dont brusquement je n’ai plus peur[80] ». Ce regard est déjà un geste de maîtrise, une attitude irrespectueuse, comparable à celle de « ces gosses qui démontent un réveil pour savoir ce qu’est le temps[81] ». En scrutant le corps de l’autre, l’amoureux cherche à réagir à l’énigme de sa propre dépendance en assumant une posture de savant : il veut dé-voiler, dé-chiffrer, bref, il veut comprendre. Mais comprendre, c’est démonter, et finalement détruire. Nous retrouvons ici l’impasse du mythologue : s’il respecte la peau, il en subit la charme sans le comprendre, s’il la perce, il détruit ce qu’il aime.

Comment sortir d’une telle impasse ? Parfois, il suffit de remplacer un attribut par un autre : « Se dépenser, se démener pour un objet impénétrable, c’est de la pure religion. Faire de l’autre une énigme insoluble dont ma vie dépend, c’est le consacrer comme dieu[82] ». Dans ce glissement de « impénétrable » à « insoluble » repose non pas la solution, mais la ruse qui permet à l’amoureux de sortir de l’impasse. Le renversement est produit par l’imaginaire : si nous cessons de penser que la cause du désir est cachée sous une surface qui nous la rend inaccessible, nous cessons aussi d’être confronté au dilemme entre une volonté de savoir qui détruit l’objet et une dévotion qui immobilise le sujet. En acceptant de lire sur le corps de l’autre notre propre désir qui s’ignore, « s’abolit le jeu de l’apparence et de l’être[83] » et nous abandonnons ainsi la dimension purement réactive de la parole pour retrouver l’envie et le courage d’écrire, de travailler pour arriver à une forme capable d’ « abriter » le désir, de le communiquer sans l’afficher. Car si dans la parole « le faire se vide, le langage se remplit[84] », dans l’écriture le langage se vide pour accueillir l’autre.



Conclusion


De l’analyse des mythes et de la parole mythologique aux figures de Fragments d’un discours amoureux, en passant par l’exploration de l’univers racinien dans Sur Racine, la réflexion sur l’intimidation du langage s’inscrit toujours chez Barthes dans un effort pour comprendre les rapports entre autorité et discours et elle fait intervenir la métaphore du langage comme vêtement. La mythologie « Grammaire africaine » défend déjà l’idée que ce sont des décisions formelles (et même grammaticales) qui rendent un discours oppressif, beaucoup plus que les contenus qu’il véhicule. La colonisation s’entretient et se justifie par des mots comme « destin » ou « mission », par le choix savant entre deux sortes de pluriel, celui « qui flatte l’idée de masse » ou celui qui « insinue une idée de division[85] », par l’ajout de l’adjectif « authentiques » après le mot « aspirations » ou de l’attribut « vraie » avant le nom « indépendance[86] ». Quand Barthes fait allusion, en entrant au Collège de France, « aux voix autorisées qui s’autorisent à tenir le discours […] de l’arrogance », il reprend cette conviction ancienne que le discours du pouvoir est une intimidation qui se fait passer pour une communication. Dès lors, le souci principal du Barthes professeur sera d’éviter que sa voix, autorisée à parler dans une institution aussi prestigieuse que le Collège de France, ne s’autorise à produire un discours arrogant.

L’intimidation provoquée ou subie par les personnages raciniens permet d’éclaircir le rapport que Barthes construit dans la Leçon entre arrogance et triomphe. Dans « Au séminaire » Barthes rapproche le professeur à la figure du Père car les deux parlent sans se montrer dans leur parole, en tenant « des discours […] coupés de toute production[87] ». On retrouve ici l’idée que le discours est un voile qui permet de voir sans être vu : le langage peut devenir un vêtement derrière lequel l’autorité exerce un pouvoir d’intimidation. Pour éviter que la parole enseignante prenne la forme du discours de triomphe, le professeur doit montrer le voile langagier dont il se recouvre au fil de sa parole, s’exposer en état de discours, car « celui qui montre, celui qui énonce, celui qui montre l’énonciation, n’est plus le Père[88] ». On comprend alors pourquoi le futur professeur au Collège de France revendique pour soi le nom d’artiste : son enseignement, la sémiologie, sera « le cours des opérations le long duquel est possible – voire escompté – de jouer du signe comme d’un voile peint[89] ».

