Roland Barthes a utilisé le classicisme comme un véritable repoussoir : lié à la « Norme bourgeoise », le classicisme a lui aussi fait partie des « ennemis capitaux », du moins jusqu’au Plaisir du Texte. Alors que le texte classique est soumis, d’après Barthes, au pouvoir monarchique et aristocratique, le texte moderne a à voir avec la liberté et la subversion ; alors que le texte classique est du côté de la « lisibilité » et du simple « plaisir » de culture, le texte moderne est du côté de la « scriptibilité » et de la « jouissance ». L’antagonisme paraît net ; cependant, il est toujours possible de faire intervenir dans le débat « un autre Barthes » – d’opposer, pour ainsi dire, un Barthes à un autre.
Des travaux récents de Claude Coste, d’Antoine Compagnon et de Philippe Roger[1] ont montré que « contrairement à ce qu’un examen trop rapide de la bibliographie pourrait laisser entendre, le XVIIe siècle tient une place non négligeable dans les préoccupations de Barthes, d’une façon tantôt explicite, tantôt plus diffuse[2] ». Claude Coste, Antoine Compagnon et Philippe Roger ont montré le rapport ambivalent que Barthes entretient avec les textes du panthéon classique – rapport ambivalent au point que l’ensemble de son œuvre dessine en fait deux figures du classicisme. La première, et la plus connue, renvoie le terme à « un geste politique de codification autoritaire et de confiscation sociale de la langue[3] ». Dans Le Degré zéro de l’écriture, par exemple, le XVIIe siècle est réputé être le moment où se serait institué le mythe classico-bourgeois de la langue française, dotée d’une clarté prétendument éternelle, en réalité irrémédiablement inféodée au pouvoir. À l’opposé, la seconde figure, explique Philippe Roger, présente « l’image d’un autre classicisme, envers du premier : sa face cachée, [...] sa face radieuse, rêveuse et résolument moderne[4] », dont Gide et Valéry sont les intercesseurs. Cette face cachée, c’est « l’art de la disponibilité » des Classiques, dont il est question dans l’avant-propos de Sur Racine et qui permet d’« essay[er] sur [lui, sur eux] tous les langages que notre siècle nous suggère[5] » ; c’est leur obscure « clarté » ou « transparence », la « leçon de décence » ou de « silence[6] » qu’ils donnent aux Modernes et que Barthes loue dès « Plaisir aux Classiques » : les Classiques sont les maîtres de la litote et de l’équivoque, mais aussi de l’écriture fragmentaire, selon deux modèles concurrents pour Barthes, les Caractères de La Bruyère et les Maximes de La Rochefoucauld. Cette face cachée des Classiques, c’est aussi l’« économie relationnelle[7] » d’un langage propice à la sociabilité, l’art de la rhétorique que Barthes ne renie jamais entièrement et qui fait retour après avoir été débarrassé de « l’ancienne » tradition, comme l’a montré Adrien Chassain en ouverture de cette journée.
De cette ambivalence chez Barthes, Antoine Compagnon, Philippe Roger et Claude Coste ont tiré des conclusions assez différentes : Antoine Compagnon a tissé ce goût de Barthes pour l’écriture classique au « fil antimoderne » de sa pensée ; Philippe Roger a substitué au terme « antimoderne » celui de « post-classique » qui saisit mieux, certainement, l’oscillation de Barthes entre une défiance tenace à l’égard du classicisme et un désir, plus secret, d’un classique sans classicisme. Le terme « post-classique » permet surtout de désigner avec justesse un rapport au temps très particulier chez Barthes, qui ne relève ni de la pure continuité, ni d’une dramaturgie historique de la rupture. Claude Coste, pour sa part, a plutôt mis l’accent sur ce qui se noue autour de la question du sujet, dans les textes sur les moralistes ou dans Sur Racine. C’est un point crucial en effet, dans lequel je reconnais également le punctum de ce rapport délicat qu’entretient Barthes avec le XVIIe siècle et le classicisme en général[8].
Mais à la lecture de tous ces travaux, essentiels pour ma recherche, un étonnement m’a saisie. Claude Coste, Antoine Compagnon et Philippe Roger ont tous ont su retracer une sorte de « fil directeur plus ou moins secret[9] » chez Barthes : ils ont fait entendre, par-dessus les anathèmes prononcés contre la langue et l’idéologie « classico-bourgeoises », ou par-dessus la dénonciation du « classico-centrisme » des manuels scolaires, les échos entre « Plaisir aux Classiques » et Le Plaisir du Texte ; ils ont relu Le Degré zéro de l’écriture au prisme des derniers cours au Collège de France ; ils ont aussi commenté des textes un peu oubliés, comme les préfaces consacrées à La Bruyère et à La Rochefoucauld. Mais en réévaluant la place des Classiques chez Barthes, la critique, jusqu’à présent, ne s’est guère intéressée au corpus constitué par le recueil longtemps fantôme des Écrits sur le théâtre[10]. Ces textes ont bien entendu motivé de nombreuses réflexions et l’écriture de plusieurs articles très stimulants[11], mais les commentaires de Barthes sur le théâtre dit « classique » n’ont pas fait l’objet d’un traitement particulier, et surtout ils n’ont pas vraiment été sollicités par Antoine Compagnon, par Philippe Roger ou par Claude Coste dans leurs démonstrations. Or les Écrits sur le théâtre paraissent bel et bien indispensables pour comprendre les usages des Classiques défendus par Barthes, et ce, dans les deux sens du verbe « défendre » – « interdire », « prohiber », ou, au contraire, « soutenir », « promouvoir ».
Pourquoi l’analyse de ces textes est-elle indispensable quand on s’intéresse à la place des Classiques chez Barthes ? D’abord parce que le théâtre est le premier lieu où il dit sa méfiance de la modernité – Antoine Compagnon l’a déjà souligné en commentant notamment « La vaccine de l’avant-garde », mais il n’a jamais mis en regard les critiques sévères de Barthes contre l’avant-garde théâtrale jugée trop formaliste (autrement dit, pas assez politique), avec les commentaires qu’au même moment, Barthes dédie aux mises en scène des Classiques[12]. Ensuite parce que le théâtre est aussi et surtout, dans les années 1950, le premier laboratoire critique de Barthes. C’est en commentant les mises en scènes contemporaines des textes passés, notamment les choix faits par Vilar et par Barrault, que Barthes pose les fondements d’une posture critique originale, qu’on retrouvera dans ses lectures « concernées » de Racine, de La Bruyère ou de La Rochefoucauld. Ses comptes rendus de spectacles, comme ses préfaces critiques, sont toujours attentifs à la transhistoricité des textes littéraires. Pour le metteur en scène comme pour le critique, il s’agit avant tout, d’après Barthes, de chercher la « bonne distance » à adopter face au Classique adapté ou commenté.
Avant d’en venir à cette question, je dresserai d’abord un petit tableau de la présence des Classiques et du classicisme dans les éditoriaux et comptes rendus que Barthes a publiés sur le théâtre, afin de souligner le liens manifestes qu’on peut repérer entre ces textes et ceux des Mythologies. Car au théâtre, cohabitent chez Barthes au moins deux regards : celui du mythologue, qui s’en prend aux ressorts idéologiques des spectacles « classico-bourgeois », et celui du passeur, qui se préoccupe de ce qui est livré ou masqué aux yeux du public, de ce qui est montré ou caché d’un texte ou d’un personnage dits « classiques », comme le Cid, Dom Juan ou Figaro. Dans mon titre, donc, il faut entendre l’expression « actualité du théâtre “classique” » dans un double sens, bien évidemment. Elle désigne d’abord l’ensemble des productions mettant en scène des Classiques, montées récemment au moment où Barthes écrit, et qu’il choisit de commenter sous les feux de l’actualité. Mais elle désigne également le caractère actuel dont peuvent être dotées ces pièces du passé, grâce à la « disponibilité » du texte et au travail du metteur en scène et des comédiens.
Pour qui travaille sur l’ambivalence du rapport de Barthes aux Classiques et au classicisme, les Écrits sur le théâtre sont une mine de formules utiles et exemplaires. Du côté des termes « classique » et « classicisme » eux-mêmes, on ne peut fixer de bornes chronologiques nettes ou de corpus intangible, et l’on est confronté à des usages tantôt historiques, tantôt anhistoriques, à des emplois parfois neutres, parfois laudatifs, parfois péjoratifs… Du côté des pièces commentées, on trouve des comptes rendus enthousiastes et des comptes rendus assassins, qui n’exemptent pas toujours les œuvres et les dramaturges passés de toute responsabilité dans l’échec présent du metteur en scène ou des comédiens.
Sans en passer par un relevé exhaustif des termes « classique » et « classicisme », on doit cependant distinguer entre trois séries d’usages non superposables, comme souvent chez Barthes : ceux du terme « classicisme » entaché de tous les soupçons, ceux du substantif « Classique » souvent doté d’une majuscule, employé au pluriel, et associé à une connotation plus positive, et ceux de l’adjectif « classique » dont l’axiologie est la plus fluctuante. Indétermination axiologique, indétermination historique : y a-t-il dès lors une légitimité, voire un simple intérêt, à commenter ensemble les textes consacrés par Barthes aux mises en scène des « Classiques » grecs (Sophocle, Eschyle), des « Classiques » français des XVIIe et XVIIIe siècles (Racine, Molière, Marivaux, Beaumarchais), des « Classiques » français postérieurs (Hugo, Balzac, voire Labiche ou Claudel), des « Classiques » européens (Shakespeare, Kleist, Tchekhov) ? Et dans ce très large ensemble, le XVIIe siècle français occupe-t-il une place particulière ?
Le moment théâtral de Barthes s’ancre résolument dans la modernité, via la défense d’un théâtre populaire, dont les modèles sont Vilar et surtout Brecht. Dans « Témoignage sur le théâtre », paru dans Esprit en 1965, et placé en tête du recueil posthume des Écrits sur le théâtre, Barthes retrace les grandes étapes de son parcours au théâtre et s’interroge sur son propre « revirement[13] ». Il ne fait pas un sort particulier, dans ce texte, aux Classiques : sans surprise, c’est l’« incendie » né de la tournée, en 1954, du Berliner Ensemble à Paris, qui est retenu comme motif du « revirement ». Et plusieurs textes rassemblés dans le recueil témoignent de la primauté incontestable de Brecht dans le paysage théâtral de Barthes : il ne s’agit donc pas, bien entendu, de contester cette hégémonie.
