Revue

Roland

Barthes





n°3 - Barthes en revues (1942-1980) > mars 2017




Khalid Lyamlahy

Le premier Barthes en revue : sur les traces des années Existences




Introduction : Les échos du sanatorium


À en croire Antoine Compagnon, « il n’y a pas un jeune Barthes et un second Barthes, un Barthes du système et un Barthes du plaisir […] : il y a autant de Barthes que d’objets sur lesquels il s’est essayé[1] ». Barthes est multiple, mobile, traversant les périodes et les influences avec cette même faculté à se réinventer et à renouveler les outils de sa recherche. Pour tenter de saisir l’expérience barthésienne, il faudrait non seulement replonger dans l’histoire de l’homme qui a marqué le paysage critique et littéraire du siècle dernier et dont les échos continuent à revenir, mais il faudrait aussi et surtout explorer ces « objets sur lesquels il s’est essayé ». Aux origines de l’histoire vécue et des objets d’étude, il y a la période fondatrice qui s’étend de 1942 à 1946, et pendant laquelle le jeune Roland Barthes doit affronter l’expérience de la maladie et vivre principalement dans « l’espace paradoxal des sanatoriums, enfermé dans l’air pur, isolé en communauté[2] ».

Entre janvier 1942 et février 1945, Barthes séjourne au sanatorium des étudiants de Saint-Hilaire-du-Touvet, près de Grenoble. Comme le note Tiphaine Samoyault dans sa biographie, la matière de cette période est « déterminante pour la pensée et l’écriture, pour l’élaboration des méthodes qui seront les siennes par la suite[3] ». À l’expérience personnelle et sociale imposée par l’environnement particulier du sanatorium vient se rajouter l’expérience de l’écriture et de la publication puisque les premiers textes de Roland Barthes paraissent précisément durant cette période. Ainsi, après un premier article, « Culture et tragédie », publié au printemps 1942 dans les Cahiers de l’étudiant, sept articles paraissent pour la première fois entre juillet 1942 et avril 1945 dans Existences, la revue des étudiants du sanatorium[4] : « Notes sur André Gide et son Journal » dans le numéro 27 de juillet 1942, « Les Anges du péché » dans le numéro 30 d’août 1943, « A propos du numéro spécial de Confluences sur les problèmes du roman » dans le numéro 31 de décembre 1943, « Plaisir aux Classiques » dans le numéro 32 d’avril 1944, « En Grèce » et « Réflexion sur le style de L’Etranger » dans le numéro 33 de juillet 1944 et « Concerts de musique de chambre par trois étudiants de Belledonne » dans le numéro 34 d’avril 1945.

Replonger dans ces premiers textes permet non seulement de restituer la parole première de Roland Barthes mais de s’engager dans une quête de signes entre l’histoire personnelle et la production critique ultérieure. Comme l’annonce Tiphaine Samoyault, l’étude de ces premiers textes est « passionnante tant pour les échos qu’ils font résonner avec la vie […] que pour ceux qui projettent l’œuvre à venir[5] ». Au milieu de ce jeu d’échos et de signes, le défi critique consiste à redonner à ces textes leur juste valeur dans l’itinéraire barthésien et contribuer à faire retentir la voix lointaine mais omniprésente du premier Barthes. Il s’agit ici d’aborder les textes des années Existences à partir de la perspective de l’écriture et du style barthésiens, de reconstruire la voix du premier Barthes en dessinant les contours de sa fabrique poétique où le développement d’une pensée critique se nourrit du plaisir de lecture et d’écriture.



Avant l’écriture, le silence


Dans sa présentation du premier volume des Œuvres Complètes de Roland Barthes, couvrant la période 1942-1961 et intégrant les huit premiers articles susmentionnés, Eric Marty renvoie le lecteur à la reconstitution barthésienne de sa propre production écrite, telle que présentée dans Roland Barthes par Roland Barthes. Ainsi, dans un fragment intitulé « Phases[6] », Barthes répartit ses œuvres en quatre groupes, organisés dans un tableau suivant les deux indices de « l’intertexte » et du « genre ». L’intertexte correspond à des figures marquantes dans le parcours de Barthes, telles que Brecht (groupe 1), Saussure (groupe 2), Lacan (groupe 3) ou encore Nietzsche (groupe 4). Le genre renvoie à la catégorie des écrits, allant de la « mythologie sociale » (groupe 1) à la « moralité » (groupe 4), en passant par la « sémiologie » (groupe 2) et la « textualité » (groupe 3).

Dans ce tableau, et comme l’observe Eric Marty, Barthes « avait eu ce soin, où l’ironie se doublait d’une sorte de métaphysique légère, de distinguer pour les débuts une ligne antérieure à toute production écrite[7] ». Dans cette ligne d’avant l’écriture, qui ne mentionne aucune œuvre, Roland Barthes choisit pour intertexte la figure d’André Gide et pour genre ce qu’il appelle « l’envie d’écrire ». En introduisant « une antériorité – case blanche – à la production matérielle des textes[8] », Roland Barthes situe ses premiers écrits dans un domaine extérieur à l’espace de la production littéraire, leur offrant ainsi une situation particulière dans l’itinéraire de son œuvre. À la fois porteurs de cette « envie d’écrire » et antérieurs à l’écriture proprement dite, les textes des débuts barthésiens peuvent se lire comme « les traces du silence antérieur[9] » qui précède, annonce, nourrit et éclaire l’œuvre à venir. Ce topos du silence comme source ou moteur de l’écriture est d’autant plus pertinent qu’il renvoie de façon parallèle à la cure de silence prescrite à Barthes comme partie intégrante de son traitement au sanatorium.

Le lien fondateur entre les écrits des débuts et l’œuvre qui les suit est conforté par l’importance des articles de revue dans la structuration de la production littéraire barthésienne. Commentant la répartition proposée dans son propre tableau, Roland Barthes note : « entre les périodes, évidemment, il y a des chevauchements, des retours, des affinités, des survies ; ce sont en général les articles (de revue) qui assurent ce rôle conjonctif[10] ». Les articles parus dans la revue Existences n’échappent pas à cette règle puisqu’ils permettent précisément de réaliser une forme de conjonction entre le silence d’avant l’écriture et les voix de l’écriture à venir, entre le désir d’écrire du premier Barthes et l’écriture du désir à l’œuvre dans sa production ultérieure. Cependant, et au-delà de leur rapport à la postérité, les articles parus dans la revue Existences s’imposent également comme « des objets isolés, épars, tout à la fois beaux et velléitaires […][11] », forçant le lecteur à les considérer en tant qu’unités textuelles indépendantes, fragments d’une écriture certes naissante, mais déjà affirmée dans la richesse, la structuration et le développement de son mouvement.



Esthétique des glissements barthésiens


Une première lecture des titres des articles publiés dans la revue Existences ainsi que le premier article paru dans Les Cahiers de l’étudiant appelle d’emblée quelques observations liminaires. Tout d’abord, il convient de noter la diversité thématique des articles. Le jeune Barthes, âgé de moins de vingt-sept ans quand il commence à publier dans la revue Existences, écrit bien entendu sur la littérature (« Notes sur André Gide et son Journal » ; « Plaisir aux Classiques » ; « Réflexion sur le style de L’Etranger ») mais également sur la tragédie (« Culture et tragédie »), la critique littéraire (« A propos du numéro spécial de Confluences sur les problèmes du roman »), le cinéma (« Les Anges du péché »), la musique (« Concerts de musique de chambre par trois étudiants de Belledonne ») et le voyage (« En Grèce »). En somme, le lecteur retrouve ici quelques-uns des axes et des rapprochements fondateurs de la production barthésienne à venir : la réflexion sur le roman côtoie déjà l’analyse de l’écriture personnelle ou autobiographique, la critique de la littérature moderne fait écho à la lecture de la tragédie et des Classiques alors que l’intérêt pour les arts visuel et musical suit l’ouverture sur un ailleurs géographique et symbolique, visité puis retranscrit dans le texte. Mais cette diversité thématique est aussi et surtout une diversité du sujet et de la pensée barthésiennes. Dès ses premiers écrits, Barthes se présente donc comme un critique éclectique, « un penseur glissant[12] » comme le qualifiera plus tard Robbe-Grillet, en somme un homme qui voit dans l’activité littéraire et intellectuelle un espace libre, foisonnant et ouvert sur les différentes formes de la création.

