L’œuvre comme virtualité

Le travail de Roland Barthes est habité par le désir d’écrire, et par une relation fantasmatique à la virtualité de l’œuvre. « Un fantasme (ce que du moins j’appelle ainsi) – écrit Barthes, dans les notes du séminaire Comment vivre ensemble– un retour de désirs, d’images, qui rôdent, se cherchent en vous, parfois toute une vie, et souvent ne se cristallisent qu’à travers un mot. » De ce point de vue, il est intéressant de rapprocher deux séminaires, donnés à quelques années de distance, l’un à l’École Pratique des Hautes Etudes (Le Lexique de l’auteur), l’autre au Collège de France(La Préparation du roman), pour revoir ce rapport particulier à la virtualité d’écrire.

« Peut-être tardif », la patience de Barthes

Le motif du retard n’est pas sans importance chez Barthes ; les « avenirs de Barthes », il nous semble, ont souvent tardé. Des débuts jusqu’aux derniers cours et ouvrages, si l’écriture de Barthes manifeste une force de rupture, des accélérations de pensée, elle compose avec un suspens existentiel, une traversée de l’attente ; en cela, elle aurait partie liée avec une certaine modalité de la patience. C’est cette patience en sa singularité qui fait ici l’objet de notre questionnement. Quel statut est-il possible de lui accorder ? Quel sens, tant existentiel que scriptural, lui donner ?