La troisième définition du discours du pouvoir mobilisait, on s’en souvient, les notions de faute et de culpabilité. L’analyse des quelques figures du discours amoureux a montré que l’amoureux vit dans une régime à la fois de honte et de culpabilité : il a toujours peur de l’image que ses paroles ou ses actes renvoient à l’être aimé et si l’autre abîme sa propre image, il se dépense pour dissimuler à ses propres yeux cette faute, il recouvre le Père nu. Le discours amoureux n’est pas le seul qui mette en place un tel mécanisme, tout discours risque de le faire car la parole impose nécessairement une structure : le locuteur parle, le destinataire écoute. Ceci est d’autant plus vrai dans le cadre de la parole professorale car l’auditoire est « l’Autre exemplaire […] celui qui a l’air de ne pas parler[90] ». La manière dont Barthes décrit la situation enseignante dans « Ecrivains, intellectuels, professeurs » correspond point par point au régime policier habité par l’amoureux : le professeur propose un discours dont il ne sait « jamais comment il est reçu », la présence fixe et frontale de l’auditoire fait tomber le vêtement qui le protège[91] et il se sent immédiatement coupable « si quelque sourire répond à ma remarque ou quelque assentiment à mon intimidation », c’est-à-dire s’il surprend chez l’auditoire un désir de reconnaissance[92] ».

Trouée par l’écoute du public, comme le veut Lacan, ou s’affolant autour de l’image, comme le discours de l’amoureux, la parole enseignante continue d’être pensée, entre 1971 et 1976, comme une exposition de soi sous le regard de l’autre, et donc à partir du modèle de la honte, déjà analysé par Sartre. La phrase que Barthes prononce au début de son cours sur le Neutre, « Ne plus avoir peur des images[93] », témoigne d’un désir d’en finir avec le régime amoureux qui est aussi, nous l’avons vu, le régime de la honte et de la culpabilité. C’est peut-être celle-là la « leçon » que Barthes adresse à lui-même au moment d’entrer au Collège de France : choisir de placer à l’origine de chaque cours un fantasme personnel, c’est accepter que le désir est « ce qui de moi ne peut être vu que des autres[94] », que le corps doit s’habiller du langage non pas pour se cacher, mais pour faire place à l’autre.

Plan



Résumé

Dans cet article, nous retraçons la genèse de la réflexion barthésienne sur l’intimidation du langage, afin de montrer que les inquiétudes de Barthes à l’égard de la parole enseignante découlent d’un étonnement plus profond devant la capacité qu’a le discours à naturaliser, pérenniser et rendre viable une relation d’autorité. La métaphore du « vêtement de parole », revenant à chaque fois que Barthes traite des rapports entre autorité et discours, se révèle un outil précieux qui permet de relier à la fois une conception juridique, un imaginaire esthétique et une visée éthique de l’autorité en discours.


Notes

[1]Leçon, OC V, p.430.


[2]Ibidem.


[3]Ibidem, p.444.


[4]« La linguistique du discours », OC IV, p.612.


[5]Leçon, OC V, p.430.


[6]La question du passage de la forme séminaire au cours magistral a été soulevée et habilement traitée par Claude Coste (Claude Coste, « Roland Barthes, du séminaire au cours magistral », Histoire de l’éducation, 2008/4, n° 120, disponible à l’URL : http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=HDLE_120_0139. Consulté le 30 mai 2014).


[7]Guillaume Bellon, La parole inquiète. Barthes et Foucault au Collège de France, Grenoble, ELLUG, coll. « La fabrique de l’oeuvre », 2012.


[8]« Ecrivains, intellectuels, professeurs », OC III, p.888.


[9]Leçon, OC V, p.444.


[10]« Ecrivains, intellectuels, professeurs », OC III, p.888.


[11]« Au séminaire », OC IV, p.509.


[12]Ibidem, p.508.


[13]Leçon, OC V, p.444.


[14]« L’image », OC V, p.514.


[15]Cf. « J’enchaîne sur ce que je disais. Où ? A l’Ecole pratique des hautes études. Quand ? L’année dernière, à l’occasion du séminaire restreint dont le thème, posé, sinon traité, était : Les intimidation du langage ». « Qu’est-ce que tenir un discours ? », dans Comment vivre ensemble, texte établi, annoté et présenté par Claude Coste, Paris, Seuil/IMEC, coll. « Traces écrites », 2002, p.187.


[16]Leçon, OC V, p.430.


[17]Ibidem, p.431


[18]Ibidem.


[19]Ibidem, p.440.


[20]Ibidem, p.441.


[21]Mythologies, OC I, p.777.


[22]Ibidem.


[23]Essais critiques, OC II, p.277.


[24]Mythologies, p.777.


[25]Ibidem.


[26]Ibidem, p.782.


[27]Ibidem, p.675.


[28]Ibidem, p.854.


[29]Ibidem, p.868.


[30]Ibidem.


[31]« La Rochefoucauld : "Réflexions ou Sentences et maximes" », in Nouveaux essais critique, OC IV, p.38.


[32]Ibidem, p.26.


[33]Ibidem, p.38.


[34]Sur Racine, OC II, p.67.