Pourtant, de son adolescence, durant laquelle Barthes fréquentait les théâtres du Cartel, à cette « illumination » brechtienne, l’aventure théâtrale de Barthes semble liée à diverses figures du classicisme. Le tout premier texte publié par Barthes en 1942 dans les Cahiers de l’étudiant porte en effet sur la relation entre « Culture et tragédie ». L’article s’ouvre sur les mots suivants, où l’on entend de nettes résonances gidiennes :
De tous les genres littéraires, la tragédie est celui qui marque le plus un siècle, lui donne le plus de dignité et de profondeur. Les époques flamboyantes, indiscutées, sont les époques tragiques : Ve siècle athénien, siècle élisabéthain, XVIIe siècle français. […] On sent bien qu’une telle connexion entre la qualité du siècle et sa production tragique n’est pas arbitraire. C’est qu’en réalité ces siècles étaient des siècles de culture[14].
Une expérience de jeunesse est également évoquée par Barthes à plusieurs reprises – « expérience collective, amicale » et illustrant un usage pratique des Classiques, avant même l’écriture de ce premier texte : c’est la fondation, en 1936, « avec quelques camarades de la Sorbonne », du Groupe de théâtre antique, dont le premier projet fut la création des Perses. Dans une lettre de Barthes adressée à ce collectif pour son vingt-cinquième anniversaire, Barthes se souvient de « sa volonté de rendre vivants, complets, des chefs-d’œuvre auxquels les étudiants n’accèdent en général que d’un point de vue philologique[15] ». Cette formule, certes concise, met déjà l’accent sur une double nécessité : il faudrait non seulement défendre la primauté de la scène face au texte, mais aussi arracher ces « chefs-d’œuvre » à l’institution scolaire qui les a classicisés.
Aussi, quand quelques années plus tard, Barthes « se met à écrire », explique Jean-Loup Rivière dans sa préface aux Écrits sur le théâtre, le théâtre est-il l’objet d’une « conception “combative” » qui consonne avec cette anti-philologie. Après la Seconde Guerre mondiale, le théâtre est en effet doté d’une fonction politique cruciale et inédite[16], que Barthes a soutenue en collaborant activement à la revue Théâtre populaire[17]. Or l’effort de décentralisation initié en 1946, la fondation d’Avignon en 1947 et la réouverture du TNP en 1951 sont indissociables d’un projet politique de démocratisation, pour lequel les metteurs en scène n’ont pas hésité à enrôler les Classiques :
Sur 412 spectacles présentés dans le cadre de la décentralisation, pendant 25 ans, de 1947 à 1972, 136 portaient sur des pièces de Molière (qui est donc largement en tête), 84 sur Shakespeare, 36 sur Musset, 34 sur Marivaux, 30 sur Labiche, 26 sur Racine et 24 sur Corneille[18].
Les écrits de Barthes sur le théâtre témoignent de cette effervescence et font d’« un répertoire de haute-culture » une véritable « obligation » pour le théâtre populaire, à côté d’un public de masse, et d’une dramaturgie d’avant-garde[19].
Bien évidemment, ce « répertoire de haute-culture » n’est pas restreint aux comédies et tragédies du XVIIe siècle français, mais la mise en scène des « œuvres fortes du classicisme » est réclamée, au même titre que la représentation des « œuvres aiguës de la modernité ». Militant « pour une définition du théâtre populaire », Barthes précise ainsi :
Un répertoire de haute culture : il faut ici dissiper un préjugé courant, celui qui veut confiner le théâtre populaire dans un répertoire vulgaire et niais, lui interdire, comme de trop haute intelligence, les œuvres fortes du classicisme ou les œuvres aiguës de la modernité. Or celui qui écrit exprès pour le peuple, même si ses intentions sont généreuses, ne peut aller qu’à un échec (c’est le cas du théâtre de Romain Rolland). La réussite de Vilar auprès d’un très grand public le prouve, les œuvres générales sont les œuvres pures. Le théâtre où personne ne s’ennuie, de quelque condition qu’il vienne, c’est le théâtre de Corneille, de Molière, de Shakespeare ou de Kleist : le spectacle de Vilar qui a rencontré le plus vif succès populaire, c’est la pièce la moins complaisante qui soit : Dom Juan[20].
Ainsi, à côté du théâtre de Brecht découvert en 1954 lors de la tournée du Berliner Ensemble à Paris, ce sont les nouvelles mises en scène des Classiques proposées par Jean Vilar au TNP et Jean-Louis Barrault à Marigny qui font l’objet de la plupart des commentaires de Barthes.
De Jean Vilar, Barthes mentionne, ou commente, les mises en scène du Cid (repris à Avignon en 1951, avec Gérard Philipe dans le rôle principal[21]), de Dom Juan (1953), de Cinna (1954) et de Phèdre (vu à Chaillot en 1958). Dans une acception plus large du terme « classique », on peut aussi citer les comptes rendus qu’a livrés Barthes d’autres représentations au TNP : les éloges accordés aux mises en scène vilardiennes du Triomphe de l’amour[22] et du Mariage de Figaro (la pièce de Marivaux est jouée en 1956, celle de Beaumarchais en 1957) ; les reproches formulés à l’encontre des drames hugolien et balzacien, Ruy Blas et Le Faiseur, montés au TNP en 1954 et 1957 ; et hors du corpus français, son engouement pour Le Prince de Hombourg de Kleist (vu à Chaillot en1953), que l’on peut opposer au point de vue sévère formulé contre les mises en scènes des tragédies shakespeariennes Richard II et Macbeth, présentées à Avignon en 1953 et 1954. De Jean-Louis Barrault, Barthes analyse surtout une représentation de L’Orestie (Eschyle) – en particulier dans « Comment représenter l’antique » –, mais il fait aussi allusion à la mise en scène de Bérénice (Racine) dans « La vaccine de l’avant-garde » (1955). Il s’en prend également aux représentations de La Cerisaie de Tchekhov et de deux pièces de Claudel : Christophe Colomb et Le Soulier de Satin.
À ces deux ensembles composés par les mises en scène de Vilar et Barrault, on peut ajouter d’autres comptes rendus consacrés à des représentations au TNP (L’Étourdi de Molière mis en scène par Daniel Sorano en 1955), des représentations dans des théâtres parisiens (Le plus heureux des trois de Labiche mis en scène par Robert Postec au Théâtre de la Huchette en 1956 ; Les Trois Mousquetaires mis en scène par Roger Planchon au Théâtre de l’Ambigu en 1959) et des représentations dans des festivals (Jules César et Coriolan, montés par Raymond Hermantier au deuxième festival de Nice en 1955 ; La Locandiera de Goldoni mise en scène par Visconti au troisième festival de Paris en 1956 ; Barthes commente aussi trois représentations d’Œdipe Roi dans ce même festival, mais l’année précédente, en 1955 : la première est une mise en scène de Pasquier au Théâtre Hébertot, la deuxième a été jouée par une troupe néerlandaise, la troisième par le Théâtre national d’Athènes invité au Théâtre Sarah-Bernhardt). Il ne s’agira pas, bien évidemment, de passer en revue chaque compte rendu, mais je reviendrai sur les éloges et les reproches que Barthes adresse notamment à Vilar et à Barrault, concernant le traitement que l’un et l’autre réservent aux Classiques.
En dépit de cette présence incontournable des Classiques, et du rôle essentiel qu’ils tiennent dans le programme civique du TNP, la plupart des comptes rendus font apparaître la méfiance de Barthes face à un répertoire souvent accaparé par les théâtres bourgeois. On reconnaît partout le regard du mythologue.
Barthes, au théâtre, s’en prend en effet « à une esthétique de complaisance, liée elle-même aux structures économiques[23] » des scènes officielles, à la Comédie-Française notamment, et à l’adhésion tacite des productions contemporaines à toutes les normes « petites-bourgeoises ». « Petites-bourgeoises » ou « classico-bourgeoises », car, dans les réflexions de Barthes sur l’actualité du théâtre, les termes « classique » et « classicisme » sont d’abord pris dans le même soupçon qui poursuit les termes « bourgeois » et « bourgeoisie » : ils semblent entachés des mêmes fautes.
Le lieu signifiant le mieux cette complicité est sans nul doute la Comédie-Française, « théâtre typiquement petit-bourgeois[24] » aux yeux de Barthes, et antre du classicisme. Les représentations de la Comédie-Française sont reléguées, pêle-mêle, dans une sorte d’enfer théâtral, d’où toute décision interprétative serait absente : aucune conscience critique ne viendrait les motiver, elles ne seraient que l’exhibition d’un (mauvais) goût pour le somptueux, purement gratuit, s’exprimant dans un usage imbécile des décors et des costumes[25]. La Comédie-Française est un de ces « théâtres de l’Argent », que Barthes dit « vomir », et « où le luxe vaniteux des décors et des costumes, apprivoisé sous le nom hypocrite de “bon goût français”, postule toute une économie sordide du faux or, du mensonge visuel, monnayé contre le billet de mille francs du fauteuil d’orchestre[26] ». Le « bon goût » est en quelque sorte le pendant visuel du « bon sens », autre valeur « classico-bourgeoise » honnie par Barthes et souvent dénoncée, notamment dans les Mythologies. L’écriture polémique de Barthes, les effets agonistiques de ses textes sur le théâtre, sont eux-mêmes une sorte de spectacle à la dramaturgie bien réglée. Ce point mériterait de plus amples développements, mais je me contenterai d’indiquer ici une seule référence : le texte le plus représentatif à cet égard est sans doute la petite mythologie intitulée « M. Perrichon à Moscou[27] » (elle est parue dans France-Observateur en avril 1954 et a été écrite à l’occasion d’une tournée de la Comédie-Française en URSS).
La vision du XVIIe siècle véhiculée par les théâtres bourgeois tient certainement un rôle non négligeable dans les réticences de Barthes à manier la catégorie de classicisme, puisqu’une idéologie de classe s’y dissimule selon lui sous des habits de pacotilles, sous des plumes et des dorures plus kitsch que classe. Ainsi « ce qui est révolutionnaire » dans Le Prince de Hombourg mis en scène par Vilar, « c’est d’avoir respecté la fonction instrumentale de l’habit, même au théâtre, même au XVIIe siècle » :
Que l’on pense un peu à l’exultation de style qu’aurait provoquée chez nos costumiers du Français ou des Folies-Bergère la nécessité bénie d’habiller un monde à la fois militaire, aristocratique et louis-quatorzien : que de velours, que de dentelles, de plumes, de cheveux et de ferrailles[28] !