Ensuite, il est intéressant d’observer le lexique utilisé par Barthes dans les titres de ses articles. Là encore, de nouveaux échos semblent s’offrir au lecteur : « Notes », « Plaisir », « Classiques », « problèmes du roman », « tragédie » et « culture » sont tous des termes ou des concepts qui renvoient à la composition de l’univers barthésien. Ils seront non seulement au cœur de sa production critique ultérieure mais ils annoncent déjà quelques titres à venir : l’espace de la « tragédie » est réinvesti dès Sur Racine (1963), la notion fondatrice du « plaisir » est consacrée dans Le Plaisir du texte (1973) alors que l’art des « notes » est associé respectivement à la photographie dans La Chambre claire (1982) et aux « problèmes du roman » dans La Préparation du roman, titre des cours donnés au Collège de France entre 1978 et 1980. Ainsi, au glissement thématique du sujet Barthes correspond un glissement temporel de ses objets d’étude, initié dès les années Existences. Relus à la lumière de l’œuvre à venir, les premiers articles de Barthes semblent constituer ce point inaugural qui non seulement donne forme au désir d’écriture mais pose également les pierres fondatrices d’une pensée qui sera déclinée, enrichie et revisitée dans les écrits ultérieurs. Ainsi, « l’exposition positive d’un itinéraire[13] » qui se lit dans le tableau du Roland Barthes par Roland Barthes semble se construire précisément à partir de ces premiers articles qui fournissent à la fois un point de départ temporel et un ensemble de signes annonciateurs de l’espace et de la dynamique de l’écriture à venir.

Enfin, cette esthétique du glissement barthésien se lit également dans l’ancrage temporel des sujets traités et dans la composition des premiers écrits. En effet, si ces premières publications s’étalent sur une période de trois ans (1942-1945), leurs contenus « glissent » entre l’ancien et le contemporain, entre le classique et le moderne, entre l’espace immédiat du sanatorium et le vaste domaine de l’actualité littéraire, invitant le lecteur à un va-et-vient permanent et révélant chez le jeune Barthes un ancrage temporel défini par la mobilité de la pensée. Ainsi, le premier article, « Culture et tragédie », paru dans Les Cahiers de l’étudiant au printemps 1942, commence par interroger le développement de la tragédie dans « les époques tragiques : Ve siècle athénien, siècle élisabéthain, XVIIe siècle français[14] ». De même, l’article intitulé « Plaisir aux Classiques » se veut ancré dans l’héritage littéraire du Classicisme, qu’il cherche précisément à défendre et réactiver. À l’inverse, les autres articles s’attaquent à des publications ou des événements littéraires plus contemporains. Ainsi, l’article consacré au Journal de Gide s’intéresse donc à une œuvre qui s’étale entre la fin du dix-neuvième et le début du vingtième siècle, et se présente comme le résultat d’une lecture et d’une prise de notes « passionn[ées][15] », menées par Barthes en 1942, peu après son arrivée au sanatorium. De même, l’article « En Grèce » est la retranscription des notes prises lors du voyage en Grèce « dont il avait tant rêvé[16] » et qu’il effectue au courant de l’été 1938 avec le Groupe de théâtre antique de la Sorbonne, alors que l’article consacré à L’Etranger (1942) de Camus est le résultat d’une « lecture déterminante[17] » menée en 1944. Aussi, son article à propos du numéro spécial de la revue Confluences (numéro 21-24 de juillet-août 1943), consacré aux problèmes du roman, est une réaction quasi immédiate sur une publication d’actualité. Enfin, les deux autres articles, consacrés respectivement au film de Robert Bresson, Les Anges du péché[18], « sorti le 23 juin 1943 et aussitôt projeté à Saint-Hilaire[19] », et aux « deux concerts de musique de chambre[20] » donnés en septembre 1944 par des camarades de Barthes à Saint-Hilaire, rendent compte de deux activités organisées dans le cadre du sanatorium. Ainsi, l’ancrage temporel des sujets traités dans ces premières publications est une donnée elle-même « glissante », puisque le jeune Barthes s’attache à écrire aussi bien l’héritage littéraire du passé que l’expérience culturelle du présent. Qu’il s’agisse de l’actualité littéraire de son époque ou de l’activité culturelle quotidienne au sanatorium, Barthes montre déjà cette capacité à transformer le présent en objet d’écriture et de réflexion, puis de l’interroger et de l’étudier à la lumière d’une lecture concomitante du passé, incarné par les deux symboles puissants de la tragédie et des Classiques.

L’autre volet de ce glissement interne qui opère dans le groupe de ces premiers écrits se lit dans la structure et la composition des articles. Là encore, force est de constater que la forme des articles refuse d’obéir à une quelconque règle fixe de composition. A l’inverse, la forme d’écriture barthésienne glisse entre le court essai structuré (cas du premier article sur la culture et la tragédie), le compte rendu bref, présenté en un bloc (cas des articles sur le numéro de Confluences, le film de Bresson et les concerts de musique de chambre), l’assemblage de fragments libres plus ou moins organisés (cas des articles sur le Journal de Gide, L’Etranger de Camus et le voyage en Grèce) et la version hybride, « insolite dans sa composition[21] » qui associe le court essai aux fragments choisis (cas de l’article sur les Classiques). Dans ce glissement formel qui traverse les huit publications de la période 1942-1945, il y a déjà un avant-goût de la conception barthésienne de l’écriture. Le penchant évident pour le fragment et la forme brève, la variation et la combinaison des structures, la liberté de la composition comme seule règle d’écriture : Barthes esquisse là quelques-uns des fondements de sa pratique de l’écriture, qu’il ne cessera de décliner et de commenter dans la suite de son œuvre.



Le premier Barthes écrivain


En dépassant cette esthétique des glissements qui suggère d’emblée une certaine forme d’unité dans les premiers écrits et conforte leur situation inaugurale dans l’itinéraire de l’œuvre barthésienne, le lecteur est en droit de s’interroger sur les éventuels points communs qui caractérisent les huit articles publiés entre 1942 et 1945. Loin de la tentation d’une quelconque classification réductrice, il est intéressant d’étudier deux éléments fondateurs qui marquent ces premières publications : le travail de l’écriture et le souci du style.

La fabrique de l’écriture

Pour Eric Marty, « ce qui distingue, sans doute, Barthes de ses compagnons, c’est que son œuvre, quoique constamment traversée par la “théorie”, est caractérisée par des réponses où l’écriture a la plus belle part[22] ». Cette mise en avant de l’écriture est un trait marquant dans la composition des premiers articles. Lire le premier Barthes revient également à explorer cette fabrique de l’écriture dans le texte critique et à en étudier la présence dans les réponses et les réflexions barthésiennes.

Tout d’abord, force est de constater que le jeune Barthes est concerné aussi bien par ses sujets d’écriture que par l’acte de l’écriture lui-même. En effet, les articles intègrent souvent des réflexions métatextuelles qui interrogent l’écriture ou pensent l’organisation de l’écrit. Ainsi, dans l’article sur Gide et son Journal, Barthes commence par une réflexion sur la composition de l’article lui-même : « Retenu par la crainte d’enclore Gide dans un système dont je savais ne pouvoir être jamais satisfait, je cherchais en vain quel lien donner à ces notes. Réflexion faite, il vaut mieux les donner telles quelles, et ne pas chercher à masquer leur discontinu[23] ». Crainte, risque d’insatisfaction, recherche de liens, réflexion, choix : Barthes donne ici une vision intérieure de l’écriture. En partageant avec le lecteur ces interrogations et ces réflexions d’avant l’écriture, il transforme l’espace de l’écriture en un lieu de pensée, de débat et de décision. Comme le note judicieusement Eric Marty, « privilégier l’écriture est, d’une certaine manière, la meilleure façon de penser : l’écriture, c’est la décision, c’est la responsabilité sans cesse réactivée de choisir une position qui soit aussi un acte […][24] ». Cette vision de l’écriture comme la responsabilité de choisir une position trouve un écho dans « Plaisir aux Classiques » où Barthes s’arrête de nouveau pour assumer puis expliquer son choix d’inclure des citations à la suite de l’article : « Rien n’est plus contraire à l’honnêteté que l’habitude des citations et anthologies, mais rien ne dit qu’il faille toujours être honnête […]. On les donne sans ordre, sans explication. […] Ce sont des amorces. L’important, c’est qu’elles promettent[25] ». Ici, le choix de la position d’écriture devient aussi bien une affirmation de la liberté de l’auteur qu’un appel fervent à la libération de l’espace littéraire. Le désir d’écriture identifié par Eric Marty dans sa préface se trouve ici complété par la stimulation d’un désir de lecture tourné vers les Classiques. Les citations choisies par Barthes ne sont pas que des fragments épars, prélevés dans des œuvres littéraires de référence ; elles sont aussi les « amorces » d’un mouvement vers ces œuvres, les « promesses » d’une réappropriation de cet héritage littéraire réactivé dans le texte. L’acte de l’écriture devient un appel à la lecture et à l’investigation littéraire puisque Barthes conclut son article en invitant son lecteur à « chercher la trace[26] » du plaisir dans les œuvres des Classiques.