[35]Ibidem, p.89.


[36]Ibidem.


[37]Ibidem, p.67.


[38]Ibidem.


[39]Racine, Esther, (II, 1), cité dans Ibidem, p.155.


[40]Racine, Britannicus, (II, 2), cité dans Ibidem, p.71.


[41] Racine, Phèdre, (I, 3), cité dans Ibidem, p.70.


[42] Racine, Bajazet, (IV, 6), cité dans Ibidem, p.84.


[43]Ibidem, p.84.


[44]Jean-Paul Sartre, L’être et le Néant, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des idées », 1970, p.336-337.


[45]Sur Racine, OC II, p.81.


[46]Ibidem, p.106.


[47]Jean-Paul Sartre, L’être et le Néant, op.cit., p.336.


[48]Sur Racine, OC II, p.69.


[49]Ibidem, p.80.


[50]Racine, Britannicus, (I,1), cité dans Ibidem, p.80.


[51]Ibidem, p.105.


[52]Ibidem.


[53]Ibidem.


[54]Jean-Paul Sartre, Baudelaire, Paris, coll."Idées", 1963, p.190.


[55]Sur Racine, OC II, p.80.


[56]Ibidem.


[57] « Qu’est-ce que tenir un discours ? », dans Comment vivre ensemble ?, op.cit., p.195.


[58] Ibidem.


[59]Fragments d'un discours amoureux, OC V, p.76.


[60]Ibidem, p.113.


[61]Ibidem, p.58.


[62]Dans le séminaire sur le discours amoureux Barthes parle de « la coalescence de l’identification narcissique » (Le discours amoureux, Séminaire à l’Ecole pratique des hautes études 1974-1976, Paris, Editions du Seuil, 2007, p.446).


[63]Fragments d'un discours amoureux, OC V, p.61.


[64]Ibidem, p.58.


[65]Ibidem, p.55.


[66]Ibidem, p.56.


[67]Ibidem.


[68]Ibidem, p.152.


[69]Le discours amoureux, Séminaire à l’Ecole pratique des hautes études 1974-1976, op.cit., p.518.


[70] Fragments d'un discours amoureux, OC V, p.57.


[71]Sur Racine, OC II, p.94-95.


[72]Ibidem, p.95-96.


[73]Le discours amoureux, Séminaire à l’Ecole pratique des hautes études 1974-1976, op.cit., p.518.


[74]Fragments d'un discours amoureux, OC V, p.165.


[75]Ibidem, p.61.


[76]Ibidem.


[77]Ibidem.


[78]Ibidem, p.61.


[79]Ibidem, p.101.


[80]Ibidem.


[81]Ibidem.


[82]Ibidem, p.174.


[83]Ibidem.


[84]Sur Racine, OC II, p.105.


[85]Mythologies, OC I, p.782.


[86]Ibidem.


[87]« Au séminaire », OC IV, p.509.


[88]Ibidem.


[89]Leçon, OC V, p.443.


[90]« Ecrivains, intellectuels, professeurs », OC III, p.890.


[91]Cf. « Je suis, au début de mon exposé, affublé d’une barbe postiche ; mais, inondé peu à peu par les flots de ma propre parole […] je sens ma barbe se décoller par lambeaux devant tout le monde » Ibidem.


[92]Ibidem.


[93]Le Neutre, texte établi, annoté et présenté par Thomas Clerc, Paris, Seuil/IMEC, coll. « Traces écrites », 2002, p.38.


[94]Ibidem.


Auteur

Francesca Mambelli prépare actuellement une thèse de doctorat sous la direction de Philippe Roger (EHESS), dont le titre est « Quand la rhétorique revient par les écrivains. Le langage et la force dans le littérature française de 1938 à 1980 ». La thèse interroge la présence intermittente, mais insistante d’une aspiration à fonder une nouvelle rhétorique chez les écrivains français du siècle dernier, dans une perspective à la fois d’histoire et de théorie littéraire.

Pour citer cet article

Francesca Mambelli, « Barthes et l'autorité », Revue Roland Barthes, nº 1, juin 2014 [en ligne]. URL : http://www.roland-barthes.org/article_mambelli.html [Site consulté le DATE].


1Leçon, OC V, p.430.

2Ibidem.

3Ibidem, p.444.

4« La linguistique du discours », OC IV, p.612.

5Leçon, OC V, p.430.

6La question du passage de la forme séminaire au cours magistral a été soulevée et habilement traitée par Claude Coste (Claude Coste, « Roland Barthes, du séminaire au cours magistral », Histoire de l’éducation, 2008/4, n° 120, disponible à l’URL : http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=HDLE_120_0139. Consulté le 30 mai 2014).