À ces « maladies du costume », s’ajoute un autre symptôme scénique de l’incurie interprétative des scènes traditionnelles et de leur inféodation irréfléchie à l’idéologie bourgeoise : le traitement de l’espace. Cette question est au cœur du compte rendu de la pièce de Kleist. À la scène « immense, ouverte à tous les vents » et essentielle à la tragédie selon Barthes, s’opposent « nos théâtres bourgeois, clos comme des maisons provinciales, mi-bonbonnières, mi-prisons, où la scène et le spectateur s’envisagent de front et ne peuvent rien d’autre que soutenir ce tête-à-tête intime comme un huis-clos familial[29] ». Or, ici, le XVIIe siècle n’apparaît plus comme l’innocente victime du mauvais goût bourgeois, mais comme le véritable coupable à dénoncer et à combattre. Cette « clôture », loin d’être anecdotique, a en effet, selon Barthes, une « intention historique » manifeste :
[…] il s’agit évidemment de protéger une image essentialiste de l’homme : de même que toute notre Littérature classique – quelle que soit parfois l’ampleur de ses fresques – n’est que le viol d’une essence humaine, surprise et montrée, de même la scène bourgeoise dévoile sans cesse un secret que les trois parois du décor expulsent de l’ombre, du mystère, du possible[30].
Un peu plus loin, Barthes écrit : « L’espace clos du théâtre bourgeois [est le] serviteur exact de l’idéologie classique[31] ». « Classique », dans les deux syntagmes « Littérature classique » et « idéologie classique », dépasse assurément les bornes du XVIIe siècle, mais aux yeux de Barthes, l’essentialisme classico-bourgeois dont il est question a bien pour fondement une certaine psychologie, qui s’enracine dans les conceptions des moralistes du Grand Siècle, tels La Bruyère et La Rochefoucauld. Dans la petite mythologie consacrée aux Folies-Bergère, autre « lieu exemplaire » du théâtre bourgeois, Barthes écrit ainsi à propos des « visages des girls », toujours réduits à des « types » :
Voici donc sur un rang et se succédant comme des portraits (dans le goût de La Bruyère ou de Couperin) : la Vicieuse, la Distinguée, la Molle, l’Acide, la Minaudière, l’Alliciante, l’Ingénue libertine, l’Allemande, la Bête, l’Espagnole piquante, la Sophistiquée. En somme je suis devant un ordre dérivé du classique, où la chair ne fait qu’actualiser des essences[32].
Un peu plus loin, c’est le nom de Fontenelle qui apparaît, au sujet de la machinerie, qui ne donne qu’une « idée du mystère », et « non le mystère lui-même » :
Que ce soit le Châtelet, l’Opéra ou les Folies-Bergère, ces théâtres petits-bourgeois me fournissent un baroque rationnel, une extravagance automatique ; mes archétypes se situent au niveau des grands bourgeois comme Fontenelle, qui comparait l’Univers sidéral à une machinerie d’opéra. Pour moi, grand bourgeois dégradé en gros commerçant, les Folies-Bergère sont un microcosme bouclé sur lui-même, plein comme une montre et intelligible comme une mécanique[33].
La Bruyère et Fontenelle sont donc transformés en « idéologues bourgeois pré-modernes[34] », pour reprendre une expression de Philippe Roger. Cette tentation sera constante chez Barthes, qui ne cessera d’osciller entre le désir de sauver les Classiques des méfaits du classicisme, la nécessité d’arracher les auteurs et les œuvres du XVIIe siècle à une idéologie fixiste construite a posteriori, et la possibilité, a contrario, de les tenir pour coupables, de les rendre responsables des normes « classico-bourgeoises ».
Le compte rendu du Prince de Hombourg est en cela exemplaire. La condamnation, dans ce texte, de la clôture liée à l’essentialisme classico-bourgeois ne signe pas pour autant la mise au ban des pièces du XVIIe siècle. Car celles-ci peuvent faire l’objet d’un traitement scénique anti-bourgeois : dans Le Cid, comme dans Le Prince de Hombourg, Jean Vilar, affirme Barthes, a su proposer une mise en scène où « tout l’arrière, tous les entours » signalent « la frontière étendue qui menace », « le lieu d’Informations terribles que tout le discours tragique ne fait qu’écouter et soutenir[35] ». Autrement dit, Le Cid de Vilar livrait à la vue des spectateurs un espace véritablement tragique, apte à produire un théâtre de l’« avènement » et similaire en cela aux « pouvoirs de la tragédie antique[36] » ou à ceux du catch.
Dans tous les comptes rendus consacrés à des pièces « classiques », que celles-ci appartiennent au XVIIe siècle français, à l’Antiquité grecque, ou à d’autres périodes passées, la question posée par Barthes est en réalité toujours identique : le metteur en scène et les comédiens ont-il réussi à rompre avec le « bon goût français » et la gratuité ou vacuité du si dispendieux spectacle petit-bourgeois ? Et cette gratuité, dans le cas du « Classique », repose toujours sur une actualisation naïve du « chef-d’œuvre » réputé intemporel, sur une actualisation anachronique, inattentive à l’Histoire, qui, paradoxalement, fait manquer l’actualité politique de ces œuvres. C’est là que l’acte théâtral et le geste du critique littéraire se rejoignent.
En s’emparant des grands textes classiques, des comédies de Molière et Marivaux, des tragédies de Racine et Corneille, en en faisant des lieux d’expérimentation scénique, Jean Vilar et Jean-Louis Barrault[37] font œuvre d’interprètes et de passeurs. On sait que depuis la fin du XIXe siècle, la notion de représentation théâtrale s’est profondément transformée : elle est devenue, explique par exemple Bernard Dort, « la réalisation, pour un public donné (ou espéré), de la conception qu’un metteur en scène ou une équipe de théâtre se [fait] et d’une œuvre et de la réalité[38]. » Il ne s’agit pas pour autant de mettre le spectacle au service du texte, mais d’en faire au contraire un véritable acte interprétatif apte à modifier le regard du spectateur, en le confrontant à « une épaisseur de signes ». C’est ce qu’affirme Barthes lui-même, contre le « textocentrisme dominant[39] », au sujet du Prince de Hombourg :
Le Prince de Hombourg de Kleist n’est qu’une pièce ; Le Prince de Hombourg de Vilar est un spectacle, c’est-à-dire nullement le rassemblement d’accidents et d’accessoires autour d’un texte déifié conformément au culte tout bourgeois de la Littérature (faut-il rappeler que ce mot date à peine de notre Révolution ?) mais plutôt l’idée sensible d’un certain acte historique qui impose sa plastique à tous les sens du public et la distribue également au texte, à l’espace, à la manière, aux mouvements, etc[40].
Face à l’embourgeoisement du théâtre, Vilar et Barrault proposent, à l’orée des années 1950, deux issues louées par Barthes. Dans « M. Perrichon à Moscou », il oppose ainsi leur manière de monter les Classiques aux représentations de la Comédie-Française :
Voyez par exemple comme on a soin [à la Comédie-Française] d’y émasculer don Juan et d’étouffer pudiquement l’athéisme du personnage sous la fadeur des uns ou la grosse farce des autres. Pour ma part, je retrouve beaucoup mieux Marivaux chez Barrault, Molière et le Cid chez Vilar[41].
Cependant les usages scéniques que Vilar et Barrault font de Molière, de Racine ou d’Eschyle obéissent à deux projets différents et inégaux aux yeux de Barthes. Au fil des comptes rendus, il formule un ensemble de distinctions entre ces deux entreprises : si l’une et l’autre ont à voir avec un éloignement des Classiques contre l’actualisation naïve que pratiquent les théâtres bourgeois, Vilar parvient à allier distance et concernement, quand Barrault, selon Barthes, échoue.
Pour Jean Vilar, le recours aux Classiques, comme mentionné précédemment, s’inscrit dans le projet civique du TNP. Barthes souligne avant tout le jeu permanent entre identification et distanciation, et la productivité critique de ce geste théâtral pour le spectateur, invité à réfléchir sur sa propre responsabilité dans l’Histoire. Jean-Louis Barrault, au contraire, n’échapperait pas à la tentation de la reconstitution archéologique : son entreprise, bien évidemment, n’est pas réductible à l’idée d’une simple fidélité au texte – en bon héritier d’Artaud, Barrault revendique un « théâtre total » et propose avant tout un travail sur la représentation –, mais l’altérité dans laquelle ses mises en scène rejettent les pièces passées, limite selon Barthes leur pouvoir dans le présent, les rend inoffensives dans la modernité : le grand tort de Barrault serait donc de conforter une vision purement formelle, esthétique des Classiques, aussi gratuite que les spectacles petits-bourgeois de la Comédie-Française ou des Folies-Bergères. La stylisation de Barrault ne diffèrerait pas de la « réplétion » du théâtre boulevardier.
Deux spectacles ont une valeur paradigmatique aux yeux de Barthes, et résument l’écart existant entre les entreprises de Vilar et Barrault : Dom Juan monté au TNP en 1953 et L’Orestie représentée au Théâtre Marigny en 1955.
La « régie » de Vilar reçoit un éloge sans réserve de la part de Barthes[42]. Il loue le vieillissement, l’« épaisseur d’histoire[43] », la « profondeur sadienne[44] » qu’a su donner le metteur en scène à la pièce, en convoquant « un athéisme gros d’hérédités postérieures à Molière[45] », en composant un don Juan « gros de toute l’histoire de son public[46] ». Dans les deux textes qu’il consacre à cette mise en scène au TNP – « Le silence de don Juan » publié dans Lettres nouvelles et « Dom Juan » paru peu après dans Théâtre populaire –, Barthes s’en prend aux « Dom Juan officiels[47] », à la « façon bourgeoise de monter[48] » la pièce, « notamment au Français qui représente le dogme en matière de théâtralité bourgeoise[49] ». Mais il oppose aussi l’acte de Vilar à « quelques postulats scolaires[50] » sur lesquels se fonde cette tradition scénique de la Comédie-Française. Ces postulats sont au nombre de quatre :
Dom Juan est une pièce hâtive, mal construite ; Dom Juan est une pièce de grande machinerie ; l’athéisme de Dom Juan est purement historique, inspiré de l’athéisme des grands libertins du XVIIe siècle ; Sganarelle et le paysan Pierrot sont des grotesques, de comique infantile, ils n’ont d’existence que celle de leurs bons mots[51].