Dans ces premières publications, l’écriture de Barthes est aussi un modèle de structuration de la pensée. Si « pour Barthes, l’impossible, c’est de penser dans le vide, à partir de rien[27] », l’organisation de la pensée barthésienne se reflète jusque dans l’espace de l’écriture. Dans une première catégorie d’articles, Barthes prend le soin d’introduire son sujet ou de poser de façon explicite la problématique qui préside à sa réflexion, puis enchaîne en déroulant sa pensée suivant un schéma structuré et construit. Ainsi, dans « Culture et tragédie », il développe sa pensée à partir d’une interrogation fondatrice : « Que se passait-il donc à ces époques, dans ces pays, pour que la tragédie y fût possible, facile même ?[28] ». Dans la suite de l’article, il prend le soin notamment de « définir la culture[29] », montrer comment « la tragédie s’oppose au drame[30] », dégager « la leçon[31] » des tragédies théâtrales et conclure en projetant ses réflexions dans le contexte de l’époque contemporaine. Dans l’article consacré au film de Bresson, Barthes commence par fournir un résumé de l’intrigue puis enchaîne en étudiant la construction du décor, le jeu des acteurs et l’analyse de l’argument du film à travers le scénario et le dialogue. Dans l’article consacré au numéro de Confluences, la critique initiale qui s’attaque à la taille et à la composition de la publication laisse très vite place à une synthèse des problèmes du roman, accompagnée d’une véritable reconstruction de la revue autour des articles jugés utiles, avant que Barthes ne choisisse de conclure en cherchant « des circonstances atténuantes[32] » pour la revue puis en renouvelant son attaque critique. Dans « Plaisir aux Classiques », Barthes passe d’une réflexion autour des sources de motivation pour la lecture des classiques à une présentation des enseignements de cette littérature et un démontage méthodique des lieux communs et des rumeurs qui l’entourent. Enfin, dans l’article consacré aux concerts de musique de chambre donnés à Saint-Hilaire, la présentation des musiciens et du contexte de leur performance laisse place à un développement en deux temps autour de la prise d’initiative musicale et le travail de préparation qui la précède. 

Dans une deuxième catégorie d’articles, la structuration de l’écrit se fait par le truchement des titres de sections et de paragraphes. Ainsi, l’article autour de Gide et son Journal intègre trois titres majeurs (« Le Journal », « Das Schaudern » et « L’œuvre d’art ») et plusieurs sous-titres qui renvoient à des caractéristiques identifiées chez Gide, telles que « Fidélité » et « Contradictions », ou des axes de lecture de son œuvre, tels que « Onomastique des personnages de Gide », « Sciences naturelles » ou encore « Coquetterie de l’uniforme ». Néanmoins, cette structuration apparente est loin d’être rigide puisqu’elle tolère les retours et les répétitions, comme le prouve le traitement des romans gidiens, repris dans plusieurs fragments : « Romans. (Les Caves, Les Faux-Monnayeurs) », « Les Faux-Monnayeurs » et « Romans de Gide ». Sur ce même modèle, l’article consacré à L’Etranger de Camus est composé de cinq fragments qui vont d’une réflexion générale sur la beauté du texte à une caractérisation spécifique du style camusien, en passant par des analyses intermédiaires des rapports entre le style et d’autres notions, telles que la structure, le plaisir, le genre ou encore le temps. Soucieux de l’organisation de son discours, Barthes marque un arrêt au début de l’avant-dernier fragment pour proposer un bilan intermédiaire : « Résumons-nous[33] ». Enfin, si l’article autour du voyage en Grèce ne semble pas reprendre l’itinéraire exact du voyage[34], il n’en demeure pas moins doté d’une certaine logique organisationnelle puisqu’il s’ouvre sur une réflexion générale sur les îles grecques et alterne des fragments qui renvoient aussi bien aux îles visitées qu’à des sujets particuliers, tels que les musées, les statues, la nourriture ou encore les fleurs. Cette structure n’est pas sans rappeler celle de L’Empire des signes dont la définition liminaire de l’espace japonais ouvre la voie aux lectures thématiques et à la quête du sens. Pour Barthes, la structuration de l’écrit non seulement relève d’une visée didactique évidente quoique surprenante chez un jeune auteur, mais indique également une certaine obsession du rythme. Qu’il s’agisse de fragments libres ou d’ensembles plus ou moins structurés, les premiers articles de la revue Existences sont habités par l’idée de la composition qui donne au texte son ton et son identité.

La « chose » du premier Barthes

Dans Le Degré zéro de l’écriture, Barthes définit le style comme « un langage autarcique qui ne plonge que dans la mythologie personnelle et secrète de l’auteur […][35] », ajoutant qu’« il est la “chose” de l’écrivain, sa splendeur et sa prison, il est sa solitude[36] ». Ce rapport entre le style et la personnalité secrète de l’auteur semble prendre tout son sens dans le contexte particulier du sanatorium. À Saint-Hilaire, le jeune Barthes doit certes affronter les épreuves de la maladie, de l’éloignement et de l’« unité perdue[37] » avec sa mère, mais il bénéficie également d’« une certaine convivialité[38] » qui règne dans le centre ainsi que de l’apport décisif des activités culturelles et de « deux expériences principales : l’amitié et la lecture[39] ». Ici, il est sans doute pertinent de suggérer un parallèle entre la dualité de l’expérience du sanatorium et l’émergence du style barthésien dans les premiers articles en tant que combinaison d’une création purement personnelle et d’un réseau d’influences nées des rencontres et des lectures effectuées au centre. Si « la conscience intentionnelle du style est tournée, solitaire, vers la littérature et le corps de l’écrivain[40] », force est de constater que, dans l’environnement décalé du sanatorium, la littérature devient un objet d’investigation alors que le corps de l’écrivain est engagé dans une reconstruction physiologique et morale du moi. Ainsi, dans les articles de la revue Existences, l’effort stylistique et la construction rhétorique peuvent précisément se lire à la lumière de cet éveil de la conscience barthésienne, stimulée à la fois par le contact avec l’objet-littérature et la réinvention de soi. Dans ces premiers textes, trois figures récurrentes permettent de rendre compte du travail du style : la maxime, la définition et la métaphore.

Dans Roland Barthes par Roland Barthes, l’auteur explique son attachement à la maxime en ces termes : « […] j’écris des maximes […] pour me rassurer : lorsqu’un trouble survient, je l’atténue en m’en remettant à une fixité qui me dépasse : « au fond, c’est toujours comme ça » : et la maxime est née. La maxime est une sorte de phrase-nom, et nommer, c’est apaiser[41] ». Faudrait-il voir une corrélation entre le recours aux maximes ou le « ton d’aphorisme[42] » qui domine les articles de la revue Existences et la condition du jeune Barthes qui chercherait à « se rassurer » dans ses premiers écrits et « atténuer » les troubles de l’expérience particulière du sanatorium ? Toute réponse fermée à cette interrogation serait sans doute expéditive et réductrice, non seulement car Barthes continuera à pratiquer ce style d’écriture en d’autres circonstances, mais aussi car ce ton d’aphorisme est présent dès le premier article, « Culture et tragédie », publié avant l’époque du sanatorium. En effet, dans cet article où Barthes « oppose la tragédie, marque des époques et des lieux qui font communier le style de la vie et celui de l’art […] au drame qui est la représentation d’une souffrance présente, historique[43] », on peut lire par exemple : « La tragédie n’est pas tributaire de la vie ; c’est le sentiment tragique de la vie qui est tributaire de la tragédie[44] » ou encore « Le drame se subit, mais la tragédie se mérite, comme tout ce qui est grand[45] ». Ici, l’opposition entre la tragédie et le drame ouvre la voie à un travail en profondeur du style ; la réversion dans le premier extrait et l’antithèse conclusive dans le second permettent aussi bien de créer cet effet de surprise inhérent au texte barthésien que d’énoncer des enseignements gnomiques à valeur didactique. Dans les articles de la revue Existences, ce ton aphoristique et didactique est employé dans des situations discursives et des objectifs variés. Ainsi, l’article intitulé « Plaisir aux Classiques » s’ouvre sur une sentence sans appel : « Ceux qui ne lisent que les Classiques et ceux qui ne les lisent pas du tout ont l’esprit également fermé[46] ». Ici, le ton péremptoire de l’énoncé permet à la fois d’interpeller le lecteur et d’installer le décor dans lequel Barthes pourra développer sa réflexion. Un peu plus loin dans l’article, le ton aphoristique est associé à l’injonction : « Il faut toujours se méfier des grands hommes qui méprisent le bien écrire[47] ». Dans l’article consacré à L’Etranger de Camus, Barthes utilise de nouveau le ressort aphoristique pour introduire sa pensée : « On peut douter de tout sauf des mots, dont on a besoin pour douter[48] ». Ici, l’effet de surprise se double d’un appel à la critique réflexive : la structure cyclique de l’énoncé interpelle le lecteur et l’invite à interroger son rapport au langage et aux mots. Enfin, il arrive que le ton aphoristique de l’énoncé soit utilisé dans une visée poétique, comme c’est le cas avec l’ouverture magistrale de l’article consacré à la Grèce : « En Grèce, il y a tant d’îles qu’on ne sait si chacune est le centre ou le bord d’un archipel[49] ». Ici, la fascination du voyageur Barthes face à la multiplicité irréductible de la géographie grecque suggère une représentation ouverte de l’espace : la Grèce échappe au domaine du savoir (« on ne sait si […] ») et reste dans l’espace du mythe. Déjà « écrivain de style[50] », le jeune Barthes, lecteur de Vauvenargues et de Chamfort[51] et plus tard de La Rochefoucauld[52], s’approprie l’outil de la maxime pour encadrer sa pensée et donner forme à la construction de ses réflexions. Comme dirait Doubrovsky, « son idéologie met le sens en mouvement perpétuel, mais son style l’arrête[53] ». Loin de remettre en cause la liberté barthésienne, cet arrêt participe à définir le rythme du texte et instaure une forme de dialogue avec le lecteur. Nourri de la rhétorique classique, dont Barthes voit « les investigations multiformes et ordonnées […] vers la maxime […] comme une tentative essentielle de l’esprit pour […] enchaîner les objets et les hommes rétifs à la parole[54] », le style barthésien réactive le rapport au langage et reconnecte le lecteur au monde.