7Guillaume Bellon, La parole inquiète. Barthes et Foucault au Collège de France, Grenoble, ELLUG, coll. « La fabrique de l’oeuvre », 2012.

8>« Ecrivains, intellectuels, professeurs », OC III, p.888.

9Leçon, OC V, p.444.

10« Ecrivains, intellectuels, professeurs », OC III, p.888.

11« Au séminaire », OC IV, p.509.

12Ibidem, p.508.

13Leçon, OC V, p.444.

14« L’image », OC V, p.514.

15Cf. « J’enchaîne sur ce que je disais. Où ? A l’Ecole pratique des hautes études. Quand ? L’année dernière, à l’occasion du séminaire restreint dont le thème, posé, sinon traité, était : Les intimidation du langage ». « Qu’est-ce que tenir un discours ? », dans Comment vivre ensemble, texte établi, annoté et présenté par Claude Coste,Paris, Seuil/IMEC, coll. « Traces écrites », 2002, p.187.

16Leçon, OC V, p.430.

17Ibidem, p.431.

18>Ibidem.

19Ibidem, p.440.

20Ibidem, p.441.

21Mythologies, OC I, p.777.

22Ibidem.

23Essais critiques, OC II, p.277.

24Mythologies, OC I, p.777.

25Ibidem.

26Ibidem, p.782.

27Ibidem, p.675.

28Ibidem, p.854.

29Ibidem, p.868.

30Ibidem.

31« La Rochefoucauld : "Réflexions ou Sentences et maximes" », in Nouveaux essais critique, OC IV, p.38.

32Ibidem, p.26.

33Ibidem, p.38.

34Sur Racine, OC II, p.67.

35Ibidem, p.89.

36Ibidem.

37Ibidem, p.67.

38Ibidem.

39Racine, Esther, (II, 1), cité dans Ibidem, p.155.

40Racine, Britannicus, (II, 2), cité dans Ibidem, p.71.

41Racine, Phèdre, (I, 3), cité dans Ibidem, p.70.

42Racine, Bajazet, (IV, 6), cité dans Ibidem, p.84.

43Ibidem, p.84.

44Jean-Paul Sartre, L’être et le Néant, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des idées », 1970, p.336-337.

45Sur Racine, OC II, p.81.

46Ibidem, p.106.

47Jean-Paul Sartre, L’être et le Néant, op.cit., p.336.

48Sur Racine, OC II, p.69.

49Ibidem, p.80.

50Racine, Britannicus, (I,1), cité dans Ibidem, p.80.

51Ibidem, p.105.

52Ibidem.

53Ibidem.

54Jean-Paul Sartre, Baudelaire, Paris, coll."Idées", 1963, p.190.

55Sur Racine, OC II, p.80.

56Ibidem.

57« Qu’est-ce que tenir un discours ? », dans Comment vivre ensemble ?, op.cit., p.195.

58Ibidem.

59Fragments d'un discours amoureux, OC V, p.76.

60Ibidem, p.113.

61Ibidem, p.58.

62Dans le séminaire sur le discours amoureux Barthes parle de « la coalescence de l’identification narcissique » (Le discours amoureux, Séminaire à l’Ecole pratique des hautes études 1974-1976, Paris, Editions du Seuil, 2007, p.446).

63Fragments d'un discours amoureux, OC V, p.61.

64Ibidem, p.58.

65Ibidem, p.55.

66Ibidem, p.56.

67Ibidem.

68Ibidem, p.152.

69Le discours amoureux, Séminaire à l’Ecole pratique des hautes études 1974-1976, op.cit., p.518.

70Fragments d'un discours amoureux, OC V, p.57.

71Sur Racine, OC II, p.94-95.

72Ibidem, p.95-96.

73Le discours amoureux, Séminaire à l’Ecole pratique des hautes études 1974-1976, op.cit., p.518.

74Fragments d'un discours amoureux, OC V, p.165.

75Ibidem, p.61.

76Ibidem.

77Ibidem.

78Ibidem, p.61.

79Ibidem, p.101.

80Ibidem.

81Ibidem.

82Ibidem, p.174.

83Ibidem.

84Sur Racine, OC II, p.105.

85Mythologies, OC I, p.782.

86Ibidem.

87« Au séminaire », OC IV, p.509.

88Ibidem.

89Leçon, OC V, p.443.

90« Ecrivains, intellectuels, professeurs », OC III, p.890.

91Cf. « Je suis, au début de mon exposé, affublé d’une barbe postiche ; mais, inondé peu à peu par les flots de ma propre parole […] je sens ma barbe se décoller par lambeaux devant tout le monde » Ibidem.

92Ibidem.

93Le Neutre, texte établi, annoté et présenté par Thomas Clerc, Seuil/IMEC, coll. « Traces écrites », 2002, p.38.

94Ibidem.