C’est le troisième postulat qui m’intéresse tout particulièrement. Si la pièce de Molière est restée si longtemps au purgatoire – elle est très peu jouée jusqu’à sa reprise par Jouvet en 1947[52] –, ce serait donc en partie le fait du discours savant des universitaires férus de contextualisation. Sous prétexte d’historiciser le protagoniste de Dom Juan, ces derniers tendraient à le renvoyer « dans les limbes de l’anecdote locale[53] », « à édulcorer [son] athéisme[54] » et « à émasculer la pièce[55] » :
C’est curieux, cette manie de vouloir nous persuader que le don Juan de Molière est un athée historique, local, circonstanciel. Interdiction générale de voir dans ce don Juan-là autre chose qu’un combinat des Roquelaure, Guiche, Aubijoux, Fontrailles et autres grands seigneurs sceptiques du XVIIe siècle. Pourtant d’ordinaire, on nous assure que les types du théâtre classiques sont éternels, que ses avares, ses amants et ses jaloux n’ont pas d’histoire, et que tout le monde a le droit de retrouver son temps dans ces peintures de l’homme essentiel. Or, dès qu’il s’agit de l’athée, toute une pudique relativité empourpre nos critiques[56].
L’ironie de Barthes, qui souligne les contradictions de la critique, et retourne contre elle ses propres armes, est ici manifeste ; elle trouve sa cible explicite un peu plus loin : « Il y a déjà du Sade dans ce don Juan-là (M. Antoine Adam, professeur à l’Université de Lille, en frémirait, lui qui prie, grands Dieux, qu’on ne suspecte pas Dom Juan de sadisme[57]) ». Au rebours de ces lectures critiques affadissantes, et de représentations théâtrales tout aussi inconsistantes, la mise en scène anachronique de Vilar rendrait toute son acuité au plus célèbre des grands seigneurs méchants hommes, et inviterait les spectateurs à réfléchir aux conséquences de leur propre liberté – « Cet athée-là, c’est enfin notre affaire, il nous concerne, nous l’écoutons, il nous aspire dans sa modernité[58] » :
[...] tout nous impose un don Juan privé de Dieu non par scepticisme poseur, mais par détermination profonde : ce don Juan est un homme seul, dont chaque geste et chaque mot sont comme l’exercice d’une liberté absolue. Ainsi don Juan amoureux et don Juan athée se fondent dans l’unité d’une même démarche, celle d’un homme à qui il suffit de faire le mal pour connaître qu’il est irrémédiablement seul et libre.
Cela était-il dans Molière ? non, bien sûr. Mais le théâtre n’est pas un musée, et ce n’est pas notre faute si nous sommes plus vieux que Molière, si depuis 1665 il y a eu mille formes nouvelles d’athéisme, de Sade à Sartre. Vilar a mis dans son don Juan une dimension trop souvent oubliée au théâtre, et qui est la mémoire de son public, ce que Péguy appelait son vieillissement[59].
Barthes avait déjà placé, non sans provocation, la phrase du très catholique Péguy en exergue du texte sur « Le silence de don Juan » : « Il y a deux manières de prendre un homme : ou en histoire et inscription ; ou en mémoire et vieillissement[60]. » Il termine ce second article comme il avait conclu le premier, en insistant sur l’« ancestralité » de Don Juan, « qui fait de nos corps d’aujourd’hui les dépositaires d’une histoire véritable, et non les spectateurs d’une reconstitution archéologique[61] ». L’effort réclamé par Barthes au metteur en scène, comme au critique littéraire, est donc double : c’est à la fois un geste d’actualisation et d’historicisation. Il repose bel et bien sur la prise en compte d’une certaine historicité, mais celle-ci est irréductible au simple contexte de l’œuvre et convoque toutes les strates mémorielles du spectateur et du lecteur-commentateur.
Deux autres comptes rendus consacrés au travail de Jean Vilar sur les Classiques reposent sur ce même appel à la représentation d’une « épaisseur historique », contre une actualisation naïve conforme aux mythes scolaires et à la prétendue éternité des Classiques. Il s’agit du texte sur Le Mariage de Figaro et du compte rendu de Richard II. Le premier s’en prend à « l’idée mythique que nous avons du XVIIIe siècle[62] » : Barthes loue l’épaississement sur la scène vilardienne – ici appelé « désaffinement » – du célèbre valet de Beaumarchais. Vilar a su, selon lui, rendre au personnage sa charge contestataire, sa signification sociale, en l’associant fortement à la fois à « l’invention du sentiment » à la fin du XVIIIe siècle, et aux combats démocratiques de la modernité – Figaro, rappelons-le, s’oppose au droit de cuissage que veut exercer sur sa promise Suzanne, le comte Almaviva. Dans « Fin de Richard II », les commentaires de Barthes sur le travail de Vilar et le jeu de son comédien, Gérard Philipe qui lui a succédé dans le rôle, sont à charge – et cette charge est sans concession. Il ne s’agit plus de contrer l’image d’un XVIIe siècle trop « classique », ou d’un XVIIIe siècle trop « marivaudien », mais de contester une certaine définition du baroque scolaire, que l’on associe trop souvent aux pièces de Shakespeare et que cette mise en scène insatisfaisante contribue à diffuser. Le trop fameux « mélange des genres », auquel s’ajoutent dans la mise en scène de Vilar « quelques drapeaux de trop, un fond sucré, bleuté à la florentine, une barbe Renaissance[63] », produit un baroque tout aussi bourgeois, tout aussi essentialiste que la psychologie réputée classique. L’interprétation du rôle par Gérard Philipe est commentée comme une véritable interprétation du texte, qui « ôter[ait] tout tremblement » au personnage de Richard II, qui nierait son épaisseur, sa complexité.
Sont donc mis en concurrence plusieurs modes d’historicisation et plusieurs modes d’interprétation, au sens à la fois scénique et critique du terme. Le premier mode d’historicisation, que réfute Barthes, caractérise les lectures historiennes de la critique universitaire dix-septiémiste, comme les tentatives de mises en scène s’en inspirant. Il est souvent associé à des interprétations tendant à la vulgarisation et occultant paradoxalement la situation historique de l’œuvre autant que son rapport au temps présent. Le second mode d’historicisation, que pratique généralement Vilar et qui reçoit les faveurs de Barthes, refuse à la fois l’historicisme et l’achronie : il s’appuie sur une contextualisation irréductible aux mythes scolaires et sur la superposition dynamique de strates temporelles. Il correspond à des interprétations privilégiant l’« épaisseur » et le « tremblement » des personnages et des significations.
Où se situent les propositions de « l’incorrigible Barrault[64] » dans ce schéma antagoniste ? D’après les comptes rendus que Barthes donne de plusieurs représentations au Théâtre Marigny, les mises en scène de Jean-Louis Barrault ont le mérite de ne pas souscrire aux mythes scolaires. En montant la tragédie d’Eschyle, notamment, « il s’agissait pour lui de rompre avec la tradition académique et d’arriver à replacer L’Orestie, sinon dans une histoire, du moins dans un exotisme[65] ». Cet effort de distanciation, cette volonté de soustraire le spectacle à une actualisation naïve, ce désir de « débarrasser » la pièce « de la fausse pompe classique[66] » dont on affuble souvent le théâtre antique, relevaient selon Barthes d’une intention louable. En cela la « fête nègre » de Barrault est supérieure aux Œdipe joués par les troupes suisse et néerlandaise, mentionnées plus haut, même si dans les deux cas « c’est […] toute la Grèce, toute l’Histoire et sa critique qui sont escamotées dans l’aventure » : « Sophocle joué comme une tragédie bourgeoise, Eschyle comme une fête nègre, c’est curieux cette manie, cette rage modernes de faire de l’exotisme à contresens, de fuir coûte que coûte le caractère grec de la tragédie grecque[67]. »
Chez Barrault, le critique dénonce le manque de cohérence du spectacle, qui se veut « fête nègre », « théâtre de la transe », mais dont « l’exotisme est loin d’être continu », devenant par là même purement décoratif – « l’art des acteurs “psychologiques” » l’interrompt sans cesse : « Il fallait choisir : ou la fête nègre, ou Marie Bell[68]. » L’absence d’unité, le « va-et-vient brouillon[69] » rend le spectacle gratuit et coupe la tragédie du projet civique qui, selon Barthes, définit le théâtre grec et ses « pouvoirs[70] ». Il faut ici souligner que cet appel à une « responsabilité de la forme » ne se limite pas à la tragédie : le texte sur L’Étourdi par exemple repose sur une même condamnation de la « gratuité », de la « vanité » et du « formalisme » du spectacle. Au TNP, Daniel Sorano s’est rendu coupable d’une même confusion des styles, mais, écrit Barthes, « c’est […] à Molière lui-même qu’il faut d’abord s’en prendre », car sa pièce est un « théâtre sans hommes », une « comédie où l’on a fait soigneusement le vide social » : « si gai et si instructif que cela soit, c’est tout de même du musée », dit Barthes. « Même signé Molière, même joué au TNP, L’Étourdi n’est qu’un contretemps[71] », autrement dit cela ne nous concerne plus, contrairement à d’autres comédies comme L’Avare, où « nous autres, modernes », affirme Barthes « pouvons nous […] sentir à peu près chez nous[72] ».
Mais j’en reviens à Barrault et à L’Orestie. Dans sa mise en scène et dans le choix des costumes, Barrault n’a pas su choisir entre « trois plans : l’époque supposée du mythe, l’époque d’Eschyle, l’époque du spectateur » et a produit une « tragédie abstraite », empêchant toute compréhension de la « situation historique » de la pièce :
Agamemnon, Clytemnestre sont habillés à la barbare, engagent la tragédie dans une signification archaïque, minoenne, ce qui serait parfaitement légitime si le parti était général. Mais voici qu’Oreste, Electre, Apollon viennent rapidement contrarier ce choix : eux sont des Grecs du Ve siècle, ils introduisent dans le gigantisme monstrueux des vêtements primitifs, la grâce, la mesure, l’humanité simple et sobre des silhouettes de la Grèce classique. Enfin, comme trop souvent au Marigny, la scène se trouve parfois envahie par le maniérisme luxueux, la plastique « grand couturier » de nos théâtres bien parisiens : Cassandre est tout en plissés intemporels, l’antre des Atrides est barré par une moquette sortie tout droit de chez Hermès (la boutique, non le dieu), et dans l’apothéose finale, une Pallas tout enfarinée surgit d’un bleu sucré, fondant, comme aux Folies-Bergère.