Dans le prolongement de cette tendance aphoristique qui semble indissociable de l’écriture fragmentaire, il convient également de relever la récurrence des définitions dans le discours barthésien. Selon Doubrovsky, « il y aurait lieu d’étudier, chez Barthes, la rhétorique de la définition (attribution des essences)[55] ». Dans les articles de la revue Existences, cette rhétorique semble déjà à l’œuvre, inscrite dans la construction même du discours barthésien. Ainsi, dans l’article consacré à Gide, elle prend cette forme laconique que Barthes développera dans ses écrits ultérieurs, notamment ses cours au Collège de France : « L’œuvre : Gide tel qu’il devrait (voudrait) être. Le Journal : Gide tel qu’il est, ou plus exactement : tel que l’ont fait Edouard, Michel et Lafcadio […][56] ». Le même article se referme sur une proposition de définition qui élève Gide au rang des grands auteurs classiques : « Obliger à penser tout seul, voilà une définition possible de la culture classique ; dès lors elle n’est plus le monopole d’un siècle, mais de tous les esprits droits, qu’ils s’appellent Racine, Stendhal, Baudelaire ou Gide[57] ». Dans « Plaisir aux Classiques », Barthes s’emploie à caractériser l’expérience de la lecture des Classiques et propose la définition suivante : « Fréquenter les classiques, c’est donc prendre une continuelle leçon de décence, et, si l’on veut, de silence ; c’est se faire fort[58] ». Dans le compte rendu des concerts de musique de chambre, c’est une autre définition, cette fois-ci à structure restrictive, qui introduit la lecture barthésienne : « Une civilisation n’est belle que dans la mesure où il y a une circulation naturelle entre les œuvres de ses grands hommes et la vie intime de ses individus et de ses foyers[59] ». Enfin, dans « En Grèce », la veine poétique des notes de voyage atteint son paroxysme dans la redéfinition finale de l’île de Délos : « […] Délos est l’heure méridienne de la plus méridienne des terres ; c’est le suc, l’esprit, l’alcool, le feu d’un monde[60] ». Pour ce jeune Barthes à l’écoute du monde littéraire et sensoriel, la rhétorique de la définition participe d’une tentative d’appropriation des objets. La récurrence des énoncés en « c’est » et « ne…que » donne à lire l’image d’un auteur qui cherche à réécrire le monde non pas en réduisant sa complexité mais plutôt en élaborant un cheminement progressif de la pensée, à coups d’esquisses et de caractérisations successives.

Enfin, la métaphore est l’autre figure qui mérite un arrêt sur le texte barthésien. À en croire Claude Coste, « si une figure devait synthétiser la rhétorique et donc la pensée de Barthes, ce serait à coup sûr la métaphore, cette figure capable de nous transporter en dehors de nous-mêmes sans nous obliger à cesser d’être soi[61] ». Chez Barthes, l’usage de la métaphore est amorcé dès le premier article, « Culture et tragédie », où l’auteur prélève une image du théâtre grec et la met au service d’un appel à l’élévation culturelle et artistique : « Sur les scènes grecques, les acteurs portaient des cothurnes qui les surélevaient au-dessus de la taille humaine. Pour que nous ayons le droit de voir la tragédie dans le monde, il faut aussi que ce monde chausse cothurnes et s’élève un peu plus haut que la médiocre coutume[62] ». Ici, le choix de la métaphore est loin d’être fortuit puisque le théâtre grec est précisément l’un des espaces où la tragédie peut se réaliser et pousser l’homme, « ce demi-dieu[63] », à contempler la souffrance de son âme afin de retrouver en elle « [son] essence dernière, et, avec elle, la pleine possession de [son] destin d’homme[64] ». Dans l’article sur Gide et son Journal, le recours à la métaphore permet notamment de matérialiser l’espace littéraire gidien. Pour Barthes, si « l’œuvre de Gide constitue sa profondeur ; […] son Journal, c’est sa superficie[65] » : l’étendue des réflexions et des lectures qui composent ce dernier suffit à démontrer « combien vaste est la superficie de Gide[66] ». Dans la foulée, Barthes a de nouveau recours à la métaphore pour expliquer la pérennité de l’œuvre, en suggérant que « si les grands classiques sont éternels, c’est parce qu’ils se modifient encore. Le fleuve est plus durable que le marbre[67] ». Enfin, en réponse aux critiques qui hésitent à attaquer Gide sur son paganisme ou son protestantisme, Barthes les compare à « l’âne de Buridan, entre l’eau et le chardon ; or c’est à son indécision que le chardon doit de continuer à croître et l’eau à couler[68] ». Dans l’article consacré au film de Bresson, le résumé de l’intrigue s’appuie sur l’outil synthétique de la métaphore, notamment lorsque Barthes évoque l’arrivée de Jany Holt au couvent : « C’est le loup dans la bergerie, et c’est Belzébuth pour cet ange parfait qu’est Renée Faure[69] ». En dialogue avec le cadre religieux du film, la métaphore du diable est déclinée dans la suite de l’article en « Belzébuth-animal[70] » et « Belzébuth-femelle[71] ». En plus de la métaphore, Barthes utilise l’outil de la comparaison pour établir un parallèle entre le décor matériel et les thématiques du film, soutenant que le spectateur est conduit dans un espace « où l’intimité du couvent est chaude comme la bure […] ; où l’orgueil et la pénitence éclatent comme la chaux des murs ; et où la tendresse et la spiritualité sont pareilles aux grands circuits aériens de la lumière[72] ». Dans l’article consacré au numéro de Confluences, la puissance évocatrice de la clausule se nourrit d’une nouvelle métaphore littéraire qui frôle l’ironie : « En voyant cinquante et sept auteurs donner chacun son avis sur le Roman sans consulter son voisin, il me semble assister à la dispute de cinquante et sept médecins autour d’un malade de Molière[73] ». Pour Barthes, le roman est « un faux moribond[74] » qui ne livrera ses secrets qu’à ceux qui le pratiquent ou acceptent de l’aimer dans le silence de la lecture et de l’enchantement. Comme le relève Tiphaine Samoyault, le recours de Barthes à la référence médicale « appartient […] à l’univers qui est le sien[75] », celui de la maladie et du traitement, alors que la métaphore du « faux moribond » dit également son « rapport compliqué à lui-même ; le tuberculeux [étant] bien souvent lui aussi un faux moribond[76] ». Dans « Plaisir aux Classiques », Barthes présente la littérature classique comme « un échiquier où l’on voit toujours des coups nouveaux[77] » et voit dans les œuvres classiques, jugées ennuyeuses par le public, « une sorte de poison utile ; amer ou succulent, son effet dépend de sa dose et de la constitution de qui l’absorbe[78] ». Mais c’est surtout en lisant dans la rhétorique des Classiques « une tentative essentielle de l’esprit pour renouveler le mythe d’Orphée et enchaîner les objets et les hommes rétifs à la parole[79] » que Barthes introduit une référence décisive pour ses écrits ultérieurs. En effet, le mythe d’Orphée revient dès Le Degré zéro de l’écriture où Barthes définit la langue de l’écrivain comme « le lieu géométrique de tout ce qu’il ne pourrait pas dire sans perdre, tel Orphée se retournant […][76] » et compare le langage mallarméen à « Orphée qui ne peut sauver ce qu’il aime qu’en y renonçant, et qui se retourne tout de même un peu[81] ». Il réinvestit ce mythe fondateur dans ses Essais Critiques en suggérant que « la littérature, c’est Orphée remontant des enfers ; tant qu’elle va devant soi, […] le réel qui est derrière elle […] se dirige vers la clarté d’un sens ; mais sitôt qu’elle se retourne sur ce qu’elle aime, il ne reste plus entre ses mains qu’un […] sens mort[82] ». Après la littérature, Barthes reprend le mythe des années plus tard quand il évoque le photographe : « Et surtout, imitant Orphée, qu’il ne se retourne pas sur ce qu’il conduit et me donne ![83] ». Plus qu’une métaphore, le mythe d’Orphée est l’écho de ce mouvement inévitable de retour et de reprise, à l’œuvre dans les textes et l’écriture de Barthes. Enfin, dans l’article consacré à L’Etranger de Camus, le dialogue entre le fond et la forme du texte est approché à travers la métaphore d’« une eau marine ; sa couleur vient du reflet de son fond sur sa surface, et c’est là qu’il faut se promener, et non dans le ciel ou dans les abîmes[84] ». Plus loin, le style est « la crête difficile où l’homme absurde doit se maintenir entre les idées infinies et les mots inconsistants[85] ». Au cœur de ces premiers textes barthésiens, la métaphore « par la puissance de l’indirect fait exister ce qui sans elle n’accéderait pas à l’expression[86] » : elle est la voix du jeune Barthes cherchant dans la puissance d’évocation de l’image et du mythe une alternative au langage, elle est l’autre voix du texte qui fait glisser la réflexion critique dans l’espace de l’imaginaire.

Le plaisir dans le texte

La poétique du style barthésien n’est pas seulement fonctionnelle ; elle est également source de plaisir, une notion qui revient à maintes reprises dans la série de ces premiers écrits. Comme signalé précédemment, le quatrième article publié dans la revue Existences porte le titre significatif de « Plaisir aux Classiques » alors que l’un des fragments qui constituent l’article sur Camus est intitulé « Le plaisir du style ».

Au-delà de ces références évidentes, le plaisir traverse et infuse la majorité des textes. Ainsi, dans l’article consacré à Gide, Barthes considère que la sincérité de certaines phrases du Journal « compte moins qu’autre chose, qui est le plaisir qu’on prend à les lire[87] ». L’authenticité du projet autobiographique qui sous-tend le Journal gidien importe moins que le plaisir offert par l’expérience de la lecture. Si on est bien évidemment loin de la formalisation d’« un espace de la jouissance[88] » et de la distinction nette entre les textes de plaisir et ceux de la jouissance telles que développées dans Le Plaisir du texte, on pourrait néanmoins noter que Barthes fait déjà du plaisir une donnée commune aux expériences respectives du lecteur et de l’auteur. En clair, le plaisir de l’un n’est pas totalement étranger à celui de l’autre. Dans sa lecture de Gide, Barthes évoque d’abord « le plaisir esthétique qu’il prend à faire miroiter lentement les infimes changements de sa nature […][89] » puis « le plaisir organique qu’il prend à s’imaginer dans d’autres peaux que la sienne[90] ». Reflets fictifs et fruits du désir qui anime leur auteur, les personnages gidiens « sont nés du plaisir supérieur à imaginer des histoires où l’on s’introduit soi-même […][91] ». Avec Gide, le plaisir n’est ni une donnée abstraite ni une expérience détachée mais plutôt une chaîne littéraire, un lien nécessaire amorcé par l’auteur, reflété dans le personnage et vécu par le lecteur.

Dans « Plaisir aux Classiques », Barthes voit dans la lecture des classiques « un plaisir supplémentaire à triompher et à s’enivrer de ce dont la plupart s’ennuient[92] ». Le texte classique est déjà ce texte de plaisir qui « contente, emplit, donne de l’euphorie[93] » : une euphorie certes ancrée dans la culture mais déjà animée d’un mouvement de transcendance et de dépassement, signe d’une élévation nécessaire au-dessus de la médiocrité ambiante. Mais la lecture des classiques est aussi l’occasion de mener une réflexion parallèle à celles des auteurs, « c’est goûter le plaisir de n’être plus singulier en restant soi-même ; c’est être soi et c’est être homme[94] ». En d’autres termes, le plaisir du texte classique n’est pas un effacement du sujet moderne mais plutôt son enrichissement nécessaire au contact d’« hommes intelligents[95] » : le plaisir des Classiques préserve et enrichit, sécurise et renforce le sujet. Bien plus tard, dans un entretien de 1975, Barthes confirme cette lecture en proclamant : « Le plaisir est lié à une consistance du moi, du sujet […] – et pour moi, c’est tout le domaine, par exemple, de la lecture des classiques[96]  ». La brièveté des Classiques est un autre argument décisif : la valeur du texte ne peut résider dans des longueurs copieuses et inutiles. A l’inverse, « il faut aller à l’essentiel ; ce n’est pas question de morale, c’est question de plaisir, et il n’en est pas de plus grand qu’une discipline fructueuse[97] ». Déjà école de la pensée, du langage et de la rhétorique, les Classiques deviennent avec Barthes une école du plaisir. Néanmoins, ce plaisir est résolument personnel, tourné vers le lecteur et intimement lié à ses attentes et ses désirs. Barthes en est parfaitement conscient quand il précise, en préambule aux citations qu’il choisit d’annexer à son article : « […] celui qui les propose est sans doute le seul lieu géométrique du plaisir et de l’intérêt que chacune contient[98] ».

Dans l’article consacré à Camus, le plaisir est traité dans son rapport au style. Là encore, la continuité de la pensée barthésienne est évidente puisque pour Barthes, « le plaisir du style, même dans les œuvres d’avant-garde, ne s’obtiendra jamais que par fidélité à certaines préoccupations classiques qui sont l’harmonie, la correction, la simplicité, la beauté, etc., bref les éléments séculaires du goût[99] ». Le pari réussi de Camus est précisément d’avoir su respecter et intégrer ces éléments malgré la veine absurde de son livre qui peut sembler en contradiction avec le projet de plaire au public. Face à ce paradoxe, toute la réflexion barthésienne devient une remontée vers les origines du plaisir ; lecteur de Camus, le jeune Barthes s’interroge : « D’où vient donc notre plaisir ?[100] ». Les trois explications avancées permettent de mettre en exergue l’originalité de L’Etranger. Grâce à un style « indiscrètement attentif[101] » qui a « la sorte de tendresse familière des choses quotidiennes[102] » tout en s’autorisant « l’irrationnel[103] » des images, Camus préserve le tempo du livre et fait de son roman une grande œuvre. Là encore, plaisir et brièveté sont indissociables : « Trois phrases du début suffisent à nous prendre ; notre plaisir est assuré[104] ».

Dans les autres textes, le plaisir prend une dimension quasi sensorielle. Ainsi, dans l’article consacré au film de Bresson, le plaisir de l’image, nourri par le travail pertinent du décor et le jeu juste des acteurs, se trouve enrichi d’un plaisir sonore décisif ; pour Barthes, « écouter ce film est un grand plaisir de l’esprit et du cœur[105] » car le dialogue des acteurs devient précisément un dialogue avec l’âme du spectateur, entraînée dans un mouvement équilibré et mesuré. Il y a ici un écho fascinant avec une consigne que se donne Robert Bresson dans ses Notes sur le cinématographe : « Du choc et de l’enchaînement des images et des sons doit naître une harmonie de rapports[106] ». Pour Barthes, c’est bien cette harmonie des rapports sensoriels qui déclenche et nourrit le plaisir du film de Bresson. Des années plus tard, il poussera l’évocation du plaisir que peut offrir le cinéma jusqu’aux notions de « la sidération filmique, l’hypnose cinématographique[107] », et ira jusqu’à considérer que la salle de cinéma est le lieu urbain où s’exerce une forme d’« érotisme diffus[108] ».