Ce mélange naïf de Crète et de Faubourg Saint-Honoré contribue beaucoup à perdre la cause de L’Orestie : le spectateur ne sait plus ce qu’il voit : il lui semble être devant une tragédie abstraite (parce que visuellement composite), il est confirmé dans une tendance qui ne lui est que trop naturelle : refuser une compréhension historique de l’œuvre représentée. L’esthétisme joue ici, une fois de plus, comme un alibi, il couvre une irresponsabilité : c’est d’ailleurs si constant chez Barrault que l’on pourrait appeler toute beauté gratuite des costumes le style Marigny. Ceci était déjà sensible dans la Bérénice de Barrault, qui n’avait pas été cependant jusqu’à habiller Pyrrhus en Romain, Titus en marquis de Louis XIV et Bérénice en drapé de chez Fath : c’est pourtant l’équivalent de ce mélange que nous donne L’Orestie[73].
Le privilège accordé par Barthes à l’unité du spectacle, à la cohérence historique des costumes, peut sembler contradictoire, de prime abord, avec le mode d’historicisation décrit plus haut et consistant à multiplier les strates temporelles. Mais il faut bien distinguer entre cette hétérogénéité scénique transparente chez Barrault et l’« épaisseur des signes » voulue par Barthes, faisant appel à une « mémoire du public » opaque ; pour le dire autrement, selon Barthes, les représentations des pièces classiques doivent toujours inviter les spectateurs à un travail réflexif, car c’est à eux que le metteur en scène doit, en fin de compte, confier la responsabilité de l’actualisation.
« Comment représenter l’antique » s’interroge donc sur la distance à adopter à l’égard de la tragédie grecque, mais les questions posées par ce texte pourraient s’appliquer tout aussi bien au théâtre des XVIIe et XVIIIe siècles, voire aux pièces postérieures et aux textes passés en général[74]. Le défaut d’historicisation que Barthes fustige dans L’Orestie de Barrault ne doit pas être compris comme un appel à la contextualisation ou à la reconstitution, mais comme le choix d’une historicisation qui soit en même temps actualisation : selon Barthes, la mise en scène comme interprétation doit restituer les enjeux civiques de la tragédie non pas en les transportant naïvement et vulgairement dans le présent, car il y a, dit Barthes, « une marche de l’histoire », mais en marquant leur « particularité », leur « altérité », leur « éloignement », en les soumettant à la réflexion des spectateurs, à la « mémoire du public », pour leur propre présent.
Représenter en 1955 une tragédie d’Eschyle n’a de sens que si nous sommes décidés à répondre clairement à ces deux questions : qu’était exactement L’Orestie pour les contemporains d’Eschyle ? Qu’avons-nous à faire, nous, hommes du XXe siècle, avec le sens antique de l’œuvre[75] ?
[…] Saisir la spécificité historique de L’Orestie, son originalité exacte, c’est pour nous la seule façon d’en faire un usage dynamique, doué de responsabilité[76].
Cette dialectique entre actualisation et historicisation est également visible en conclusion de la deuxième partie de Sur Racine, écrite à l’occasion d’une mise en scène de Phèdre par Vilar, que Barthes, par ailleurs, juge ratée :
Je ne sais s’il est possible de jouer Racine aujourd’hui. Peut-être, sur scène, ce théâtre est-il aux trois quarts mort. Mais si l’on essaye, il faut le faire sérieusement, il faut aller jusqu’au bout. La première ascèse ne peut être que de balayer le mythe Racine, son cortège allégorique (Simplicité, Poésie, Musique, Passion, etc.) ; la seconde, c’est de renoncer à nous chercher nous-mêmes dans ce théâtre : ce qui s’y trouve de nous n’est la meilleure partie, ni de Racine, ni de nous. Comme pour le théâtre antique, ce théâtre nous concerne bien plus et bien mieux par son étrangeté que par sa familiarité : son rapport à nous, c’est sa distance. Si nous voulons garder Racine, éloignons-le[77].
On voit bien ici que le traitement réservé par Barthes au modèle de la tragédie classique française ne diffère pas de son approche du théâtre grec. Fait donc ici retour une des questions posées en ouverture de cette réflexion : le XVIIe siècle a-t-il une place particulière dans les écrits de Barthes sur le théâtre, et dans les textes qu’il consacre plus spécifiquement à la mise en scène des Classiques ? Il est possible, me semble-t-il, de répondre en paraphrasant Gide, et en recourant à une sorte d’exclamation résignée : « Racine, hélas[78] ! ».
Par bien des aspects, le théâtre grec joue un rôle bien plus important pour Barthes, que le théâtre du XVIIe siècle : c’est à la tragédie antique et non à la tragédie racinienne que Barthes emprunte l’idée civique du théâtre qu’il défend chez Vilar comme chez Brecht. Celle-ci se trouve aussi chez Corneille, indique Barthes dans une très brève parenthèse de « Pouvoirs de la tragédie grecque », mais jamais il ne lui appliquera les « langages de notre siècle ». Parce que le théâtre grec est si distant de nous, il nous concerne plus que la « fausse tragédie du XVIIe siècle[79] », rendue trop familière par l’institution scolaire et les scènes bourgeoises. Cette dernière semble engluée dans le mythe de l’éternité, quand le théâtre grec, dans sa plus grande altérité, assure davantage la mise en spectacle de la temporalité transhistorique de la littérature.
La place du XVIIe siècle dans les écrits de Barthes sur le théâtre est donc d’abord celle d’un mythe à combattre, dont Racine est l’expression la plus visible, puisqu’il est « notre classique le plus choyé ». On se souvient de la mythologie désabusée sur la réforme des théâtres nationaux par Malraux – le texte « Tragédie et hauteur », daté de 1959, où Barthes se plaint que « toute notre culture est saturée de Racine, jouée partout du TNP aux tournées de province, expliqué pendant des années de lycée, pourvu des louanges de la nation entière ». « Il faut avoir le courage de détruire : dans Racine, des siècles de mythe racinien[80] », affirme Barthes. Et c’est manifestement la tâche qu’il se donne dans Sur Racine en appliquant à l’œuvre racinienne une lecture structuraliste, en convoquant l’anthropologie et la psychanalyse, et en balayant les interprétations qui s’enlisent dans la « vulgarité » de la psychologie bourgeoise, en partie imputable au texte. Dans son compte rendu de la mise en scène de Phèdre par Vilar, Barthes explique que :
[…] l’élément tragique le dispute sans cesse et d’une façon inharmonieuse à l’élément psychologique, comme si Racine n’avait jamais pu choisir entre la tragédie rigoureuse qu’il n’a jamais écrite mais dont il a laissé une trace tourmentée dans la plupart de ses pièces, et la comédie dramatique bourgeoise qu’il a fondée pour des siècles, et dont Andromaque et Iphigénie sont des exemples, eux, parfaitement achevés[81].
Barthes ne pardonne pas à Racine, ou du moins au mythe Racine, « de donner aux thèmes du théâtre bourgeois un statut éternel, de faire passer au crédit du théâtre psychologique la grandeur du théâtre tragique, qui était à l’origine, il ne faut pas l’oublier, pur théâtre civique[82] ». Et Barthes ne pardonne pas à Vilar sa « mise en scène irresponsable[83] », dans laquelle le mythologue a « reconnu les bons vieux attributs allégoriques[84] », le « vieux fonds folklorique racinien[85] » (les voiles, les plissés, les cothurnes).
Mais le compte rendu ne se limite pas ici à une simple déconstruction du mythe. À la suite de Gide et de Valéry, qui avaient commenté avant lui la diction racinienne, Barthes en fait le cœur de son texte et lie étroitement « diction “distante” » de l’alexandrin et « interprétation tragique » :
C’est parce que l’alexandrin est défini techniquement comme une fonction musicale qu’il n’y a pas à le dire musicalement ; il n’invite pas l’acteur à la musique, il lui en ôte au contraire la responsabilité. On peut dire à la limite que l’alexandrin dispense l’acteur d’avoir du talent. Comme dans tout théâtre codifié, la règle se substitue ouvertement à la subjectivité, la technique à l’expression. Il y a bien des rapports entre la rigueur de la règle classique et la syntaxe interprétative des symboles gestuels et vestimentaires dans le théâtre oriental[86].
Il y a aussi bien des rapports entre ces quelques lignes et ce que Barthes dira de la diction de Pitoëff, Dullin et Jouvet, ou de la « distinction » chez Brecht : dans les trois cas, c’est le « code » qui permet de contrer le naturalisme bourgeois et qui empêche que le public soit traité « comme un enfant », que l’acteur « lui taille sa nourriture, lui propose des aliments tout coupés que l’autre [le public] consomme passivement[87] ». On peut alors boucler la boucle, en revenant au texte « Témoignage sur le théâtre » mentionné initialement, et aux deux expériences encadrant cette préface. Liées à la modernité théâtrale la plus pointue, elles résonnent pourtant étrangement avec cette définition de la diction racinienne. Au début du texte, Barthes, revenant d’abord sur ses amours adolescentes, loue en Pitoëff, Dullin et Jouvet, « des acteurs de diction » : « ils parlaient une langue étrange et souveraine […], dont la qualité constitutive n’était ni l’émotion ni la vraisemblance, mais seulement une sorte de clarté passionnée[88] ». Mais l’écho est encore plus saisissant quand on pense à la notion de « distanciation » brechtienne, saluée par Barthes contre les théories de la participation[89]. La lecture de la deuxième partie du « témoignage » de Barthes, qu’il dédie à son « éblouissement brechtien » réserve une nouvelle surprise. A priori, nous sommes alors loin de toute référence au classicisme… et pourtant, Barthes choisit d’« isol[er] dans [son] attachement pour la dramaturgie brechtienne, quitte à l’exagérer, un élément en apparence dérisoire : sa distinction[90] », et il explique :
Il peut paraître accessoire, futile même, d’aimer dans un théâtre révolutionnaire une valeur aussi bourgeoise que le goût ; mais précisément c’est cette conjonction même qui me paraissait capitale : qu’un théâtre politique renonce à toute esthétique petite-bourgeoise et préserve sa forme de toute vulgarité[91].
Pourquoi Barthes recourt-il à ces catégories – « vulgarité », « distinction » – qui « renvoient », comme celle de « classicisme », « à des phénomènes de classe » ? Parce que, dit-il, « transporter une valeur de sécession dans un art “démocratique” » paraît « absolument nécessaire » : le théâtre, pour être politique, doit être le lieu d’une tension dialectique entre le « populaire » (c’est l’étymologie de « vulgarité », vulgus) et la « distinction ». On pourrait entendre ici le mot d’ordre déjà cité, selon lequel il ne faut pas « confiner le théâtre populaire dans un répertoire vulgaire et niais ». Mais la notion de « distinction » que Barthes construit à partir de son expérience de Brecht ne renvoie pas au choix d’un répertoire. Elle ne concerne pas exactement la diction, mais elle est bien une question d’art. La « distinction » est définie ici « non pas [comme] un raffinement des couleurs ou une plastique des mouvements », mais comme « un “code”, si clair, si sobre que le spectacle devient à la fois éblouissant et tendu » : « bientôt, j’en suis sûr, le goût n’apparaîtra plus comme une grâce mystérieuse et anachronique, mais très précisément comme un problème technique de code (ce qu’il a d’ailleurs déjà été à l’époque classique[92]). »
Comme souvent, Barthes s’empare donc d’une valeur toute classique, le goût, et en déplace la signification commune. Le goût n’est pas un « raffinement », « une grâce mystérieuse et anachronique », il n’est ni du côté du bon goût « petit-bourgeois », ni du côté du sublime ou du je-ne-sais-quoi que l’on attribue volontiers aux grands Classiques. Quand on l’arrache au mythe, le goût, comme la diction de l’alexandrin, est un code, et c’est ainsi que Barthes retrouve le classicisme au théâtre, via la tekné, via la forme, toujours associée bien entendu à une « morale », à une « responsabilité », comme il le fera aussi pour la rhétorique. La transhistoricité de la littérature, lorsqu’elle est mise en spectacle, n’est pas affaire, uniquement, de proximité thématique ou de jeu de miroir, de reconnaissance ; elle est peut-être le fait d’un « code », permettant de lier forme et morale, mais aussi subjectivité et socialité. Ce « code » est peut-être alors celui de la représentation elle-même, notion classique elle aussi, condition de tous les « arts dioptriques » selon Barthes (le théâtre, la peinture, le cinéma et la littérature). C’est ce code qui lui permet d’associer dans un étonnant triptyque « Diderot, Brecht, Eisenstein » : le « discours littéraire classique », alors opposé au Texte et à la musique, y est de nouveau violemment soupçonné par Barthes. Mais le critique y pointe aussi, peut-être sans le vouloir, la condition de l’existence de « ce discours littéraire classique » dans la durée, la condition même de sa transhistoricité – à savoir : le fonctionnement cathartique d’une telle littérature et la dynamique impliquant toujours le sujet lecteur-spectateur, entre mouvement d’identification et mouvement de distanciation.
- 1) Introduction
- 2) Barthes et le théâtre « classico-bourgeois » : un modèle d’ambivalence
- 3) À la recherche de la bonne distance : la représentation comme interprétation
- 4) Racine, hélas !
Cet article traite de l’ambivalence de Roland Barthes à l’égard du XVIIe siècle, des Classiques et du classicisme. La démonstration se concentre, plus particulièrement, sur ses comptes rendus de représentations théâtrales rédigés durant les années 1950. Premier laboratoire critique de Barthes, le recueil posthume des Écrits sur le théâtre permet de mieux circonscrire les usages des Classiques qu’il soutiendra ou critiquera par la suite. En effet, c’est en commentant les mises en scènes contemporaines des textes passés, c’est en confrontant les choix faits par Jean Vilar et Jean-Louis Barrault, que Barthes pose les fondements d’une posture critique originale, que l'on retrouvera dans ses lectures « concernées » – de Racine, de La Bruyère ou de La Rochefoucauld. Pour le metteur en scène ou pour les comédiens, comme pour le critique littéraire, il s’agit avant tout de chercher la « bonne distance » à adopter face au Classique adapté ou commenté.
[1]Antoine Compagnon, Les Antimodernes. De Joseph de Maistre à Roland Barthes, Éditions NRF Gallimard, « Bibliothèque des Idées », 2005 ; Philippe Roger, Roland Barthes, roman, éd. Grasset et Fasquelle, coll. Figures, 1986, et « Barthes post-classique », Revue d’Histoire littéraire de La France, 2007/2, vol. 107 (« Le Classicisme des modernes : représentations de l’âge classique au XXe siècle »), p. 273-291 ; Claude Coste, Roland Barthes, moraliste, Presses Universitaires du Septentrion, 1998, et « Roland Barthes ou la hantise du XVIIe siècle », Elseneur, n° 15-16 (« Postérités du Grand Siècle »), Presses universitaires de Caen, 2000, p. 379-394.
[2]C. Coste, « Roland Barthes ou la hantise du XVIIe siècle », op. cit., p. 380.
[3]P. Roger, « Barthes post-classique », op. cit., p. 278.
[4]Ibid., p. 279-280.
[5]Roland Barthes, Sur Racine [1963], OC II, p. 55.
[6]R. Barthes, « Plaisir aux Classiques » [1944], OC I, p. 58.
[7]R. Barthes, Le Degré zéro de l’écriture [1953], OC I, p. 200.
[8]Je me permets ici de renvoyer à la thèse que je rédige actuellement et qui accordera une grande place à ces deux questions : la dramaturgie historique de Barthes et la (dé)construction du sujet.
[9]J’emprunte cette expression à Hélène Merlin-Kajman qui l’a employée dans son article intitulé « Le corps classique des modernes » (RHLF, 2007/2, vol. 107, p. 293).
[10]R. Barthes, Écrits sur le théâtre, Seuil, 2002. Ce livre, conçu à la fin des années 1970, n’a été publié qu’en 2002 : le projet de publication avait été suspendu à la mort de Barthes.
[11]Voir notamment : Bernard Dort, « Le piège du théâtre », Critique, n° 423-424, août-septembre 1982, p. 687-703 ; Jean-Loup Rivière, « La déception théâtrale », dans Prétexte : Roland Barthes, colloque du Centre culturel de Cerisy-la-Salle, dir. A. Compagnon, coll. « 10-18 », Union générale d’éditions, 1978 ; P. Roger, « Barthes dans les années Marx », Communications, n° 63 (« Parcours de Barthes »), 1996, p. 39-61 ; Jean-Pierre Sarrazac, « Le retour au théâtre », Communications, n° 63, p. 11-23 ; et Sarah Vajda, « Au théâtre avec Roland Barthes », Communications, n° 63, p. 23-38.
[12]Il est vrai que ces commentaires ne vont guère dans le sens d’un polycarpisme antimoderne…
[13]R. Barthes, « Témoignage sur le théâtre » [1965], OC II, p. 711.
[14]R. Barthes, « Culture et tragédie » [1942], OC I, p. 29. Voir André Gide, « De l’importance du public » [1903], dans Essais critiques, éd. Pierre Masson, NRF, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1999, p. 424-433.
[15]R. Barthes, « Lettre au sujet du Groupe de théâtre antique » [1962], OC I, p. 25.
[16]J.-L. Rivière, « Préface » à Roland Barthes, Écrits sur le théâtre, op. cit., p. 7-9.
[17]On peut entendre Roland Barthes évoquer lui-même cette expérience sur le site de l’INA à l’adresse suivante : http://fresques.ina.fr/jalons/fiche-media/InaEdu05425/roland-barthes-theatre-populaire-et-brecht.html.
[18]B. Dort, « Un âge d’or ou : sur la mise en scène des classiques en France entre 1945 et 1960 », RHLF, novembre-décembre 1977, n° 6, p. 1002.
[19]R. Barthes, « Pour une définition du théâtre populaire » [1954], OC I, p. 515. On retrouve la démonstration de ce texte, presque terme à terme, dans « Le théâtre populaire aujourd’hui » ([1954], OC II, p. 529-533).
[20]Ibid., p. 515-516.
[21]Barthes n’a pas publié de compte rendu de cette pièce, mais il la cite à plusieurs reprises comme modèle de réussite dans la jeune histoire du TNP. C’est le cas notamment dans « Le Prince de Hombourg au TNP » ([1953], OC I, p. 248-249). Quelquefois la réussite de cette mise en scène du Cid sert de contrepoint à un échec, tel celui de Gérard Philipe coupable de « cabotinage » dans sa reprise du rôle principal de Richard II, auparavant tenu par Jean Vilar : « Parti d’un Cid authentiquement tragique parce qu’il chantait, au lieu d’analyser, Philipe semble parcourir au théâtre toutes les phases de l’embourgeoisement : son Lorenzaccio, déjà impur dans le texte, l’un des plus piteux que le romantisme ait produits, avait un certain air de mettre la vérité dans la réplique ; Richard II installe de bout en bout la nouvelle éthique : plaire à chaque mot. » (« Fin de Richard II » [1954], OC I, p. 471).
[22]Dans « Marivaux au TNP » ([1956], OC I, p. 638-639), Barthes loue autant la pièce de Marivaux elle-même, « pour ainsi dire sans marivaudage », que la mise en scène de Vilar.
[23]R. Barthes, « Témoignage sur le théâtre » [1965], OC II, p. 713.
[24]R. Barthes, « Le Prince de Hombourg au TNP » [1953], OC I, p. 249.
[25]R. Barthes, « Les maladies du costume de théâtre » [1955], OC II, p. 316-324.
[26]R. Barthes, « Éditorial » [1954], OC I, p. 459.
[27]Roland Barthes joue ici avec le titre d’une comédie de Labiche, Le Voyage de M. Perrichon, dont le personnage principal est devenu l’archétype du petit-bourgeois.
[28]R. Barthes, « Le Prince de Hombourg au TNP » [1953], OC I, p. 250. Voir aussi à ce sujet la condamnation que Barthes prononce contre le film de Sacha Guitry, Si Versailles m’était conté (« Versailles et ses comptes » [1954], OC I, p. 482-485).
[29]Ibid., p. 245.
[30]Ibid., p. 245-246.
[31]Ibid., p. 251.
[32]R. Barthes, « Folies-Bergère » [1953], OC I, p. 238.