Dans le compte rendu des concerts de musique de chambre, Barthes, qui dispose au sanatorium « de plusieurs pianos pour s’exercer, dont celui réservé aux concerts[109] », commence sa réflexion en soulignant les plaisirs inégalés offerts par la pratique de la musique : « Ceux qui ne jouent pas d’un instrument peuvent sentir la grandeur de la musique ; ils n’en connaîtront jamais les plaisirs, plaisirs si ardents qu’on leur sacrifie en général presque tous les autres[110] ». La musique, qui occupera au fil des années une place importante dans sa vie, est déjà le symbole de ce plaisir suprême et hautement symbolique. Des années plus tard, on retrouve de nouveau sa distinction entre l’interprétation et l’écoute de la musique, suggérant deux expériences incomparables : « Il y a deux musiques […], celle que l’on écoute, celle que l’on joue. Ces deux musiques sont deux arts entièrement différents […][111] ». Au sanatorium, le plaisir de la musique fait écho à celui de l’écriture : il s’agit là de deux espaces où le jeune Barthes s’exerce, pratique et apprend à connaître le plaisir de la performance et de la création. Enfin, dans les notes du voyage en Grèce, le plaisir semble se lire dans « le cadre d’une aventure[112] » qui met Barthes au contact d’expériences sensorielles originales : « l’art de raser avec douceur[113] » pratiqué par le coiffeur grec, « le parfum d’exotisme[114] » que la nuit ramène sur le front de mer à Phalère, les statues du musée de l’Acropole qui « font rêver[115] », cet « air de vénusté[116] » émanant du visage d’un jeune berger à Egine ou encore « les noces de la terre et de l’eau, nulle part plus somptueuses[117] » qu’à Délos. Etrange et surnaturel, le plaisir du voyage en Grèce est un plaisir de l’ailleurs, nourri de cette « nécessité de la distance[118] » qui stimule, dépayse mais surtout engage Barthes dans la quête des signes et des sensations. Comme plus tard avec le Japon, « le savoir n’est pas seul à autoriser l’écriture : plus décisive, l’expérience a l’autorité, dans le mouvement qui porte l’émotion vers son objet[119] ». Le plaisir sensoriel et émotif des notes de voyages en Grèce est nourri par l’expérience du déplacement et du contact instructif avec l’ailleurs géographique. Là encore, le plaisir de l’expérience se traduit dans la pratique de l’écriture, concentrée dans ces notes brèves et fragmentaires qui deviendront la marque de l’écriture barthésienne.



Conclusion : Le grain de la première voix


À l’issue de la traversée rapide de ces premiers textes, on est en droit de s’interroger : que reste-t-il de l’écriture du premier Barthes ? Dans un entretien de 1970, Barthes voyait dans la postérité un concept qui « est véritablement à la lettre inconcevable[120] ». Pour Tiphaine Samoyault, « ce qui ne meurt pas, de Roland Barthes, c’est sa voix[121] ». Longtemps omise ou sous-estimée, la voix barthésienne des années Existences ne peut pas s’éteindre sous le prétexte d’un manque de maturité intellectuelle ou de profondeur critique. L’étude de l’écriture barthésienne dans ces premiers textes a démontré l’inverse. De l’écriture personnelle aux problèmes du roman, du pouvoir de l’image cinématographique aux vertus de la musique libératrice, du plaisir intact des Classiques à l’invention de la littérature moderne, de l’exercice de la critique à l’expérience du voyage, quelques-uns des centres d’intérêt barthésiens sont déjà présents. L’écriture de Barthes, cette voix des années du sanatorium, est certes hésitante dans sa naissance au monde, mais déterminée dans le choix de ses outils et structurée dans l’élaboration de son discours. La rhétorique barthésienne, celle des aphorismes et des définitions, est omniprésente, façonnant le texte et interpellant le lecteur. De son côté, la métaphore chère à Roland Barthes, celle qui se nourrit du pouvoir des images et de la sirène des influences littéraires, est déjà une pièce maîtresse dans la construction du discours et la transmission des analyses. Enfin, les textes de la revue Existences donnent à lire les prémices du plaisir du texte, point de rencontre fondamental où se croisent les chemins respectifs de l’écriture, de la lecture et de la critique littéraire.

La voix des années Existences préfigure non seulement les thèmes à venir mais également les contours de la fabrique poétique de Roland Barthes. Dans les années Existences, le style barthésien des débuts est déjà la « chose » de l’écrivain en devenir mais aussi le reflet de la dualité du sanatorium, cet espace complexe fait de solitude et de rencontres, de douleurs et d’instruction, de déchirement et de reconstruction. L’émergence du style barthésien est le fruit de la rencontre décisive entre une expérience personnelle fondatrice et un réseau liminaire d’influences et d’échos culturels. Au sanatorium, le jeune Barthes tente d’échapper à la cure de silence en s’adonnant à l’exercice de la parole critique. Ce glissement du silence d’avant l’écriture au langage de l’écriture annonce tous les glissements barthésiens à venir. En somme, la mobilité intellectuelle et critique de Roland Barthes puise ses origines et sa détermination dans l’expérience des années Existences. Avec les premiers articles publiés à l’époque du sanatorium, Barthes fait du désir d’écriture le moteur de l’œuvre à venir. En 1979, pour la conclusion de ses cours au Collège de France, il proclame : « Je crois profondément, c’est-à-dire obstinément, c’est-à-dire encore, depuis que j’écris et plus que jamais : ce Désir qui doit être déposé dans le Livre = désir de langage – un certain désir du langage[122] ». Face au silence du sanatorium, le grain de la première voix barthésienne tente de transformer ce désir de langage en désir d’écriture, c’est-à-dire en désir d’œuvre.

Plan



Résumé

Entre 1942 et 1945, Roland Barthes, atteint de tuberculose, séjourne au sanatorium des étudiants de Saint-Hilaire-du-Touvet, près de Grenoble, et y mène une activité sociale et culturelle foisonnante. C’est durant cette période qu’il publie ses premiers textes dans Existences, la revue des étudiants du sanatorium. Cet article propose de replonger dans ces premiers textes afin d’en étudier à la fois le contenu, la structure et l’écriture. Plus qu’une simple restitution de cette parole première, il s’agit de repérer quelques échos avec l’œuvre ultérieure et redonner à ces textes leur juste valeur dans l’itinéraire singulier de Roland Barthes.


Bibliographie

[1]Antoine Compagnon, « Lequel est le vrai ? », in Roland Barthes, Le Magazine littéraire, Collection Nouveaux regards, 2013, p. 9-14, p. 11.

[2]Tiphaine Samoyault, Roland Barthes, Editions du Seuil, 2015, p. 166.


[3]Ibid., p. 177.


[4]Comme signalé par Tiphaine Samoyault dans sa biographie (note n°1 p.195), la revue a été entièrement numérisée par le Conservatoire des mémoires étudiantes et les numéros sont consultables via ce lien : http://www.cme-u.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=164&Itemid=5.


[5]Tiphaine Samoyault, op. cit., p. 199.


[6]Roland Barthes, Roland Barthes par Roland Barthes, Editions du Seuil, Collection Points Essais, 2010, p. 174-175.


[7]Eric Marty, « Présentation », in Roland Barthes, Œuvres complètes I – Livres, textes, entretiens 1942-1961, Editions du Seuil, 2002, p. 15.


[8]Ibid., p. 16.


[9]Idem.


[10]Roland Barthes, Roland Barthes par Roland Barthes, Editions du Seuil, Collection Points Essais, 2010, p. 175.


[11]Eric Marty, op. cit., p. 15.


[12]Alain Robbe-Grillet, « Le parti de Roland Barthes » (1981), in Pourquoi j’aime Barthes, Christian Bourgeois Editeur, 2009, p. 53-59, p. 53.


[13]Eric Marty, op. cit., p. 15-16.


[14]Roland Barthes, Œuvres Complètes I [« Culture et tragédie », 1942], op. cit., p. 29.


[15]Voir le témoignage d’André Lepeuple, son compagnon de chambre à Saint-Hilaire dans : « Chambre 18. Témoignage », in Revue des sciences humaines, n°268, 4/2002, p. 143-150, p. 147, cité par Tiphaine Samoyault dans Roland Barthes, op. cit., p. 193.


[16]Tiphaine Samoyault, Roland Barthes, Editions du Seuil, 2015, p. 158.


[17]Tiphaine Samoyault, Ibid., p. 194.


[18]Pour en savoir plus sur ce film et l’accueil qu’il a reçu à sa sortie, lire « Les Anges du péché (fiche filmographique) », La Revue de cinéma, n°16, 1959, p. 27-29 disponible ici : http://id.erudit.org/iderudit/52197ac ; ainsi que le recueil d’articles (avec notamment un article élogieux de Sacha Guitry) disponible sur le site de Gallica ici : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10510474j/f1.image.


[19]Tiphaine Samoyault, op. cit., p. 196.


[20]Roland Barthes, Œuvres Complètes I [« Concerts de musique de chambre par trois étudiants de Belledonne », 1945], op. cit., p. 83.


[21]Philippe Roger, Roland Barthes, roman, Editions Grasset, 1986, p. 335.


[22]Eric Marty, Roland Barthes, le métier d’écrire, Editions du Seuil, 2006, p. 9.


[23]Roland Barthes, Œuvres Complètes I [« Notes sur André Gide et son Journal », 1942], op. cit., p. 33.


[24]Eric Marty, Roland Barthes, le métier d’écrire, op. cit., p. 10.


[25]Roland Barthes, Œuvres Complètes I [« Plaisir aux Classiques », 1944], op. cit., p. 63.


[26]Ibid., p. 67.


[27]Eric Marty, « Présentation », in Roland Barthes, Œuvres complètes I, op. cit., p. 24.


[28]Roland Barthes, Œuvres Complètes I, op. cit., p. 29.


[29]Idem.


[30]Ibid., p. 30.


[31]Ibid., p. 31.