[33]Ibid., p. 243.
[34]P. Roger, « Barthes post-classique », op. cit., p. 279.
[35]R. Barthes, « Le Prince de Hombourg au TNP » [1953], OC I, p. 248-249.
[36]R. Barthes, « Pouvoirs de la tragédie antique » [1953], OC I, p. 259-267. Voir également sur cette question de l’espace et du décor, l’article que Barthes a consacré à « La querelle du rideau » [1955], où « classique » et « bourgeois » – une fois n’est pas coutume – apparaissent clairement distingués : la fonction du rideau « sur la scène classique », signe affichant l’artifice, le procédé illusionniste, est opposée à son usage romantique, bourgeois, moderne ou réaliste, prétendument « naturel ».
[37]Barthes s’intéresse aussi beaucoup au travail d’un nouveau venu, Roger Planchon (voir « Un bon petit théâtre » [1954], OC I, p. 489-492 ; « Note sur Aujourd’hui » [1956], OC I, p. 646-649 ; « Aujourd’hui ou les Coréens » [1956], OC I, p. 666-667). Barthes commente l’arrivée du metteur en scène à la tête du Théâtre de la Cité ouvrière de Villeurbanne en 1957 (« Situation de Roger Planchon » [1958], OC I, p. 927-928). Il fait allusion au choix qu’a fait Planchon de monter Henri IV, mais n’en dit pas plus sur cette mise en scène et sur la façon dont elle s’est saisie du texte. Barthes ne commentera pas non plus la mise en scène de Georges Dandin (1958), et se montrera très critique à l’égard de l’adaptation des Trois Mousquetaires (« Les Trois Mousquetaires » [1959], OC I, p. 1014-1016).
[38]B. Dort, « La mise en scène des classiques entre 1945 et 1960 », op. cit., p. 1004.
[39]J’emprunte cette formule à Jean-Pierre Sarrazac, qui l’emploie dans « Le retour au théâtre » (op. cit., p. 12).
[40]R. Barthes, « Le Prince de Hombourg au TNP » [1953], OC I, p. 250.
[41]R. Barthes, « M. Perrichon à Moscou » [1954], OC I, p. 476.
[42]Outre les deux comptes rendus qu’il écrit de cette mise en scène (« Le silence de Dom Juan » [1954], OC I, p. 453-455, et « Dom Juan » [1954], OC I, p. 461-463), on peut se reporter à diverses allusions, toutes positives, dans « Pour une définition du théâtre populaire » ([1954], OC I, p. 516), « Éditorial » ([1954], OC I, p. 525), « Le théâtre populaire d’aujourd’hui » ([1954], OC I, p. 531).
[43]R. Barthes, « Le silence de don Juan » [1954], OC I, p. 454.
[44]R. Barthes, « Dom Juan » [1954], OC I, p. 463.
[45]R. Barthes, « Le silence de don Juan » [1954], OC I, p. 455.
[46]Ibid.
[47]R. Barthes, « Dom Juan » [1954], OC I, p. 461.
[48]Ibid.
[49]R. Barthes, « Le silence de don Juan » [1954], OC I, p. 454.
[50]R. Barthes, « Dom Juan » [1954], OC I, p. 461.
[51]Ibid.
[52]Pour un tableau rapide des mutations modernes de Dom Juan, voir l’article de David Whitton : « La mise en scène en France depuis 1960 : le cas Dom Juan », Cahiers de l’Association internationale des études françaises, vol. 46, 1994, p. 243-257.
[53]R. Barthes, « Dom Juan » [1954], OC I, p. 463.
[54]Ibid., p. 461.
[55]Ibid.
[56]R. Barthes, « Le silence de don Juan » [1954], OC I, p. 453.
[57]Ibid., p. 455.
[58]Ibid., p. 454. Je souligne.
[59]R. Barthes, « Dom Juan » [1954], OC I, p. 463.
[60]Charles Péguy, Clio, cité par Barthes dans « Le silence de don Juan » [1954], OC I, p. 453.
[61]R. Barthes, « Le silence de don Juan » [1954], OC I, p. 455.
[62]R. Barthes, « Le Mariage de Figaro » [1957], OC I, p. 885.
[63]R. Barthes, « Fin de Richard II » [1954], OC I, p. 471.
[64]R. Barthes, « Un bon petit théâtre » [1954], OC I, p. 489.
[65]R. Barthes, « Comment représenter l’antique » [1955], repris dans Essais critiques [1964], OC II, p. 332-333.
[66]Ibid., p. 333.
[67]R. Barthes, « Œdipe roi » [1955], OC I, p. 595.
[68]R Barthes, « Comment représenter l’antique » [1955], OC I, p. 333.
[69]Ibid., p. 339.
[70]Voir R. Barthes, « Pouvoirs de la tragédie antique » [1953], OC I, p. 259-267.
[71]R. Barthes, « L’Étourdi ou le nouveau contretemps » [1955], OC I, p. 629-631.
[72]R. Barthes, « Ruy Blas » [1954], OC I, p. 487.
[73]R. Barthes, « Comment représenter l’antique » [1955], OC II, p. 334-335. Quelques mois auparavant, dans « La vaccine de l’avant-garde » [1955], Barthes avait déjà qualifié cette Bérénice de « douteuse » (OC I, p. 563).
[74]Lors de sa parution dans Théâtre populaire, ce texte avait d’abord été intitulé « L’Orestie au théâtre Marigny ». Sa reprise dans les Essais critiques sous le titre « Comment représenter l’antique » indique sa valeur programmatique.
[75]R. Barthes, « Comment représenter l’antique » [1955], OC II, p. 337.
[76]Ibid., p. 338-339.
[77]R. Barthes, « Dire Racine » [1958], repris dans Sur Racine [1963], OC II, p. 174.
[78]À la question « Quel est votre poète ? », André Gide, en 1902, avait répondu : « Hugo – hélas ! »
[79]R. Barthes, « Pouvoirs de la tragédie antique » [1953], OC I, p. 267.
[80]R. Barthes, « Tragédie et hauteur » [1959], OC I, p. 974-975.
[81]R. Barthes, « Dire Racine » [1958], OC II, p. 171.
[82]Ibid., p. 174.
[83]Ibid., p. 173.
[84]Ibid., p. 174.
[85]Ibid.
[86]Ibid., p. 170. Pour une analyse plus complète de ce texte, je me permets une nouvelle fois de renvoyer à ma thèse en cours de rédaction. J’y montre notamment comment Barthes écrit son article sur le fond de querelles sur Racine antérieures à l’affaire Picard (la polémique de 1955 née d’un numéro des Cahiers Renaud-Barrault, et le débat qui, en 1956, a d’abord opposé Vilar à Barrault avant de se développer dans la revue d’Aragon, Les Lettres françaises).
[87]Ibid., p. 168.
[88]Ibid.
[89]Il n’est pas impossible de mettre en regard « la valeur de matériau » attribuée par Brecht aux Classiques et la distance, l’éloignement ou le vieillissement loués par Barthes chez Vilar et prônés comme posture critique. Ce point sera développé dans ma thèse.
[90]R. Barthes, « Témoignage sur le théâtre » [1965], OC II, p. 712.
[91]Ibid., p. 712-713.
[92]Ibid., p. 713.
Lise Forment Doctorante à l’Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3, ancienne élève de l’ENS (Lyon) et agrégée de Lettres modernes, Lise Forment termine une thèse sur la « lecture concernée » des Classiques chez Barthes, Gide et Valéry. Elle est membre du mouvement Transitions (www.mouvement-transitions.fr) et du comité éditorial de la Revue Roland Barthes.
Lise Forment, « Roland Barthes et l’actualité du théâtre « classique ». La transhistoricité de la littérature mise en spectacle », Revue Roland Barthes, nº 1, juin 2014 [en ligne]. URL : http://www.roland-barthes.org/article_forment.html [Site consulté le DATE].
1Antoine Compagnon, Les Antimodernes. De Joseph de Maistre à Roland Barthes, Éditions NRF Gallimard, « Bibliothèque des Idées », 2005 ; Philippe Roger, Roland Barthes, roman, éd. Grasset et Fasquelle, coll. Figures, 1986, et « Barthes post-classique », Revue d’Histoire littéraire de La France, 2007/2, vol. 107 (« Le Classicisme des modernes : représentations de l’âge classique au XXe siècle »), p. 273-291 ; Claude Coste, Roland Barthes, moraliste, Presses Universitaires du Septentrion, 1998, et « Roland Barthes ou la hantise du XVIIe siècle », Elseneur, n° 15-16 (« Postérités du Grand Siècle »), Presses universitaires de Caen, 2000, p. 379-394.
2C. Coste, « Roland Barthes ou la hantise du XVIIe siècle », op. cit., p. 380.
3P. Roger, « Barthes post-classique », op. cit., p. 278.
4Ibid., p. 279-280.
5Roland Barthes, Sur Racine [1963], OC II, p. 55.
6R. Barthes, « Plaisir aux Classiques » [1944], OC I, p. 58.
7R. Barthes, Le Degré zéro de l’écriture [1953], OC I, p. 200.
8Je me permets ici de renvoyer à la thèse que je rédige actuellement et qui accordera une grande place à ces deux questions : la dramaturgie historique de Barthes et la (dé)construction du sujet.
9J’emprunte cette expression à Hélène Merlin-Kajman qui l’a employée dans son article intitulé « Le corps classique des modernes » (RHLF, 2007/2, vol. 107, p. 293).
10R. Barthes, Écrits sur le théâtre, Seuil, 2002. Ce livre, conçu à la fin des années 1970, n’a été publié qu’en 2002 : le projet de publication avait été suspendu à la mort de Barthes.
11Voir notamment : Bernard Dort, « Le piège du théâtre », Critique, n° 423-424, août-septembre 1982, p. 687-703 ; Jean-Loup Rivière, « La déception théâtrale », dans Prétexte : Roland Barthes, colloque du Centre culturel de Cerisy-la-Salle, dir. A. Compagnon, coll. « 10-18 », Union générale d’éditions, 1978 ; P. Roger, « Barthes dans les années Marx », Communications, n° 63 (« Parcours de Barthes »), 1996, p. 39-61 ; Jean-Pierre Sarrazac, « Le retour au théâtre », Communications, n° 63, p. 11-23 ; et Sarah Vajda, « Au théâtre avec Roland Barthes », Communications, n° 63, p. 23-38.