[32]Roland Barthes, Œuvres Complètes I [« A propos du numéro de Confluences autour des problèmes du roman », 1943], op. cit., p. 53.


[33]Roland Barthes, Œuvres Complètes I [« Réflexion sur le style de L’Etranger », 1944], op. cit., p. 78.


[34]Dans sa biographie de Roland Barthes, Tiphaine Samoyault note que l’itinéraire du voyage conduit Barthes et son groupe « d’Athènes à Mycènes, en passant par les îles, Santorin, Délos, Egine. » (p. 158). Or, si on exclut les fragments traitant de sujets particuliers, les notes sont présentées dans l’ordre suivant : Athènes, Salamine, Egine, Mycènes, Santorin, Délos.


[35]Roland Barthes, Le Degré zéro de l’écriture suivi de Nouveaux essais critiques, Editions du Seuil, Collections Points, 1972, p. 16.


[36] Idem.


[37]Tiphaine Samoyault, op. cit., p. 185.


[38]Idem.


[39]Ibid., p. 187.


[40]Claude Coste, Roland Barthes moraliste, Presses Universitaires du Septentrion, 1998, p. 39.


[41]Roland Barthes, Roland Barthes par Roland Barthes, Edition du Seuil, Collection Points, 2010, p. 215.


[42] Ibid., p. 214.


[43]Tiphaine Samoyault, op. cit., p. 195-196.


[44]Roland Barthes, Œuvres Complètes I, op. cit., p. 30.


[45]Ibid., p. 32.


[46]Ibid., p. 57.


[47]Ibid., p. 61.


[48]Ibid., p. 75.


[49]Roland Barthes, Œuvres Complètes I [« En Grèce », 1944], op. cit., p. 68.

[50]Serge Doubrovsky, Parcours critique II (1959-1991), Texte établi par Isabelle Grell, Presses Universitaires de Grenoble, ELLUG, 2006, p. 77.


[51]Sur les vingt quatre citations annexées à l’article « Plaisir aux Classiques », trois sont de Vauvenargues et deux de Chamfort.


[52]Voir la préface de Roland Barthes à La Rochefoucauld, Réflexions ou Sentences et maximes, Club français du livre, 1961. Reprise dans : Roland Barthes, Le Degré zéro de l’écriture, suivi de Nouveaux essais critiques, Editions du Seuil, Collection, 1972, p. 71-88.


[53]Serge Doubrovsky, op. cit., p. 78.


[54]Roland Barthes, Œuvres Complètes I, op. cit., p. 61.


[55]Serge Doubrovsky, op. cit., p. 77.


[56]Roland Barthes, Œuvres Complètes I, op. cit., p. 42.


[57]Ibid., p. 46.


[58]Ibid., p. 57.


[59]Ibid., p. 83.


[60]Ibid., p. 74.


[61]Claude Coste, op. cit., p. 283.


[62]Roland Barthes, Œuvres Complètes I, op. cit., p. 32.


[63]Ibid., p. 31.


[64]Ibid., p. 32.


[65]Ibid., p. 35.


[66]Idem.


[67]Idem.


[68]Ibid., p. 39.


[69]Roland Barthes, Œuvres Complètes I [« Les Anges du péché », 1943], op. cit., p. 49.


[70]Idem.


[71]Idem.


[72]Ibid., p. 50.


[73]Ibid., p. 53.


[74]Idem.

[75]Tiphaine Samoyault, op. cit., p. 196.


[76]Ibid., p. 197.


[77]Roland Barthes, Œuvres Complètes I, op. cit., p. 60.


[78]Ibid., p. 62.


[79]Ibid., p. 61.


[80]Roland Barthes, Le Degré zéro de l’écriture, Editions du Seuil, Collection Points Essais, 1972, p. 16.


[81]Ibid., p. 59.


[82]Roland Barthes, Essais critiques, Editions du Seuil, Collection Points Essais, 1981, p. 274.


[83]Roland Barthes, La Chambre claire : Note sur la photographie, Editions Gallimard / Seuil, Cahiers du cinéma, p. 80.


[84]Roland Barthes, Œuvres Complètes I, op. cit., p. 75.


[85]Ibid., p. 78.


[86]Claude Coste, op. cit., p. 283.


[87]Roland Barthes, Œuvres Complètes I, op. cit., p. 34.


[88]Roland Barthes, Le Plaisir du texte, Editions du Seuil, Collection Points Essais, 1973, p. 10.


[89]Roland Barthes, Œuvres Complètes I, op. cit., p. 38.


[90]Ibid., p. 42.


[91]Ibid., p. 43.


[92]Ibid., p. 57.


[93]Ibid., p. 22.


[94]Ibid., p. 59.


[95]Idem.


[96]Roland Barthes, « Vingt mots-clés pour Roland Barthes », in Le Grain de la voix, Entretiens 1962-1980, Editions du Seuil, Collection Points Essais, p. 221-250, p. 222.


[97]Roland Barthes, Œuvres Complètes I, op. cit., p. 62.


[98]Ibid., p. 63.


[99]Ibid., p. 75.


[100]Ibid., p. 76.


[101]Idem.


[102]Ibid., p. 77.


[103]Idem.


[104]Ibid., p. 76.


[105]Ibid., p. 51.


[106]Robert Bresson, Notes sur le cinématographe, Editions Gallimard, Collection Folio Essais, 2006, p. 102.


[107]Roland Barthes, « En sortant du cinéma », in Le Bruissement de la langue, Editions du Seuil, Collection Points Essais, p. 407-412, p. 410.


[108]Ibid., p. 408.


[109]Tiphaine Samoyault, op. cit., p. 192.


[110]Roland Barthes, Œuvres Complètes I, op. cit., p. 83.


[111]Roland Barthes, « Musica Practica », in L’Obvie et l’obtus, Editions du Seuil, p. 231-235, p. 231.


[112]Roland Barthes, Œuvres Complètes I, op. cit., p. 69.


[113]Ibid., p. 68.


[114]Ibid., p. 69.


[115]Idem.


[116]Ibid., p. 73.


[117]Idem.


[118]Edgar Morin, « Le retrouvé et le perdu », in Roland Barthes, Communications, n°8, Editions du Seuil, 1982, p. 3-6, p. 3.


[119]Maurice Pinguet, « Le texte Japon », in Roland Barthes, Revue Critique n°423-424, Editions de Minuit, 1982, p. 758-766, p. 758.


[120]Roland Barthes, « Comment ma parole pourrait aller au-delà de mon écriture ? », propos recueillis par Jean-José Marchand, retranscrits par Dominique Rabourdin, in Roland Barthes, Le Magazine Littéraire, op. cit., p. 139-147, p. 145.


[121]Tiphaine Samoyault, op. cit., p. 31.


[122]Roland Barthes, La Préparation du roman I et II. Cours et séminaires au Collège de France (1978-1979 et 1979-1980), Paris, Editions du Seuil, 2003, p. 382.



Auteur

Khalid Lyamlahy est doctorant à l'Université d'Oxford où il prépare actuellement une thèse autour de la littérature marocaine francophone (Abdellatif Laâbi, Abdelkebir Khatibi et Mohamed Khaïr-Eddine). Diplômé en Littérature comparée de l'Université Paris 3 – Sorbonne nouvelle et ancien ingénieur de l'École des Mines d'Alès, il s'intéresse au roman français et francophone du XXème siècle, aux différentes formes de l'écriture de soi ainsi qu'aux questions relatives à la théorie littéraire.

Pour citer cet article

Khalid Lyamlahy , « Le premier Barthes en revue : sur les traces des années Existences », in Jacqueline Guittard & Magali Nachtergael (dir.), Revue Roland Barthes, nº 3, mars 2017 [en ligne]. URL : http://www.roland-barthes.org/article_lyamlahy_2.html [Site consulté le DATE].


1Antoine Compagnon, « Lequel est le vrai ? », in Roland Barthes, Le Magazine littéraire, Collection Nouveaux regards, 2013, p. 9-14, p. 11.

2Tiphaine Samoyault, Roland Barthes, Editions du Seuil, 2015, p. 166.

3Ibid., p. 177.

4Comme signalé par Tiphaine Samoyault dans sa biographie (note n°1 p.195), la revue a été entièrement numérisée par le Conservatoire des mémoires étudiantes et les numéros sont consultables via ce lien : http://www.cme-u.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=164&Itemid=5.

5Tiphaine Samoyault, op. cit., p. 199.

6Roland Barthes, Roland Barthes par Roland Barthes, Editions du Seuil, Collection Points Essais, 2010, p. 174-175.

7Eric Marty, « Présentation », in Roland Barthes, Œuvres complètes I – Livres, textes, entretiens 1942-1961, Editions du Seuil, 2002, p. 15.

8Ibid., p. 16.

9Idem.

10Roland Barthes, Roland Barthes par Roland Barthes, Editions du Seuil, Collection Points Essais, 2010, p. 175.

11Eric Marty, op. cit., p. 15.