12Il est vrai que ces commentaires ne vont guère dans le sens d’un polycarpisme antimoderne…
13R. Barthes, « Témoignage sur le théâtre » [1965], OC II, p. 711.
14R. Barthes, « Culture et tragédie » [1942], OC I, p. 29. Voir André Gide, « De l’importance du public » [1903], dans Essais critiques, éd. Pierre Masson, NRF, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1999, p. 424-433.
15R. Barthes, « Lettre au sujet du Groupe de théâtre antique » [1962], OC I, p. 25.
16J.-L. Rivière, « Préface » à Roland Barthes, Écrits sur le théâtre, op. cit., p. 7-9.
17On peut entendre Roland Barthes évoquer lui-même cette expérience sur le site de l’INA à l’adresse suivante : http://fresques.ina.fr/jalons/fiche-media/InaEdu05425/roland-barthes-theatre-populaire-et-brecht.html.
18B. Dort, « Un âge d’or ou : sur la mise en scène des classiques en France entre 1945 et 1960 », RHLF, novembre-décembre 1977, n° 6, p. 1002.
19R. Barthes, « Pour une définition du théâtre populaire » [1954], OC I, p. 515. On retrouve la démonstration de ce texte, presque terme à terme, dans « Le théâtre populaire aujourd’hui » ([1954], OC II, p. 529-533).
20Ibid., p. 515-516.
21Barthes n’a pas publié de compte rendu de cette pièce, mais il la cite à plusieurs reprises comme modèle de réussite dans la jeune histoire du TNP. C’est le cas notamment dans « Le Prince de Hombourg au TNP » ([1953], OC I, p. 248-249). Quelquefois la réussite de cette mise en scène du Cid sert de contrepoint à un échec, tel celui de Gérard Philipe coupable de « cabotinage » dans sa reprise du rôle principal de Richard II, auparavant tenu par Jean Vilar : « Parti d’un Cid authentiquement tragique parce qu’il chantait, au lieu d’analyser, Philipe semble parcourir au théâtre toutes les phases de l’embourgeoisement : son Lorenzaccio, déjà impur dans le texte, l’un des plus piteux que le romantisme ait produits, avait un certain air de mettre la vérité dans la réplique ; Richard II installe de bout en bout la nouvelle éthique : plaire à chaque mot. » (« Fin de Richard II » [1954], OC I, p. 471).
22Dans « Marivaux au TNP » ([1956], OC I, p. 638-639), Barthes loue autant la pièce de Marivaux elle-même, « pour ainsi dire sans marivaudage », que la mise en scène de Vilar.
23R. Barthes, « Témoignage sur le théâtre » [1965], OC II, p. 713.
24R. Barthes, « Le Prince de Hombourg au TNP » [1953], OC I, p. 249.
25R. Barthes, « Les maladies du costume de théâtre » [1955], OC II, p. 316-324.
26R. Barthes, « Éditorial » [1954], OC I, p. 459.
27Roland Barthes joue ici avec le titre d’une comédie de Labiche, Le Voyage de M. Perrichon, dont le personnage principal est devenu l’archétype du petit-bourgeois.
28R. Barthes, « Le Prince de Hombourg au TNP » [1953], OC I, p. 250. Voir aussi à ce sujet la condamnation que Barthes prononce contre le film de Sacha Guitry, Si Versailles m’était conté (« Versailles et ses comptes » [1954], OC I, p. 482-485).
29Ibid., p. 245.
30Ibid., p. 245-246.
31Ibid., p. 251.
32R. Barthes, « Folies-Bergère » [1953], OC I, p. 238.
33Ibid., p. 243.
34P. Roger, « Barthes post-classique », op. cit., p. 279.
35R. Barthes, « Le Prince de Hombourg au TNP » [1953], OC I, p. 248-249.
36R. Barthes, « Pouvoirs de la tragédie antique » [1953], OC I, p. 259-267. Voir également sur cette question de l’espace et du décor, l’article que Barthes a consacré à « La querelle du rideau » [1955], où « classique » et « bourgeois » – une fois n’est pas coutume – apparaissent clairement distingués : la fonction du rideau « sur la scène classique », signe affichant l’artifice, le procédé illusionniste, est opposée à son usage romantique, bourgeois, moderne ou réaliste, prétendument « naturel ».
37Barthes s’intéresse aussi beaucoup au travail d’un nouveau venu, Roger Planchon (voir « Un bon petit théâtre » [1954], OC I, p. 489-492 ; « Note sur Aujourd’hui » [1956], OC I, p. 646-649 ; « Aujourd’hui ou les Coréens » [1956], OC I, p. 666-667). Barthes commente l’arrivée du metteur en scène à la tête du Théâtre de la Cité ouvrière de Villeurbanne en 1957 (« Situation de Roger Planchon » [1958], OC I, p. 927-928). Il fait allusion au choix qu’a fait Planchon de monter Henri IV, mais n’en dit pas plus sur cette mise en scène et sur la façon dont elle s’est saisie du texte. Barthes ne commentera pas non plus la mise en scène de Georges Dandin (1958), et se montrera très critique à l’égard de l’adaptation des Trois Mousquetaires (« Les Trois Mousquetaires » [1959], OC I, p. 1014-1016).
38B. Dort, « La mise en scène des classiques entre 1945 et 1960 », op. cit., p. 1004.
39J’emprunte cette formule à Jean-Pierre Sarrazac, qui l’emploie dans « Le retour au théâtre » (op. cit., p. 12).
40R. Barthes, « Le Prince de Hombourg au TNP » [1953], OC I, p. 250.
41R. Barthes, « M. Perrichon à Moscou » [1954], OC I, p. 476.
42Outre les deux comptes rendus qu’il écrit de cette mise en scène (« Le silence de Dom Juan » [1954], OC I, p. 453-455, et « Dom Juan » [1954], OC I, p. 461-463), on peut se reporter à diverses allusions, toutes positives, dans « Pour une définition du théâtre populaire » ([1954], OC I, p. 516), « Éditorial » ([1954], OC I, p. 525), « Le théâtre populaire d’aujourd’hui » ([1954], OC I, p. 531).
43R. Barthes, « Le silence de don Juan » [1954], OC I, p. 454.
44R. Barthes, « Dom Juan » [1954], OC I, p. 463.
45R. Barthes, « Le silence de don Juan » [1954], OC I, p. 455.
46Ibid.
47R. Barthes, « Dom Juan » [1954], OC I, p. 461.
48Ibid.
49R. Barthes, « Le silence de don Juan » [1954], OC I, p. 454.
50R. Barthes, « Dom Juan » [1954], OC I, p. 461.
51Ibid.
52Pour un tableau rapide des mutations modernes de Dom Juan, voir l’article de David Whitton : « La mise en scène en France depuis 1960 : le cas Dom Juan », Cahiers de l’Association internationale des études françaises, vol. 46, 1994, p. 243-257.
53R. Barthes, « Dom Juan » [1954], OC I, p. 463.
54Ibid., p. 461.
55Ibid.
56R. Barthes, « Le silence de don Juan » [1954], OC I, p. 453.
57Ibid., p. 455.
58Ibid., p. 454. Je souligne.
59R. Barthes, « Dom Juan » [1954], OC I, p. 463.
60Charles Péguy, Clio, cité par Barthes dans « Le silence de don Juan » [1954], OC I, p. 453.
61R. Barthes, « Le silence de don Juan » [1954], OC I, p. 455.
62R. Barthes, « Le Mariage de Figaro » [1957], OC I, p. 885.
63R. Barthes, « Fin de Richard II » [1954], OC I, p. 471.
64R. Barthes, « Un bon petit théâtre » [1954], OC I, p. 489.
65R. Barthes, « Comment représenter l’antique » [1955], repris dans Essais critiques [1964], OC II, p. 332-333.
66Ibid., p. 333.
67R. Barthes, « Œdipe roi » [1955], OC I, p. 595.
68R Barthes, « Comment représenter l’antique » [1955], OC I, p. 333.
69Ibid., p. 339.
70Voir R. Barthes, « Pouvoirs de la tragédie antique » [1953], OC I, p. 259-267.
71R. Barthes, « L’Étourdi ou le nouveau contretemps » [1955], OC I, p. 629-631.
72R. Barthes, « Ruy Blas » [1954], OC I, p. 487.
73R. Barthes, « Comment représenter l’antique » [1955], OC II, p. 334-335. Quelques mois auparavant, dans « La vaccine de l’avant-garde » [1955], Barthes avait déjà qualifié cette Bérénice de « douteuse » (OC I, p. 563).
74Lors de sa parution dans Théâtre populaire, ce texte avait d’abord été intitulé « L’Orestie au théâtre Marigny ». Sa reprise dans les Essais critiques sous le titre « Comment représenter l’antique » indique sa valeur programmatique.
75R. Barthes, « Comment représenter l’antique » [1955], OC II, p. 337.
76Ibid., p. 338-339.
77R. Barthes, « Dire Racine » [1958], repris dans Sur Racine [1963], OC II, p. 174.
78À la question « Quel est votre poète ? », André Gide, en 1902, avait répondu : « Hugo – hélas ! »
79R. Barthes, « Pouvoirs de la tragédie antique » [1953], OC I, p. 267.
80R. Barthes, « Tragédie et hauteur » [1959], OC I, p. 974-975.
81R. Barthes, « Dire Racine » [1958], OC II, p. 171.
82Ibid., p. 174.
83Ibid., p. 173.
84Ibid., p. 174.
85Ibid.
86Ibid., p. 170. Pour une analyse plus complète de ce texte, je me permets une nouvelle fois de renvoyer à ma thèse en cours de rédaction. J’y montre notamment comment Barthes écrit son article sur le fond de querelles sur Racine antérieures à l’affaire Picard (la polémique de 1955 née d’un numéro des Cahiers Renaud-Barrault, et le débat qui, en 1956, a d’abord opposé Vilar à Barrault avant de se développer dans la revue d’Aragon, Les Lettres françaises).
87Ibid., p. 168.
88Ibid.
89Il n’est pas impossible de mettre en regard « la valeur de matériau » attribuée par Brecht aux Classiques et la distance, l’éloignement ou le vieillissement loués par Barthes chez Vilar et prônés comme posture critique. Ce point sera développé dans ma thèse.
90R. Barthes, « Témoignage sur le théâtre » [1965], OC II, p. 712.
91Ibid., p. 712-713.
92Ibid., p. 713.