12Alain Robbe-Grillet, « Le parti de Roland Barthes » (1981), in Pourquoi j’aime Barthes, Christian Bourgeois Editeur, 2009, p. 53-59, p. 53.

13Eric Marty, op. cit., p. 15-16.

14Roland Barthes, Œuvres Complètes I [« Culture et tragédie », 1942], op. cit., p. 29.

15Voir le témoignage d’André Lepeuple, son compagnon de chambre à Saint-Hilaire dans : « Chambre 18. Témoignage », in Revue des sciences humaines, n°268, 4/2002, p. 143-150, p. 147, cité par Tiphaine Samoyault dans Roland Barthes, op. cit., p. 193.

16Tiphaine Samoyault, Roland Barthes, Editions du Seuil, 2015, p. 158.

17Tiphaine Samoyault, Ibid., p. 194.

18Pour en savoir plus sur ce film et l’accueil qu’il a reçu à sa sortie, lire « Les Anges du péché (fiche filmographique) », La Revue de cinéma, n°16, 1959, p. 27-29 disponible ici : http://id.erudit.org/iderudit/52197ac ; ainsi que le recueil d’articles (avec notamment un article élogieux de Sacha Guitry) disponible sur le site de Gallica ici : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10510474j/f1.image.

19Tiphaine Samoyault, op. cit., p. 196.

20Roland Barthes, Œuvres Complètes I [« Concerts de musique de chambre par trois étudiants de Belledonne », 1945], op. cit., p. 83.

21Philippe Roger, Roland Barthes, roman, Editions Grasset, 1986, p. 335.

22Eric Marty, Roland Barthes, le métier d’écrire, Editions du Seuil, 2006, p. 9.

23Roland Barthes, Œuvres Complètes I [« Notes sur André Gide et son Journal », 1942], op. cit., p. 33.

24Eric Marty, Roland Barthes, le métier d’écrire, op. cit., p. 10.

25Roland Barthes, Œuvres Complètes I [« Plaisir aux Classiques », 1944], op. cit., p. 63.

26Ibid., p. 67.

27Eric Marty, « Présentation », in Roland Barthes, Œuvres complètes I, op. cit., p. 24.

28Roland Barthes, Œuvres Complètes I, op. cit., p. 29.

29Idem.

30Ibid., p. 30.

31Ibid., p. 31.

32Roland Barthes, Œuvres Complètes I [« A propos du numéro de Confluences autour des problèmes du roman », 1943], op. cit., p. 53.

33Roland Barthes, Œuvres Complètes I [« Réflexion sur le style de L’Etranger », 1944], op. cit., p. 78.

34Dans sa biographie de Roland Barthes, Tiphaine Samoyault note que l’itinéraire du voyage conduit Barthes et son groupe « d’Athènes à Mycènes, en passant par les îles, Santorin, Délos, Egine. » (p. 158). Or, si on exclut les fragments traitant de sujets particuliers, les notes sont présentées dans l’ordre suivant : Athènes, Salamine, Egine, Mycènes, Santorin, Délos.

35Roland Barthes, Le Degré zéro de l’écriture suivi de Nouveaux essais critiques, Editions du Seuil, Collections Points, 1972, p. 16.

36Idem.

37Tiphaine Samoyault, op. cit., p. 185.

38Idem.

39Ibid., p. 187.

40Claude Coste, Roland Barthes moraliste, Presses Universitaires du Septentrion, 1998, p. 39.

41Roland Barthes, Roland Barthes par Roland Barthes, Edition du Seuil, Collection Points, 2010, p. 215.

42Ibid., p. 214.

43Tiphaine Samoyault, op. cit., p. 195-196.

44Roland Barthes, Œuvres Complètes I, op. cit., p. 30.

45Ibid., p. 32.

46Ibid., p. 57.

47Ibid., p. 61.

48Ibid., p. 75.

49Roland Barthes, Œuvres Complètes I [« En Grèce », 1944], op. cit., p. 68.

[50]Roland Barthes, Œuvres Complètes I [« En Grèce », 1944], op. cit., p. 68.

50Serge Doubrovsky, Parcours critique II (1959-1991), Texte établi par Isabelle Grell, Presses Universitaires de Grenoble, ELLUG, 2006, p. 77.

51Sur les vingt quatre citations annexées à l’article « Plaisir aux Classiques », trois sont de Vauvenargues et deux de Chamfort.

52Voir la préface de Roland Barthes à La Rochefoucauld, Réflexions ou Sentences et maximes, Club français du livre, 1961. Reprise dans : Roland Barthes, Le Degré zéro de l’écriture, suivi de Nouveaux essais critiques, Editions du Seuil, Collection, 1972, p. 71-88.

53Serge Doubrovsky, op. cit., p. 78.

54Roland Barthes, Œuvres Complètes I, op. cit., p. 61.

55Serge Doubrovsky, op. cit., p. 77.

56Roland Barthes, Œuvres Complètes I, op. cit., p. 42.

57Ibid., p. 46.

58Ibid., p. 57.

59Ibid., p. 83.

60Ibid., p. 74.

61Claude Coste, op. cit., p. 283.

62Roland Barthes, Œuvres Complètes I, op. cit., p. 32.

63Ibid., p. 31.

64Ibid., p. 32.

65Ibid., p. 35.

66Idem.

67Idem.

68Ibid., p. 39.

69Roland Barthes, Œuvres Complètes I [« Les Anges du péché », 1943], op. cit., p. 49.

70Idem.

71Idem.

72Ibid., p. 50.

73Ibid., p. 53.

74Idem.

75Tiphaine Samoyault, op. cit., p. 196.

76Ibid., p. 197.

77Roland Barthes, Œuvres Complètes I, op. cit., p. 60.

78Ibid., p. 62.

79Ibid., p. 61.

80Roland Barthes, Le Degré zéro de l’écriture, Editions du Seuil, Collection Points Essais, 1972, p. 16.

81Ibid., p. 59.

82Roland Barthes, Essais critiques, Editions du Seuil, Collection Points Essais, 1981, p. 274.

83Roland Barthes, La Chambre claire : Note sur la photographie, Editions Gallimard / Seuil, Cahiers du cinéma, p. 80.

84Roland Barthes, Œuvres Complètes I, op. cit., p. 75.

85Ibid., p. 78.

86Claude Coste, op. cit., p. 283.

87Roland Barthes, Œuvres Complètes I, op. cit., p. 34.

88Roland Barthes, Le Plaisir du texte, Editions du Seuil, Collection Points Essais, 1973, p. 10.

89Roland Barthes, Œuvres Complètes I, op. cit., p. 38.

90Ibid., p. 42.

91Ibid., p. 43.

92Ibid., p. 57.

93Ibid., p. 22.

94Ibid., p. 59.

95Idem.

96Roland Barthes, « Vingt mots-clés pour Roland Barthes », in Le Grain de la voix, Entretiens 1962-1980, Editions du Seuil, Collection Points Essais, p. 221-250, p. 222.

97Roland Barthes, Œuvres Complètes I, op. cit., p. 62.

98Ibid., p. 63.

99Ibid., p. 75.

100Ibid., p. 76.

101Idem.

102Ibid., p. 77.

103Idem.

104Ibid., p. 76.

105Ibid., p. 51.

106Robert Bresson, Notes sur le cinématographe, Editions Gallimard, Collection Folio Essais, 2006, p. 102.

107Roland Barthes, « En sortant du cinéma », in Le Bruissement de la langue, Editions du Seuil, Collection Points Essais, p. 407-412, p. 410.

108Ibid., p. 408.

109Tiphaine Samoyault, op. cit., p. 192.

110Roland Barthes, Œuvres Complètes I, op. cit., p. 83.

111Roland Barthes, « Musica Practica », in L’Obvie et l’obtus, Editions du Seuil, p. 231-235, p. 231.

112Roland Barthes, Œuvres Complètes I, op. cit., p. 69.

113Ibid., p. 68.

114Ibid., p. 69.

115Idem.

116Ibid., p. 73.

117Idem.

118Edgar Morin, « Le retrouvé et le perdu », in Roland Barthes, Communications, n°8, Editions du Seuil, 1982, p. 3-6, p. 3.

119Maurice Pinguet, « Le texte Japon », in Roland Barthes, Revue Critique n°423-424, Editions de Minuit, 1982, p. 758-766, p. 758.

120Roland Barthes, « Comment ma parole pourrait aller au-delà de mon écriture ? », propos recueillis par Jean-José Marchand, retranscrits par Dominique Rabourdin, in Roland Barthes, Le Magazine Littéraire, op. cit., p. 139-147, p. 145.

121Tiphaine Samoyault, op. cit., p. 31.

122Roland Barthes, La Préparation du roman I et II. Cours et séminaires au Collège de France (1978-1979 et 1979-1980), Paris, Editions du Seuil, 2003, p. 382.